L’incroyable transformation du Luxembourg, ces dernières décennies, s’accompagne parfois de paradoxes. L’un d’eux concerne une richesse historique et renouvelable : ses forêts.
Une richesse si abondante qu’elle lui a valu le nom de département des Forêts sous l’Empire napoléonien, et qui, jusqu’à l’intégration des pays d’Europe du Nord, avait fait du Grand-Duché le pays proportionnellement le plus boisé de l’UE.
Mais le pays des forêts a bien changé : il ne reste que deux scieries au Luxembourg. Deux scieries, pour un territoire dont le tiers est occupé par des forêts, c’est un peu mince! Or l’une de ces entreprises familiales, la scierie Brever, nous confiait au début du mois qu’elle employait uniquement une main-d’œuvre belge, pour scier principalement… du bois belge! La faute à la pénurie d’épicéas, un type de bois prisé dans la construction, mais qui a du mal à s’implanter au Luxembourg… Ainsi qu’à la pénurie de Luxembourgeois dans le secteur forestier, peu surprenant dans un pays où la fonction publique et les banques sont bien plus attrayantes que les métiers traditionnels.
Résultat, le secteur n’est plus que l’ombre de lui-même, et nos deux courageuses scieries doivent se battre pour exister, en jouant sur la qualité plutôt que sur la quantité. Car les racines de la mondialisation ne connaissent pas les frontières, et ces petites scieries ne pèsent guère lourd dans un marché dominé par les mastodontes belges ou allemands.
Et comme si cela ne suffisait pas, un autre géant lorgne avec avidité notre poumon vert. En pleine croissance, la Chine a en effet un appétit dévorant. Il y a quelques années, nous révélait un responsable de l’administration de la Nature et des Forêts, Pékin a tenté d’acheter l’intégralité de notre production forestière publique!
En attentant, le géant asiatique se contente d’acheter le bois qui ne trouve pas de débouchés sur le marché grand-ducal, pour le transformer dans ses lointaines usines. Ce bois qui a mis des décennies à pousser dans nos forêts reviendra ensuite au Luxembourg sous forme de produits à valeur ajoutée estampillés «made in China»…
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)