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Usines textiles au Bangladesh : un pouvoir inflexible


Selon la police, dix-neuf usines ont déjà été «attaquées et détruites» par les grévistes.

Le gouvernement du Bangladesh refuse une nouvelle hausse du salaire minimum dans les usines textiles du pays, provoquant la colère des ouvriers et ouvrières plongés dans la misère.

La Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a refusé toute nouvelle hausse du salaire minimum des ouvriers du textile qui continuent d’exiger qu’il soit quasiment triplé, après plus de dix jours de manifestations et de heurts avec la police. «Je dirais aux ouvriers du textile qu’ils doivent travailler et faire avec cette augmentation de salaire, ils devraient continuer leur travail», a déclaré Sheikh Hasina lors d’une réunion de son parti, la Ligue Awami, tard jeudi soir.

Mardi, le comité du salaire minimum du secteur textile a augmenté de 56,25 % le salaire mensuel de base des quatre millions d’ouvriers du secteur, le portant à 12 500 takas (104 euros), un montant jugé «ridicule» et aussitôt rejeté par les syndicats. Les ouvriers du textile manifestent pour un quasi-triplement du salaire minimum, actuellement de 8 300 takas (70 euros) à 23 000 takas (190 euros). Selon les syndicats, les ouvriers souffrent durement de l’inflation, qui a atteint près de 10 % en octobre, et de la dépréciation d’environ 30 % du taka par rapport au dollar américain depuis le début de l’an dernier. «S’ils descendent dans la rue pour protester à l’instigation de quelqu’un, ils perdront leur emploi, leur travail et devront retourner dans leur village», a ajouté Sheikh Hasina.

Un dirigeant syndical, ayant requis l’anonymat vendredi, a estimé que le discours de Sheikh Hasina instaurait un «climat de peur» dans le secteur, et semblait donner aux forces de sécurité la permission de réprimer davantage les manifestations. La police a arrêté plus de 100 manifestants, dont plusieurs dirigeants syndicaux, accusés de violences et de vandalisme dans des usines, ont déclaré deux policiers. Les États-Unis ont, cette semaine, condamné «la criminalisation des activités légitimes des ouvriers et des syndicats». Washington a exhorté mercredi les autorités du Bangladesh à «revoir la décision sur le salaire minimum» pour répondre «aux pressions économiques croissantes auxquelles font face les ouvriers».

Un pays, usine textile pour les grands groupes

Au moins trois ouvriers sont morts et six policiers ont été blessés et plus de 70 usines ont été saccagées, selon la police, en un peu plus de dix jours de violentes manifestations. Mais Sheikh Hasina a aussi argué que la hausse proposée au secteur du textile était bien supérieure à celle d’à peine 5 % dont ont bénéficié les fonctionnaires. Ces derniers jouissent toutefois de salaires autrement plus confortables. Rashedul Alam Raju, un dirigeant d’un syndicat de l’habillement, a exhorté Sheikh Hasina à écouter les revendications des ouvriers. «La Première ministre pourra augmenter les salaires après avoir réexaminé la situation», a déclaré Rashedul Alam Raju.

Les syndicats affirment que la hausse du salaire offerte cette semaine est insuffisante par rapport à la flambée des prix de l’alimentation, des loyers et des frais de santé et de scolarité pour les enfants des ouvriers du textile. La puissante femme politique a également déploré que 19 usines aient été «attaquées et détruites», soulignant qu’il s’agissait d’entreprises qui «leur donnaient la subsistance, de la nourriture et du travail».

«Si ces usines sont fermées, où iront leurs emplois ?»

Les quelque 3 500 usines textiles du Bangladesh, employant majoritairement des femmes, produisent 85 % des 51 milliards d’euros d’exportations annuelles du pays et fournissent de nombreuses grandes marques mondiales, comme Levi’s, Zara (groupe Inditex) ou encore H&M. «Si ces usines sont fermées, si la production est perturbée, les exportations sont perturbées, où iront leurs emplois? Ils doivent le comprendre», a aussi fait valoir Sheikh Hasina. Basée aux Pays-Bas, l’organisation de défense des droits des ouvriers du textile, la Clean Clothes Campaign, a dénoncé le nouveau salaire de base qu’elle a qualifié de «salaire de misère».

«Si les marques soutenaient le montant de 23 000 takas réclamé par les syndicats et s’engageaient à absorber le coût de l’augmentation des salaires, les ouvriers n’auraient pas besoin de descendre manifester dans la rue», a déclaré vendredi le porte-parole de l’organisation, Bogu Gojdz. «Nous considérons les marques engagées en faveur d’un salaire vital – telles que ASOS, Uniqlo, H&M, C&A, M&S, Aldi et Next – particulièrement responsables de cette situation», a ajouté Bogu Gojdz. Le textile est une industrie clé du Bangladesh, deuxième exportateur mondial de vêtements derrière la Chine.