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Les prix du pétrole décrochent toujours


La production de brut des États-Unis et du Brésil a atteint des niveaux record, réduisant l’impact des décisions des pays de l’OPEP. (Photo : afp)

Les pays de l’OPEP+ devraient décider de fermer encore un peu plus le robinet d’or noir pour permettre aux prix de remonter. Mais ce sera difficile.

Après un report pour cause de désaccord, plusieurs pays de l’OPEP+ ont annoncé hier sabrer davantage leur production de pétrole en 2024, avec un objectif : enrayer la récente chute des cours. Une nouvelle fois, les efforts sont essentiellement supportés par les deux piliers de l’alliance de producteurs d’or noir, l’Arabie saoudite et la Russie.

Riyad prolonge ainsi ses coupes d’un million de barils par jour (bpj) jusqu’à «la fin du premier trimestre 2024», selon un communiqué du ministère de l’Énergie publié à l’issue d’une réunion par visioconférence des ministres du groupe. Moscou renforce quant à lui sur la même période sa mesure de réduction des exportations, qui passe de 300 000 à 500 000 barils par jour, a annoncé le vice-Premier ministre en charge de l’Énergie Alexandre Novak. Parmi les 23 membres, d’autres pays, comme les Émirats arabes unis, vont également procéder à des baisses de moindre ampleur. Le Koweït, le Kazakhstan, l’Algérie ou Oman aussi, a rapporté l’agence Bloomberg. Les marchés ont réagi avec déception devant ces gestes volontaires et l’absence d’accord collectif de l’OPEP+. En fin de journée, le cours du brent, référence européenne du brut, fléchissait de 0,31 % à 82,84 dollars le baril, quand celui du WTI, son équivalent américain, chutait de 2,47 %, à 75,94 dollars.

Initialement prévue dimanche à Vienne, la réunion avait été repoussée sur fond de discorde. L’Arabie saoudite, qui fait le gros des efforts, a en effet eu mal à convaincre les pays africains de partager le fardeau. Parmi les réfractaires, l’Angola et le Nigeria «veulent augmenter leurs quotas de production» afin d’accroître leur manne pétrolière, source de précieuses devises étrangères, d’après une source proche des discussions. Ces deux pays n’ont pas digéré les conclusions de la dernière réunion, en juin, qui actaient une réduction de leurs objectifs de production, après des années de sous-investissement. À l’inverse, les Émirats arabes unis avaient été autorisés à ouvrir davantage le robinet de brut au vu de leur importante capacité de réserve.

Des décisions sans effet

Depuis fin 2022, l’alliance garde sous terre environ 5 millions de barils par jour, jouant sur la raréfaction de l’offre pour tenter de faire remonter des prix minés par l’incertitude économique sur fond de taux d’intérêt élevés. Elle avait dans un premier temps sabré quelque 2 millions de barils, à l’occasion des retrouvailles des 23 membres à Vienne, après une longue série de rencontres virtuelles pour cause de pandémie. Puis, en mai dernier, neuf membres, dont les Saoudiens et Russes, avaient annoncé des coupes volontaires surprises pour un total de 1,6 million de baril quotidiens. Et «gâterie saoudienne», selon l’expression du ministre de l’Énergie du royaume, le prince Abdelaziz ben Salmane, Riyad a fermé encore davantage ses robinets un mois plus tard, décision prolongée donc hier.

Malgré les précédentes annonces, les deux références du brut ont dévissé au cours des semaines passées, même si elles restent au-dessus de la moyenne des cinq dernières années. Les prix évoluent désormais autour de la barre symbolique des 80 dollars le baril, après une éphémère envolée du brent à près de 100 dollars fin septembre et loin des 140 dollars atteints à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine. La demande apparaît fragile, entre préoccupations autour de l’économie de la Chine, premier importateur de brut au monde dont la reprise post-Covid-19 s’avère beaucoup plus poussive que prévu, et signaux mitigés venant de l’Europe et des États-Unis.

Côté offre, la production de brut des États-Unis et du Brésil a atteint des niveaux record, provoquant un changement des rapports de force. L’OPEP+, qui compte pour environ la moitié de la production mondiale, «n’a plus la mainmise sur le marché qu’elle avait autrefois», souligne Neil Wilson, analyste chez Finalto. L’alliance, née en 2016 en réaction aux défis posés par la concurrence américaine, espère toutefois être rejointe par le Brésil dès janvier 2024. «C’est un moment historique pour le Brésil, qui ouvre un nouveau chapitre du dialogue et de la coopération internationale sur l’énergie», a salué le ministre Alexandre Silveira de Oliveira, présent à la réunion. Mais le ministère de l’Énergie a tempéré cette annonce, précisant dans un communiqué transmis que le ministère «analysait la question».