Relativement épargné jusque-là, le secteur du bâtiment est désormais en crise face à l’explosion des prix des matériaux et aux difficultés d’approvisionnement.
Après une année 2020 plutôt sereine, grâce à une période de fermeture limitée à quatre semaines et à des mesures de soutien, les professionnels du secteur de la construction tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme. À la forte hausse du prix de l’acier, du bois et d’autres matériaux s’ajoutent de sérieuses difficultés pour s’approvisionner. Les mois qui viennent pourraient ainsi être fatals à l’activité de certains d’entre eux.
«La tonne de fer, qui était encore à 600 euros en février, s’arrache aujourd’hui à 890 euros», se désole Pol Faber, LE secrétaire général du Groupement des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics. «Quant au bois, son prix a déjà été multiplié par trois ou quatre, et ça va encore augmenter», poursuit-il. «Cette montée énorme des prix est très préoccupante.» Dans de moindres proportions, le matériel d’isolation est aussi concerné, tout comme les métaux, le verre, le matériel électrique, la peinture, le béton ou le polypropylène, ce plastique servant à former des tuyaux.
Plusieurs raisons à ce bouleversement : tout d’abord, le redémarrage en trombe de l’économie chinoise, avec une croissance record dépassant les 18% au premier trimestre 2021, et qui aspire une grande partie des matériaux disponibles. «Des usines restées totalement fermées en 2020 ont rouvert et tournent à plein régime pour répondre à une demande accrue. Tout l’argent qui n’a pas été dépensé en Chine l’an dernier est maintenant sur la table», indique le secrétaire général.
Mais le Covid n’est pas seul en cause. Les effets collatéraux du marché mondial jouent aussi : ainsi, la crise commerciale entre l’administration Trump et le Canada au sujet du bois d’œuvre a poussé les États-Unis à se tourner vers d’autres marchés, dont l’Europe, qu’ils siphonnent en faisant pleuvoir les billets verts. «Les Américains sont disposés à payer trois fois le prix du bois d’il y a six mois», confie Pol Faber qui ajoute que, face à l’épuisement de leur stock, «certains grossistes ne peuvent déjà plus livrer du tout».
Une entrevue fixée avec le ministre
De quoi donner des sueurs froides aux entreprises luxembourgeoises, en particulier dans le secteur du parachèvement – ces corps de métier qui installent fenêtres, portes, toit, électricité, évacuation des eaux, chauffage et sanitaire, et dépendent les uns des autres sur un chantier. «Cette flambée des prix, doublée de la raréfaction des matériaux, nous est tombée dessus alors qu’on ne s’y attendait pas. On ne sait pas ce qu’il va se passer», prévient Pol Faber.
S’il est encore trop tôt pour savoir si le secteur de la construction aura les reins assez solides pour faire face, la situation est critique : «Pour l’instant, les chiffres des faillites sont stables, mais ils ne reflètent pas la réalité du terrain. On ne pourra mesurer les conséquences de cette crise qu’à la fin de l’année», estime-t-il.
Quant aux répercussions sur les chantiers planifiés ou en cours, elles s’annoncent lourdes : «Concernant les marchés publics, nous sommes en pourparlers avec les autorités compétentes pour reporter certains chantiers. Dans le privé, je conseille à ceux qui souhaitent faire construire leur maison d’attendre ! Pour ce qui est déjà signé, l’entreprise a l’obligation, selon le contrat, de prendre les surcoûts à sa charge.»
Ce point précis figurera à l’ordre du jour d’une entrevue programmée avec le ministre des Travaux publics, François Bausch, lundi prochain, car, vu les circonstances, il devient difficile voire impossible pour les entreprises de gros œuvre, génie technique ou parachèvement de tenir les coûts promis aux clients dans leurs devis.
Le secteur mise beaucoup sur une adaptation des règles en la matière, qui lui permettrait de facturer des dépassements au-delà d’un certain seuil. «Sans mesure adéquate, les petites entreprises ont peu de chances de survivre», conclut Pol Faber.
Christelle Brucker
L’agriculture également touchée
Cette hausse des prix met en difficulté les agriculteurs, horticulteurs et entreprises assimilées, qui sont amenés à entretenir régulièrement bâtiments, infrastructures et machines, et à investir dans du nouveau matériel afin de répondre aux normes en vigueur. Ce secteur est donc également très dépendant de l’approvisionnement en matériaux comme le bois, l’acier ou la tôle, ainsi qu’en pièces de rechange.
Parallèlement, ces dernières semaines, le prix du carburant et des engrais a fortement augmenté, note le ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, dans une réponse à une question parlementaire. Un coup dur de plus. Conséquence directe : la hausse des coûts de production et une réduction des marges dans l’agriculture.
Est-ce que cette hausse des coûts va se répercuter au final sur les acheteurs de nouveaux logements qui sont actuellement en construction? Doit-on prévoir une augmentation du coût de la construction?