Accueil | Editoriaux | Editorial – Aux innocents les mains pleines

Editorial – Aux innocents les mains pleines

Le basculement est proche. Depuis hier, on sait qu’un pour-cent de la population mondiale possèdera la moitié des richesses de la planète l’année prochaine. Soit 70 millions de personnes qui détiennent autant que sept milliards.

Selon les chantres du capitalisme, cette situation n’est pas inquiétante. La richesse accumulée par ces milliardaires ne fait qu’essaimer grâce au ruissellement des profits. Une mécanique parfaitement rodée qui a depuis longtemps fait ses preuves dans les Bourses mondiales ou dans l’économie réelle. Car la confiscation des richesses par quelques-uns ne saurait en aucun cas être interprétée comme un signe d’inégalités par les autres.

C’est avec joie que la population mondiale pauvre assiste à l’engraissement des nababs. Elle a, depuis longtemps, compris que ceux-ci ne sont que bienveillance et attention à son endroit. C’est sans jalousie aucune que les ouvriers du monde entier regardent ces patrons fréquenter les palaces et voyager en jet privé. Le milliard de personnes qui vit grâce à un dollar par jour remercie quotidiennement de leur générosité ces riches patrons. Sans eux, elles gagneraient peut-être moins bien leur vie.

En 2018, ce pour-cent le plus riche de la population mondiale possèdera plus de la moitié de la richesse produite. En 2020, les projections lui accordent déjà 54%. En 2100, si la courbe ne s’infléchit pas, nous serons donc proches des 99% de richesses détenues par un pour-cent de la population. Un scénario idéal, qui devrait réjouir les 99% les plus pauvres.

Le risque, au fond, est que cela finisse par se voir. Que tant d’inégalités suscitent la jalousie de l’écrasante majorité. Que ces pauvres se rendent compte qu’en gagnant deux dollars par jour, ils seraient deux fois plus riches. Et qu’ainsi, ils vivraient mieux.

Il serait quand même dommage de remettre en cause une répartition des richesses qui satisfait le plus grand nombre. Reconnaissons l’abnégation de ce petit pour-cent, de ces soixante-dix millions de personnes prêtes à capter la richesse du monde pour lui assurer un futur joyeux. Que serait-il sans elles ?

De notre rédacteur en chef adjoint Christophe Chohin

 

> Écrire à notre rédacteur en chef adjoint : cchohin@lequotidien.lu

490_0008_13649601_christophe mini