« Partie en pleurant », Liliana Inverno avait été contrainte de quitter le Portugal au plus fort de la crise. Revenue depuis peu, elle profite d’une reprise qui est le principal argument du socialiste Antonio Costa avant le scrutin de dimanche.
« Je n’avais pas le choix », raconte cette professeure de linguistique de 40 ans qui vient de retrouver un poste à l’Université de Coimbra, ville étudiante du centre du pays, après avoir travaillé sept ans en Chine. Un exil dû à la crise de la dette qui a obligé le Portugal à demander en 2011 l’aide de l’Union européenne et du Fonds monétaire international. En échange d’un plan de sauvetage de 78 milliards d’euros, la droite alors au pouvoir est tenue d’appliquer une sévère cure d’austérité.
Liliana perd son emploi à l’université de l’Algarve « en raison des coupes drastiques dans l’enseignement supérieur » alors que son mari, intermittent du spectacle, « accumulait les salaires impayés ». Désespérée, elle postule à l’étranger et trouve du travail en 2012 dans un centre de formation à Macao, une ancienne colonie portugaise rétrocédée à la Chine en 1999. Alors, quand un poste lui est proposé au Portugal au printemps dernier, elle accourt. Même si le salaire représente seulement la moitié environ de ce qu’elle touchait à Macao. « Aussitôt ma nomination confirmée, nous avons fait nos valises », se souvient-elle.
« Le rêve de tout gouvernement »
Arrivé au pouvoir en 2015, le socialiste Antonio Costa, grand favori des législatives de dimanche, avait promis avec ses alliés de gauche radicale de « tourner la page de l’austérité » dans un pays où le chômage a atteint un pic de plus de 17% en 2013. Profitant de la relance entamée sous le précédent gouvernement de droite et des effets des réformes imposées par ses bailleurs de fonds, il consolide la reprise, notamment en augmentant les salaires dans la fonction publique ou les retraites, qui avaient subi des coupes sévères. Résultat : la croissance s’est établie à 3,5% en 2017 et 2,4% en 2018, ses plus hauts niveaux depuis l’année 2000, tandis que le chômage s’est réduit de moitié pour revenir à son niveau d’avant crise (6,4% en juillet).
« Ce contexte exceptionnel est le rêve de tout gouvernement », résume l’économiste Joao Duque selon qui l’économie a bénéficié de la conjoncture européenne et du boom du tourisme. « Beaucoup de sociétés étrangères ont découvert qu’il était intéressant de vivre au Portugal, d’y placer des actifs, d’y investir. Et je crois que ça va continuer », estime Daniel Traça, directeur de l’université Nova School of Busines and Economics.
Déterminé à poursuivre l’assainissement des comptes publics, le ministre des Finances Mario Centeno, devenu président de l’Eurogroupe, a parallèlement « augmenté les impôts indirects et taillé dans les investissements publics », précise Joao Duque. Du coup, le déficit, qui avait atteint 11,4% du PIB en 2010 et s’élevait toujours à 4,4% en 2015, devrait être ramené cette année à 0,2%, du jamais vu depuis l’avènement de la démocratie en 1974.
Deux tiers des exilés rentrés
A Coimbra, l’université datant du XIIIe a embauché en deux ans une trentaine de professeurs comme Liliana Inverno, qui fait partie des quelque 500 000 Portugais qui avaient quitté le pays pendant la crise. Selon les estimations officielles, environ les deux tiers seraient déjà revenus. Antonio Costa ne cesse de se féliciter du fait qu’en 2017, « le solde migratoire a été positif pour la première fois depuis la crise », un signe de la bonne santé économique du Portugal selon lui. Le nombre d’immigrés vivant au Portugal a ainsi bondi de 21% en 2017, selon des statistiques de l’OCDE.
Mais malgré l’embellie, « les gens ont toujours beaucoup de mal à joindre les deux bouts », nuance Liliana Inverno, en se plaignant en particulier de la flambée des prix de l’immobilier. Les attentes créées par le gouvernement socialiste ont par ailleurs déçu certaines catégories professionnelles, provoquant l’hiver dernier une série de grèves dans la fonction publique.
LQ/AFP