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Culture partout… et nulle part

Durant le confinement, l’ennui n’est pas une option. On s’improvise des passions pour la cuisine, la couture, le jardinage et pour le bricolage – attention aux accidents domestiques, en hausse depuis le début de la crise. Activité, elle, sans risque, la culture illustre bien cette propension à combler le vide et à gérer le temps qui passe sans pouvoir sortir.
Elle s’invite ainsi à la maison, dépoussière la pile de livres oubliés, redonne de l’air aux vinyles à l’étroit dans l’étagère et, surtout, se lance dans une dématérialisation tous azimuts, tête baissée et cœur grand ouvert : aujourd’hui, on prend l’apéro en ligne devant un concert, du théâtre, une série et même une visite d’exposition – à condition que la bande passante tienne le coup !

Radio, télévision, podcasts, programmes éducatifs complètent cette offre improvisée, confirmant cette révolution numérique à marche forcée. Bien sûr, ce changement ne profitera pas à tous. Il y aura des gagnants et des perdants. La médaille et son revers. D’un côté, des entreprises qui font du commerce en ligne et qui profitent déjà des effets de cette crise sans précédent (mais évitent de le dire, car ça serait mal vu) : on songe aux plateformes de ventes de films, aux jeux vidéo et même aux e-books (comme quoi tout arrive). De l’autre, des structures «physiques» qui apprennent sur le tas qu’internet ne sert pas seulement à vendre des billets et à présenter son programme de saison. C’est pour elles que les lendemains seront durs. Certes, alors que l’on aborde une troisième semaine d’isolement, les moins modestes gagnent en visibilité, participant à cette vaste déferlante qui s’écrase contre nos canapés.

Mais après ? Elles vont en effet devoir se confronter à un sujet épineux : leur crédibilité économique au cœur de systèmes libéraux qui, derrière les grands discours, célèbrent la culture quand ça les arrange, laissant la majorité de ses acteurs dans un désarroi financier. Oui, une autre fracture, douloureuse, se niche dans l’ombre, prête à surgir sur les cendres prochaines du Covid-19. Elle sera majeure. On verra, pour le coup, si le mot « solidarité » entre politique et milieu culturel n’est pas, une fois encore, virtuel.

Gregory Cimati