« On assiste à un effondrement de l’activité de beaucoup de plateformes », a indiqué Hervé Novelli, président de l’Association des plateformes d’indépendants (API) qui regroupe une vingtaine de sociétés dont Stuart, Uber, Frichti et Deliveroo.
« On gagne à peine 20 euros pour 11 heures de travail ». Yoan et Ahmed, perchés sur leurs vélos à l’arrêt, ont la mine sombre : leur activité de livraison pour une plateforme est en chute libre en raison du coronavirus, et ils ignorent s’ils pourront bénéficier des aides aux micro-entreprises et indépendants.
Parmi les plateformes les plus touchées, les plateformes de mise en relation entre « extras » et restaurants et hôtels, comme Brigad, alors que leurs clients sont fermés. Ou encore les sites de services à la personne tels Wecasa (coiffure à domicile, ménage, etc.) et Baby Prestige, qui fournit en baby-sitters les hôtels de luxe. L’API milite pour ouvrir aux travailleurs des plateformes le fonds de solidarité de 1 milliard d’euros annoncé par le ministre de l’Économie français, Bruno Le Maire, pour aider les plus petites entreprises, les indépendants et les micro-entreprises qui ont perdu plus de 70% de leur chiffre d’affaires. Le fonds doit permettre le versement d’une somme mensuelle forfaitaire de 1 500 euros, mais les modalités exactes sont encore en cours d’élaboration.
Pas le droit au chômage
Selon Hervé Novelli, certaines plateformes comme Brigad envisagent d’abonder cette aide. L’ancien ministre, créateur du régime d’autoentrepreneur en 2008, demande aussi d’élargir le dispositif de perte d’activité, prévu aujourd’hui seulement en cas de liquidation d’entreprise. Les travailleurs des plateformes, qui sont au statut d’autoentrepreneur, n’ont pas accès au chômage. Depuis la loi « Liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018, les indépendants peuvent être indemnisés en cas de perte d’activité, mais sont exclus les entrepreneurs ayant créé leur société depuis moins de deux ans (ce qui est le cas de beaucoup de chauffeurs VTC) et les micro-entrepreneurs dont les revenus sont inférieurs à 10 000 euros sur les deux dernières années.
Avec la mise à l’arrêt de l’économie et le confinement, les VTC subissent une baisse drastique d’activité. « Ce ne sont pas les 1 500 euros qui vont nous permettre de sortir la tête de l’eau, avec les traites à rembourser, les loyers à payer… C’est la catastrophe », lance Brahim Ben Ali, animateur de l’intersyndicale nationale des VTC.
Uber refuse de « commenter sur le niveau d’activité » mais reconnaît qu’il « y a un vrai besoin de clarté sur ce à quoi les chauffeurs ont droit ». Pour sa part, Deliveroo évoque une « activité relativement stable ». La plateforme indemnise les livreurs en quarantaine ou contaminés par le coronavirus, et offre depuis mercredi des téléconsultations sans avance de frais. La livraison « sans contact » est obligatoire depuis lundi, dans le cadre des consignes gouvernementales : le livreur dépose le repas à la porte et s’écarte de 2 mètres minimum.
Les premiers à être touchés par la crise
Chez Frichti, un vigile filtre les entrées au dépôt-cuisine de la rue Cadet à Paris. « Pas plus d’un livreur dans le hub », confirme Caroline, manager du site. Josué, casque sur la tête et sac à dos ouvert, se lave les mains en arrivant avec le flacon de gel mis à disposition. « Je travaille comme d’habitude », indique-t-il, tout sourire. Frichti « a été sauvé par son activité de supermarché » indique Caroline. Le site livre davantage d’épicerie (pâtes et riz en vedette, mais aussi beaucoup de fruits et légumes) ce qui compense la baisse d’activité de livraison aux entreprises, en chute libre. Mais la cuisine de Cadet n’emploie plus que six livreurs par jour au lieu d’une quinzaine.
Beaucoup de livreurs rencontrés par l’AFP connaissent des difficultés avec la langue française, ce qui n’aide pas à renseigner des formulaires de demande d’aide auprès de l’administration. Déjà précarisés par leur statut d’autoentrepreneur, qui indemnise mal les arrêts de travail pour maladie et pas du tout le chômage, ils risquent d’être les premiers à faire les frais de la crise du coronavirus.
AFP/LQ