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De l’importance des symboles

Tout juste la procédure de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne déclenchée mercredi, Xavier Bettel a pris sa plume pour réclamer à Bruxelles le siège de l’Autorité bancaire européenne (EBA), actuellement à Londres. Ce que d’autres, comme Dublin, Francfort ou Paris, veulent également.

Le Premier ministre fonde sa demande sur un accord de 1965 aussi vague que dépassé. Vague car sans engagement formel, disant que le Luxembourg pourrait héberger des organismes de l’UE, «particulièrement dans le domaine financier». Dépassé car il date de 1965, quand l’UE – qui n’existait même pas sous ce nom – se limitait à six pays, contre 27 à l’avenir. Le Grand-Duché abrite déjà les sièges de la BEI, de la Cour des comptes et de la Cour de justice. C’est se montrer peu partageur que d’en réclamer un quatrième, là où la plupart des États membres disposent de si peu.

Cette demande se heurte aussi à l’image négative d’un pays caractérisé par les excès de ses banques et institutions financières. L’EBA, créée en 2011 pour répondre à la crise, a pour mission «de garantir un niveau de règlementation et de surveillance prudentielles efficace et cohérent dans l’ensemble du secteur bancaire européen». Le Grand-Duché est aujourd’hui noyé sous les accusations de promouvoir l’évasion fiscale, illégale comme dans le cas des LuxLeaks, ou de favoriser une industrie offshore des plus suspectes. L’on peut aussi citer le chef de l’autorité de surveillance du secteur financier impliqué dans le scandale des Panama Papers. Ou la contestation des règles fiscales communes, comme dans les affaires Fiat ou Engie. Ou encore le ministère des Finances déconseillant aux professionnels de la place de répondre à l’invitation d’une commission du Parlement européen, l’institution la plus souveraine de l’UE.

Indépendante, l’EBA est en principe à l’abri de l’influence du pays qui l’héberge. Mais pas de l’image qu’il véhicule. L’Europe traverse la plus grave crise de son histoire et pas seulement à cause du Brexit. La construction d’une UE au service des milieux économiques et financiers ne passe plus. Elle mène à la perte. Il faut l’entendre, y compris sur l’importance des symboles.

Fabien Grasser

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