Les ventes de Volkswagen risquent de souffrir de sa tricherie aux émissions polluantes, mais les conséquences commerciales de ce scandale restent encore difficiles à évaluer, notent des experts du secteur automobile.
Mises en cause par la justice, risques d’amendes se comptant en milliards de dollars et déjà des dizaines de plaintes au civil: le fleuron de l’industrie allemande a vu le ciel se charger depuis la révélation aux États-Unis de l’affaire des moteurs diesel truqués, il y a dix jours.
Le géant de Wolfsburg a provisionné 6,5 milliards d’euros pour faire face aux coûts induits par ce scandale. Mais un problème plus immédiat va se poser à l’entreprise qui a écoulé 10 millions de véhicules en 2014 et dépassé Toyota au premier semestre 2015, pour devenir le premier constructeur mondial.
«Le risque (…) c’est de voir les performances commerciales de Volkswagen touchées par cette affaire. L’image du groupe est en jeu. Cette image, avec cette tricherie, est ternie. Le défi majeur pour le nouveau dirigeant de Volkswagen (Matthias Müller, NDLR) sera de recréer la confiance avec les clients», explique Flavien Neuvy, directeur de l’observatoire Cetelem de l’automobile.
D’un point de vue commercial, «la fin 2015 et l’année 2016 seront certainement plus compliquées que prévu pour le groupe», prédit-il. Avant même ce scandale, VW avait révisé cet été ses prévisions de ventes mondiales à la baisse pour prendre en compte l’essoufflement du marché chinois.
Les États-Unis lui ont déjà interdit de vendre ses voitures équipées d’un moteur diesel jusqu’à nouvel ordre, et la Suisse leur a emboîté le pas vendredi, alors que le groupe a reconnu avoir distribué 11 millions de véhicules équipés du dispositif frauduleux.
Les chiffres des ventes aux États-Unis et en Europe pendant le mois de septembre seront connus jeudi, mais il devrait être difficile d’en tirer des conclusions définitives, d’autant plus que les performances commerciales de VW étaient déjà en retrait aux États-Unis.
Pour septembre, le site spécialisé Edmunds s’attend à une baisse de 2% des ventes du groupe, qui serait le seul constructeur a enregistrer un repli ce mois-ci aux États-Unis.
Valeur à la revente
Pour Emmanuel Bulle, spécialiste du secteur automobile à l’agence de notation Fitch, le problème de Volkswagen aux Etats-Unis «n’est pas seulement ce qu’ils vont perdre en terme de ventes, mais aussi leur stratégie d’expansion» dans le pays. La firme est en train d’agrandir son usine du Tennessee (sud) pour y fabriquer notamment un gros 4×4 urbain.
VW pourrait avoir encore plus à perdre dans l’UE, dont il s’arroge quelque 25% du marché. «Nous sommes préoccupés par une contagion des Etats-unis, où VW est un acteur de second plan, vers l’Europe, son plus gros marché dont les diesel détiennent une bien plus grosse part», a indiqué lundi l’agence Moody’s.
Volkswagen donnait jusqu’ici le «la» des prix à ses concurrents sur le Vieux continent. «Acheter une Volkswagen était statutaire», remarque Philippe Jourdan, fondateur de la firme de conseil et d’études marketing Promise Consulting. Les propriétaires risquent désormais d’être «montrés du doigt» et «assimilés au mensonge», estime-t-il.
Une image de marque détériorée signifie aussi des voitures moins faciles à vendre, des réductions à consentir sur les prix et donc une rentabilité en baisse, autant de facteurs pris en compte par les agences de notation qui ont mis le groupe sous «surveillance négative».
«Il y a actuellement peu d’impact sur nos ventes et nous recevons énormément de messages de soutien», affirme-t-on pourtant chez VW France.
M. Bulle appelle aussi à ne pas négliger la «capacité énorme de l’industrie allemande à se remobiliser» pour dépasser ce scandale.
Au delà de la fréquentation des concessions, une baisse de la valeur à la revente, autre point fort traditionnel des autos du groupe Volkswagen, préoccupe les gestionnaires de flottes comme les loueurs de courte durée, explique Francis Bartholomé, président du Conseil national des professions de l’automobile (CNPA).
«Les gens qui vivent du principe d’acheter des stocks et de les revendre se posent un certain nombre de questions» sur l’opportunité d’acquérir des Volkswagen, remarque-t-il.
AFP/M.R.