De l’art de prendre les vagues… Surfeur émérite, le Français Pascal Saint-Amans s’est imposé comme le pilote de la lutte internationale contre l’évasion fiscale. Une prise de pouvoir qui agace parfois.
A Antalya, en Turquie, les chefs d’État et de gouvernement du G20 viennent de consacrer son travail sur la fiscalité des multinationales. Mais il préférerait être à Paris, avec sa famille, alors que la capitale française est encore sous le choc des attentats meurtriers de vendredi soir.
L’ambiance était bien plus légère à Lima (Pérou), le 9 octobre : les ministres des Finances du G20 avaient alors validé, avec force louanges, le plan d’action élaboré en un temps record par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour empêcher la fuite fiscale des Apple et autres Starbucks. Pascal Saint-Amans, directeur de la fiscalité de l’OCDE, était allé fêter l’événement sur une planche de surf, photo Twitter à l’appui.
After G20, another form of surfing… More fun in Lima @OECDtax pic.twitter.com/5Fs7zhF5Xo
— Pascal Saint-Amans (@PSaintAmans) 9 Octobre 2015
« J’ai pris quelques vagues, mais j’ai fini par avoir le mal de mer », en rigolera plus tard le quadragénaire (47 ans). Barbe de trois jours, mèches poivre et sel et lunettes rectangulaires, il fait un parfait « bobo » parisien, qui circule en vélo, habite face à Notre-Dame et sort dîner en jean et t-shirt après un sommet financier compassé.
« C’est quelqu’un de brillant, qui sait parfaitement où il va » et qui est passé maître dans l’art de « personnaliser » les dossiers, juge Manon Aubry, son interlocutrice pour le compte de l’ONG britannique Oxfam. Cet habile communicant a su s’imposer au niveau international malgré un CV propre à hérisser tout financier anglo-saxon : Français, haut fonctionnaire et ancien candidat socialiste à une élection locale.
A sa sortie de l’ENA en 1996, il entre au ministère des Finances et s’occupe de fiscalité, mais aussi de régulation de l’énergie. Il publie même une diatribe contre la libéralisation du marché de l’électricité, sous le pseudonyme d’un maréchal d’Empire. Recruté à l’OCDE en 2007, il est aux premières loges quand l’entreprenant chef de l’organisation Angel Gurria arrache aux États du G20 le mandat d’organiser la lutte contre l’évasion fiscale.
Le « renard argenté » en fait enrager plus d’un
Juste après la crise financière, alors que les États serrent les vis budgétaires, Pascal Saint-Amans s’engouffre dans la fenêtre de tir politique qui vient de s’ouvrir. « PSA » commence par clamer la « mort du secret bancaire », en généralisant l’échange automatique entre administrations fiscales sur les avoirs des particuliers, initié par les États-Unis. Puis il siffle « la fin de la récréation », en théorie, pour Apple, Amazon et toutes ces multinationales expertes en évitement fiscal.
Mais le « renard argenté », comme l’appellent celles et ceux que son aisance médiatique agace, ne fait pas l’unanimité. Au-delà de l’hostilité des gestionnaires de fonds des paradis fiscaux, il est critiqué par les ONG. Elles reprochent à cet envoyé des États riches, exempté d’impôt sur le revenu comme tous les fonctionnaires internationaux, de négliger les pays pauvres et de laisser trop de mou aux multinationales.
Piqué au vif, il les accuse dans une interview récente de « faire la fine bouche ». Ce ton acerbe a surpris ses interlocuteurs du monde associatif, dont l’un estime qu’après avoir accompli « un travail colossal », il est « peut-être temps de laisser le bébé ». Lui veut encore « descendre dans les soutes » pour superviser la mise en œuvre des grandes annonces, sans pour autant s’y éterniser.
AFP/A.P