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« L’Amazon polonais » voit grand avec une entrée en Bourse record


Créé en 1999 en tant que version locale d'eBay, qu'il a d'ailleurs chassé de Pologne au bout de quelques années, Allegro a connu une croissance remarquable. (photo AFP)

Assis à son bureau dans un gratte-ciel de Varsovie, le PDG de la première société de commerce électronique en Pologne, Allegro, reste indifférent à l’arrivée imminente d’Amazon sur le marché local, alors que son entreprise se prépare à entrer en Bourse.

Bien au contraire, le Français François Nuyts, chef d’Allegro et lui-même ancien directeur chez Amazon, évoque une possible expansion à l’étranger. « Nous pensons qu’il y a beaucoup de choses que nous faisons assez bien, sinon mieux, que n’importe quel concurrent », déclare-t-il, en réponse aux informations selon lesquelles le géant américain s’apprête à lancer un site polonais après des années de réflexion.

Lundi sera un grand jour pour Allegro et pour la bourse de Varsovie. La société sera introduite sur le marché à une valeur estimée à environ 9,4 milliards d’euros, une opération observée de près par d’autres places européennes encore atones, frappées par la pandémie. La société, détenue par les fonds d’investissement basés à Londres Cinven, Permira et Mid Europa, compte lever environ un milliard de zlotys (220 millions d’euros) pour racheter sa dette.

Allegro devrait détrôner à la Bourse de Varsovie le développeur de jeux vidéo CD Projekt RED, créateur du jeu à succès international « Le sorceleur ».

Modèle commercial « unique »

Créé en 1999 en tant que version locale d’eBay, qu’il a d’ailleurs chassé de Pologne au bout de quelques années, Allegro a connu une croissance remarquable, avec des revenus nets en hausse de 19% en 2018, de 31,1% en 2019 et de 51,8% au cours des six premiers mois de 2020.

Au premier semestre, le bénéfice net est également passé à 289,7 millions de zlotys (65 millions d’euros) contre 195,7 millions de zlotys au cours de la même période l’année passée.

François Nuyts insiste sur le modèle commercial « vif » et « unique » d’Allegro, reliant plus de 100 000 vendeurs – dont beaucoup de micro-entreprises – avec quelque 12 millions d’acheteurs actifs.

La société possède un entrepôt de taille moyenne et prévoit d’en ouvrir un plus grand, ainsi que quatre plus petits, mais plus de 90% des produits vendus ne passent jamais par là, allant directement du vendeur à l’acheteur.

« C’est vraiment une innovation d’Allegro », déclare-t-il en référence à d’autres « géants mondiaux » qui vendent via leurs plates-formes et acheminent leurs produits via plusieurs entrepôts.

« Success story européenne »

Passionné de gastronomie et de kitesurfing, François Nuyts admet qu’il est « un peu inhabituel d’avoir un Français de Bordeaux » à la tête d’une entreprise polonaise classée dans le top 10 des sites de e-commerce au monde en termes de visiteurs. Le dirigeant a été nommé PDG il y a deux ans après avoir aidé Amazon à s’implanter en Italie et en Espagne dans le cadre d’une carrière de globe-trotter.

Il dit avoir été attiré par Allegro en tant que « success story européenne », qui a débuté humblement en 1999 dans un garage à Poznan, dans l’ouest de la Pologne, où la société est toujours basée.

Interrogé sur ses projets d’expansion à l’étranger, il sourit : « On aurait bien aimé (…) Ce serait dommage si on ne trouvait pas le moyen d’avoir plus de clients et de vendeurs à l’international ». L’entreprise exporte déjà – principalement pour de grandes communautés polonaises dans des pays comme la Grande-Bretagne – et se diversifie dans les services financiers et logistiques en Pologne.

« La nouvelle Europe »

Le PDG souligne qu’il devrait y avoir des « règles du jeu équitables » et que l’UE et les gouvernements nationaux devraient contribuer à garantir cette équité. « Parfois, on a l’impression que les règles ne sont pas les mêmes », dit-il, évoquant les tarifs d’expédition subventionnés par l’État chinois et l’évasion sur la TVA pratiquée par des sociétés de l’empire du Milieu.

Dans tous les cas, Allegro restera concentré sur la croissance en Pologne, où il ne détient toujours que 3% de parts du marché de commerce de détail, ajoute le dirigeant. « La croissance est vraiment devant nous », estime-t-il en soulignant que le commerce électronique en Pologne ne représente toujours que 8% du total de la vente au détail – un taux bien inférieur à celui de nombreux pays occidentaux.

« Il y a ce dynamisme, cette énergie, une croissance qui est assez rare » en Pologne, dit-il. « On a vraiment l’impression d’être dans la nouvelle Europe ici ! »

LQ/AFP