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Loyers : l’offre est trop freinée, les prix pas assez


À Berlin, le plafonnement des prix se décline à travers différentes mesures. Pour commencer, un gel des loyers a été décrété. À partir de 2023, des augmentations modérées seront à nouveau possibles. (illustration Isabella Finzi)

Le plafonnement des loyers mis en place à Berlin peut-il servir de modèle pour le Luxembourg ? Les avis des partis divergent. Mais l’actuelle limitation légale du loyer à 5% de la valeur de l’habitation est défaillante.

« Le Luxembourg dispose bien d’une mesure pour freiner le prix des loyers », souligne d’emblée Max Hahn. Le député libéral renvoie à la loi de 2006 sur le bail à usage d’habitation. Ce texte précise que «la location d’un logement (…) ne peut rapporter au bailleur un revenu annuel dépassant un taux de 5% du capital investi». Autrement dit : le loyer annuel ne peut pas dépasser 5% de la valeur de l’appartement ou de la maison mis en location. «Or vu l’emballement des prix du logement, ce frein ne correspond plus aux besoins. Il n’est plus efficace», rétorque le député socialiste Franz Fayot. Le LSAP est le seul parti à plaider ouvertement pour un frein à l’augmentation des prix des loyers.

Le plan berlinois

Le Sénat de Berlin vient de faire un pas de plus en décrétant un plafonnement des loyers, avec comme première mesure un gel des prix pour une période de cinq ans. Les logements sociaux et les constructions louées depuis 2014 sont exclus de la mesure. Un total de 1,5 million de logements reste toutefois visé par ce gel.

À partir de 2023, les loyers pourront être augmentés de 1,3%. Des travaux de modernisation ne pourront être répercutés qu’à hauteur d’un euro par mètre carré et par mois sur le loyer. En cas de non-respect de ces dispositions, des peines pouvant aller jusqu’à 500 000 euros sont prévues.

Le LSAP plaide pour rouvrir le débat

Un véritable «frein des loyers» ne figure pas dans le programme gouvernemental. Il prévoit cependant de «mieux contrôler l’évolution des loyers». La marge permettant de s’inspirer du modèle berlinois existe-t-elle ? «Instaurer un véritable frein reste une bonne base de discussion. Mais la configuration actuelle du gouvernement ne permet que difficilement d’instaurer une telle mesure», constate Franz Fayot. En tant que président du LSAP, il espère toutefois que la discussion pourra être rouverte sur le sujet : «L’intention du nouveau ministre du Logement d’augmenter le parc locatif public est la bonne. Mais, en attendant, les prix nous échappent. Pour mieux contrôler cette surchauffe, il faudra mener encore une fois ce débat.» L’appel sera-t-il entendu par le DP, récalcitrant sur la question, et le ministre vert du Logement ?

Le DP mise sur plus de contrôles ciblés

Max Hahn plaide pour renforcer les contrôles et le cas échéant les pénalités en cas de non-respect de la barre des 5%. «Les instruments dont nous disposons devraient être suffisants pour appliquer ce plafonnement. Il faudrait procéder à des contrôles ciblés. Cela pourrait conduire le marché à respecter les règles», souligne le député libéral.

CSV : un plafonnement «contre-productif»

Du côté du CSV, la grande priorité reste – comme pour pratiquement tous les partis – l’augmentation du nombre de logements à prix abordable. Le député Marc Lies rappelle la volonté du CSV de limiter le prix des loyers à 10 euros/m2 dans le cadre de la gestion locative sociale ou d’une location avec option d’achat, qui reste à instaurer.

«Un plafonnement généralisé pourrait par contre s’avérer contre-productif. L’investissement dans le logement plus ancien pourrait se réduire. Un tel scénario amènerait le risque de voir les logements vides augmenter», conclut le député-maire de Hesperange, qui siège à la commission du Logement.

Bannir la spéculation prime pour déi Lénk

En 2016 et 2018, déi Lénk a introduit des propositions de loi pour assurer une «meilleure protection des couches de la population les plus vulnérables contre des loyers exorbitants». Le programme de coalition va dans la direction prônée par le parti d’opposition, même si cela reste à confirmer. Pour ce qui est de l’exemple de Berlin, le député David Wagner estime qu’«un gel des loyers peut être un bon mécanisme», qui rejoindrait d’ailleurs la proposition de loi visant à contrer l’envol des prix du logement. Déi Lénk a développé un mode de calcul «certes perfectible», mais qui permettrait «de lutter contre la spéculation sur le foncier. Il s’agit du fond du problème», insiste David Wagner.

David Marques

Les annonces de la coalition

En dehors de ses efforts pour donner à un plus grand nombre de citoyens accès à des logements publics, le gouvernement compte prendre d’ici 2023 deux mesures «pour améliorer la situation des locataires» :

›D’abord, le programme de coalition prévoit de «moderniser» la «législation existante pour mieux contrôler l’évolution des loyers et de renforcer le rôle et les compétences des commissions des loyers, qui existent actuellement au niveau communal (lire par ailleurs).

›Une deuxième mesure concerne la mise en place d’un «système qui garantira que les frais d’agence encourus lors de la signature d’un contrat de location ne soient pas imputés unilatéralement aux locataires».

Le marché locatif en bref

Une minorité de locataires. Selon les derniers chiffres de l’Observatoire de l’habitat, «la majorité des ménages sont propriétaires de leur immeuble». La base reste le dernier recensement de la population de 2011 qui a montré «que seulement 28,3 % des ménages sont locataires». Dans son dernier rapport Travail et cohésion sociale, le Statec a dressé un état des lieux entre propriétaires et locataires.

La hausse des loyers est limitée. «À la suite de la hausse des prix du logement, le pourcentage des locataires (…) pourrait augmenter dans les années à venir», ajoute toutefois l’Observatoire de l’habitat. Et pour cause, au 2e trimestre 2019 les prix des logements ont augmenté de 11,4 %. La progression au niveau des loyers est moindre, avec une augmentation moyenne d’un pour cent entre 2017 et 2018 (1 % pour les appartements et 0,7 % pour les maisons).

Peu de variations des loyers. Un autre constat majeur est que les loyers annoncés sont biens supérieurs aux montants fixés dans le contrat d’un bail en cours. Les adaptations du loyer sont par contre très rares. Entre 2014 et 2018, 60,2 % des locataires d’appartements n’ont pas connu de variation de leur loyer. Pour les maisons, ce taux augmente à 67,8 %.

Le rôle des commissions des loyers. Au niveau des communes fonctionnent des commissions spécialisées, appelées à concilier les conflits à propos du montant du loyer. «En cas de non-conciliation (…) la commission détermine le loyer dû», explique le ministère du Logement. Un recours judiciaire est toujours possible, mais rarement utilisé. La moyenne annuelle de recours devant la Justice de paix d’Esch-sur-Alzette s’est ainsi stabilisée à six dossiers sur la période 2016-2018.

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