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Crimes sans prescription

Encore une pilule extrêmement difficile à avaler pour des millions d’Américaines. À croire que rien n’est plus crucial aux États-Unis, malades de leur déraison. Et de leurs juges ultraconservateurs, toujours prompts à hystériser une société déjà folle et furieuse. Suspendue la semaine dernière, la mifépristone – sur le marché depuis une vingtaine d’années et utilisée dans plus de la moitié des avortements – est de nouveau autorisée. Enfin, si l’on peut dire… Un sursis révocable à tout moment. Car les conditions assorties pour se procurer le comprimé sont diablement ubuesques. Autant l’interdire une fois pour toutes ! C’est d’ailleurs ainsi que la bataille judiciaire va probablement se terminer, la décision appartenant à la Cour suprême.

La même qui a annulé en juin 2022 la protection constitutionnelle de l’avortement, laissant aux États la liberté de bloquer définitivement l’accès à l’IVG. Un crime sans prescription au pays de la peine de mort. Une quinzaine ont depuis saisi l’occasion trop belle de porter un énième coup aux droits des femmes. Aujourd’hui réduits à peau de chagrin, donc. À pleurer autant qu’à vomir. Tant pis pour celles dont le viol accouchera d’une grossesse, tant pis pour les gamines victimes d’inceste chez l’oncle Sam. Leurs bébés sont «des enfants de Dieu», vocifèrent les fanatiques pro-vie. N’en déplaise aux intégristes, ce sont les enfants de monstres qui en porteront le fardeau jusqu’à leur dernier souffle. Dont la simple respiration exprimera infiniment toute la douleur infligée à la mère.

C’est dingue, n’empêche, cet acharnement des hommes de pouvoir. Leur idéologie éternellement imposée aux autres. Leur fausse pudeur et leur morale à deux balles. Leur jouissance, surtout, à pourrir l’existence de leurs concitoyennes. Souvent mal nées dès le départ, mal barrées en chemin, mal aimées jusqu’au bout. L’hypocrisie s’ajoute au mépris des lâches, avec pour seule fierté d’avoir été dotés du sexe «fort». Il s’agirait juste de prémunir les femmes des dangers de la mifépristone, osent-ils. Quand bien même les effets secondaires graves restent rares. Tiens, encore une pilule dure à avaler… Tous les prétextes sont bons pour nous briser les ovaires.

Alexandra Parachini