La grève qui a pris son envol, hier matin, à Cargolux fera date. Tout d’abord, le Grand-Duché est connu comme un pays où la paix sociale règne. Les arrêts de travail d’envergure sont des raretés, notamment grâce à un modèle social qui permet presque toujours des compromis viables. Ensuite, la dimension de cette grève doit être considérée. Des dizaines de Boeing 747 sont cloués au sol, à l’aéroport de Luxembourg, mais aussi sur d’autres continents. Et les avions risquent de le rester encore pendant plusieurs jours, au moins. Peu importe la durée de cette grève, les conséquences seront lourdes et vont encore se faire ressentir dans les semaines à venir. À la clé se trouvent des pertes financières considérables, mais aussi des répercussions négatives sur l’image de Cargolux, réputée pour sa fiabilité et sa flexibilité.
Est-ce que le bras de fer engagé entre les syndicats et la direction est bien raisonnable ? La guerre des chiffres est déclarée depuis mercredi. OGBL et LCGB reprochent à Cargolux de ne pas vouloir faire profiter le personnel des résultats record enregistrés entre 2020 et 2022. Les dirigeants répondent que sur cette même période de trois ans, une prime cumulée de quelque 200 000 euros a été versée à chacun des plus de 2 500 salariés, personnel au sol et pilotes confondus. Il s’agit de près de 67 000 euros par an, qui viennent s’ajouter au salaire annuel de base.
Ces montants sont hallucinants. Le camp syndical le reconnaît, mais estime en même temps qu’une revalorisation durable des salaires est incontournable. Les deux camps ont conscience que les bénéfices record – 1,6 milliard de dollars en 2022 – ne vont pas perdurer. Mais, toujours selon l’OGBL et le LCGB, la marge financière est présente pour une augmentation linéaire des salaires de 6 % sur quatre ans. Cargolux proposerait 5 % sur cinq ans. Un compromis semble largement atteignable, mais au bout de 18 mois de négociations, l’impasse est totale.
Syndicats et direction se retrouvent sur la corde raide. Par heure et par avion immobilisé, une perte de 22 000 euros est à comptabiliser, soit 528 000 euros par jour. Au vu de tous ces enjeux financiers, les deux camps ont intérêt à ne pas garder Cargolux trop longtemps clouée au sol, sans quoi le crash sera inévitable.