Un an après l’éclatement de l’affaire LuxLeaks, le Parlement européen a adopté mercredi une résolution sur la fiscalité des entreprises dans laquelle il demande notamment aux 28 États membres de fixer des règles pour que les bénéfices des multinationales soient imposés dans le pays où ils ont été générés.
Sur la base du rapport final de la commission sur les rescrits fiscaux (TAXE), créée après l’affaire LuxLeaks, le Parlement a présenté ses propositions « pour rendre les impôts sur les sociétés plus justes en Europe ». Les eurodéputés ont adopté ce mercredi une résolution dans laquelle ils demandent aux Vingt-Huit de fixer des règles pour que les bénéfices des multinationales soient imposés dans le pays où ils ont été générés.
« Les députés considèrent qu’à l’heure actuelle, la concurrence fiscale des entreprises – qui incite à une planification fiscale agressive et à l’évasion fiscale, sans aucun cadre commun – est néfaste. Outre la perte de revenus publics, il est considéré inéquitable que les grandes entreprises paient très peu d’impôts sur leurs bénéfices alors que les citoyens et les PME doivent payer le prix plein », stipule le communiqué du Parlement européen.
« Les grandes multinationale payent en impôts 5% de leurs bénéfices et, dans certains pays, c’est encore moins. C’est une situation qui a des conséquences. Ce sont les recettes prévues pour financer notre santé, nos infrastructures, notre éducation qui en souffrent », avait souligné mardi, lors du débat, l’un de ses co-rapporteurs, la socialiste portugaise Elisa Ferreira.
Pour un « reporting » obligatoire, pays par pays
Dans le rapport de la commission TAXE, largement approuvé mercredi en plénière, le Parlement européen recommande que les multinationales soient contraintes de publier des rapports financiers « pays par pays », afin de faire la transparence sur les bénéfices réalisés, les impôts payés et les subventions reçues dans chaque État.
Cette mesure, également réclamée par les ONG et déjà appliquée pour les banques, fait actuellement l’objet d’une étude d’impact, à la demande de la Commission européenne. « Nous devons tenir compte aussi du public auquel on s’adresse, de la nécessité de maintenir l’investissement », a récemment souligné le commissaire Pierre Moscovici, accusé par les Verts de frilosité sur ce dossier.
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« Il faut trouver un accord commun sur ce qui est autorisé en termes de rescrits fiscaux et d’accords avancés en matière de prix de transfert (à savoir comment les transactions sont évaluées au sein d’une même entreprise). Pour (…) mettre un terme aux régimes préférentiels, aux différences entre les systèmes fiscaux nationaux et à la plupart des problématiques entraînant l’érosion de l’assiette fiscale au niveau européen, il faut introduire dès que possible une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) à l’échelle européenne », affirment les eurodéputés.
La résolution, adoptée par 508 voix contre 108 et 85 abstentions, constitue la première conclusion de la commission spéciale sur les pratiques d’évasion fiscale créée par le Parlement européen après le scandale LuxLeaks.
Publier les rescrits fiscaux
Le Parlement européen ne revendique pas la fin des rescrits fiscaux (tax rulings), mis en cause dans l’affaire LuxLeaks, mais demande à la Commission d’établir un cadre commun imposant aux États une analyse de leurs répercussions sur les assiettes fiscales d’autres pays, ainsi que la publication des termes de ces accords. Le Parlement réclame également que les États rendent publics ces accords négociés directement avec les multinationales. Un système qui alimente l’évasion fiscale à grande échelle, et que certains États membres, notamment le Luxembourg, ont pratiqué pendant des années de façon très opaque.
« Les parlementaires répètent que la Commission européenne devrait aussi recevoir ces informations pour qu’elle puisse jouer pleinement son rôle d’organisme de surveillance de la concurrence, comme elle l’a fait dans les affaires Starbucks et Fiat« , précise le communiqué du Parlement européen.
Protéger les lanceurs d’alerte
Il demande également à la Commission d’élaborer un statut légal pour les « lanceurs d’alerte » afin de protéger ceux-ci des poursuites. Deux anciens collaborateurs du cabinet d’audit PwC Luxembourg, et un journaliste français ont été inculpés par la justice luxembourgeoise pour avoir contribué à la fuite des informations du scandale LuxLeaks. « Les lanceurs d’alerte dont les révélations éveillent l’intérêt du public devraient être mieux protégés. »
Dans son rapport, la commission « TAXE » se plaint que ses travaux aient été entravés par les informations tardives et lacunaires fournies tant par les États que par la Commission européenne et par les entreprises. Sur les dix-sept entreprises qu’elle souhaitait auditionner, quinze ont accepté mais pour onze d’entre elles, seulement in extremis, après que leurs lobbyistes eurent été menacés de se voir retirer leur accréditation auprès du Parlement.
Le Quotidien / S.A. (avec AFP)