Un an après le scandale LuxLeaks, « rien n’a changé » en matière de lutte contre l’évasion fiscale estiment des personnalités politiques et des économistes, dans une tribune publiée dans le journal Libération.
Les signataires de la tribune parue mardi dans Libération, parmi lesquels l’ancien président du Conseil italien et ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, ou l’économiste français Thomas Piketty, demandent aux États membres de l’UE « de soutenir la proposition de reporting pays par pays actuellement en discussion dans le cadre de la directive sur les droits des actionnaires », qui oblige « les entreprises cotées à rendre publiques des informations sur leurs activités et leurs impôts ».
En novembre 2014, « un groupe de journalistes internationaux révélait que plus de 300 multinationales avaient conclu entre 2002 et 2010 des accords secrets – les fameux rescrits fiscaux, pratique légale mais sujette à des dérives permettant aux multinationales de ne quasiment pas payer d’impôt – au Luxembourg dans le but de réduire drastiquement le montant de leurs impôts », rappelle le texte.
« Un an après LuxLeaks, rien n’a changé », déplorent les auteurs. « L’Union européenne doit s’assurer que les multinationales paient leurs impôts là où elles réalisent leurs profits. Nous demandons des réformes ambitieuses pour réduire la fraude fiscale, combler les trous dans la législation, sanctionner les paradis fiscaux et pour combattre la corruption et le blanchiment d’argent. Nous devons améliorer la transparence et la coopération transfrontière », écrivent-ils.
Pour les signataires, un accord sur le reporting pays par pays « représenterait un pas en avant important dans la lutte contre l’évasion et l’évitement fiscaux. Il s’agit là d’une condition essentielle pour que l’Europe retrouve le chemin d’une croissance économique soutenue ».
L’UE toujours pas à la hauteur
Outre les politiques et économistes, plusieurs ONG ont également fait le bilan de « l’anniversaire » du scandale LuxLeaks. Dans un rapport publié mardi, elles jugent que « les Européens continuent de faciliter l’évasion et l’optimisation fiscales des multinationales malgré les promesses faites il y a tout juste un an de lutter contre ces pratiques ».
Face à l’ampleur du scandale, la Commission européenne, alors tout juste entrée en fonction, et les États membres s’étaient engagés à une plus grande transparence, en particulier sur les rescrits fiscaux. Depuis, « même s’il y a eu certains changements et que certaines échappatoires fiscales ont été supprimées, force est de constater que le même système complexe et dysfonctionnel de rescrits fiscaux, de conventions fiscales, de sociétés dites boîtes aux lettres et de régimes fiscaux préférentiels pour les brevets, perdure », dénonce le rapport.
Conscients de la nécessité d’agir, l’UE a adopté en octobre un système d’échange automatique d’informations sur les rescrits fiscaux. Mi-novembre, les grandes puissances du G20 devraient aller plus loin et valider un nouveau mécanisme qui vise à freiner les techniques d’optimisation fiscale des entreprises en faisant « disparaître » leurs bénéfices dans des territoires à faible fiscalité.
AFP/A.P