Présenté aux députés la semaine dernière, le budget 2023 qualifié par la ministre des Finances de « budget de crise » suscite de nombreuses interrogations de la part de Carlo Thelen, directeur général de la Chambre de commerce.
27,3 milliards d’euros de dépenses et 24,5 milliards de recette, le « budget de crise en temps de crises » présenté par la ministre des Finances, Yuriko Backes, au lendemain du discours sur l’état de la Nation par Xavier Bettel, la semaine dernière, est scruté par tous les acteurs de l’économie luxembourgeoise. Sur son blog, le directeur général de la Chambre de de commerce, Carlo Thelen, s’interroge sur la pertinence des trois adjectifs utilisés par le gouvernement pour qualifier son budget : réaliste, solidaire et responsable.
Le triple A luxembourgeois menacé ?
Si Carlo Thelen reconnaît qu’une approche prudente guide bien le nouveau budget, il rappelle que l’évolution budgétaire dépendra des soubresauts de la crise, comme l’a reconnu Yuricko Backes elle-même. « Le Luxembourg n’est en effet pas à l’abri d’une dégradation substantielle des conditions macro-économiques mondiales, les tensions géopolitiques et sur les prix ne semblant pas aller en s’améliorant », note le directeur général. Une situation qui devrait amener la dette à un niveau record de 29,5% en 2026. « Le moindre choc la fera donc passer au-dessus des 30%, plafond certes purement luxembourgeois, mais emblématique, et pourrait à terme menacer le triple A luxembourgeois. »
Avec des recettes portées essentiellement par le dynamisme du marché de l’emploi, un choc sur celui-ci, « par exemple un phénomène de grande démission comme celui observé dans de nombreux autres pays », pourrait déstabiliser cet équilibre. Ces recettes ne compensant pas l’envolée des dépenses, le déficit « risque de se creuser structurellement à cause de la baisse du surplus de l’Administration de la sécurité sociale ». Des déséquilibres qu’il faudra, d’après Carlo Thelen, régler plus rapidement que ce que prévoit le gouvernement. « Il importe de faire preuve de vigilance budgétaire dans les années à venir, en dépit du contexte pour le moins chahuté, via la fixation de priorités notamment. »
Un budget à la solidarité variable
Pour Carlo Thelen, ce budget est « incontestablement » solidaire pour ce qui est de l’aide aux ménages et en particulier des plus défavorisés. Mais « la dimension « solidarité » est bien plus difficile à déceler lorsqu’il s’agit de nos entreprises, des plus petites d’entre elles en particulier », alerte-t-il. Les aides entérinées par la tripartite ne sont, à son sens, pas suffisante. « Ces maigres acquis pourraient en outre être remis en cause par les institutions européennes si considérées comme non conformes à l’Encadrement temporaire de crise. »
Un manque de responsabilité
Le directeur de la Chambre de commerce s’inquiète également de la vision à moyen terme de ce budget, « ce qui va résolument à l’encontre du principe de responsabilité brandi puisqu’un filet de sécurité sociale digne de ce nom doit pouvoir être financé. » Le risque est alors de précariser la population tout en menaçant les finances publiques.
Les préoccupations de Carlo Thelen se dirigent notamment vers le surplus de la sécurité sociale. Celui-ci « continuera à s’étioler, pour n’atteindre que 0,7% du PIB en 2026, contre 1,3% de 2020 à 2022, 1,9% du PIB avant la crise sanitaire (en 2019, donc) et même près de 3% du PIB en 2001. » Une évolution qui ne risque pas de s’inverser dans les années à venir et représente « une potentielle bombe à retardement sociale » qui sera amplifiée par la crise du logement.
La responsabilité du gouvernement envers les entreprises pose également question à Carlo Thelen. Pour soutenir la croissance, « une politique de diversification économique dynamique, cohérente et qualitative » est nécessaire. « Les accents mis en avant dans le budget, en termes d’infrastructures numériques notamment, sont-ils à la hauteur des ambitions ? C’est ce que la Chambre de Commerce ne manquera pas d’analyser. »
Un soutien insuffisant
Ce soutien doit passer par une politique d’investissements ambitieuse ce qui ne semble pas aujourd’hui être le cas. « S’ils passent de 4,2% du PIB en 2022 à 4,6% en 2023, une décrue est enregistrée par la suite, pour atteindre 4,2% en 2026 », analyse Carlo Thelen. Insuffisant, surtout au vu des dépenses de rémunération « qui passeraient de 10,2% du PIB en 2022 à 10,8% en 2026. » Des dépenses alourdies par les procédures administratives et l’incapacité du gouvernement à « digitaliser plus systématiquement et rapidement les services publics. »
Enfin le soutien aux entreprises est primordial en temps de crise. Cependant, les mesures du budget ne semblent pas apporter plus de prévisibilité et de certitudes par rapport à l’accord tripartite du 28 septembre. Une plus grande marge de sécurité budgétaire aurait été salutaire pour le directeur qui conclut que celle-ci « s’effrite rapidement, alors que l’accumulation de réserves pendant les années de forte croissance économique n’a pas été assez conséquente. »