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Inflation : dixième hausse de taux pour la BCE, peut-être la dernière


Illustration AFP

La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi son taux d’intérêt de référence à son plus haut niveau depuis 1999, défiant ceux qui appelaient à une trêve pour ne pas aggraver le ralentissement de l’activité économique en zone euro.

Après cette dixième hausse d’affilée depuis juillet 2022, l’institution de Francfort a signalé que son cycle draconien de resserrement monétaire touchait à sa fin, mais sans pouvoir assurer que « le pic » des taux était atteint.

« Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic », a déclaré Christine Lagarde à la presse.

Tout en estimant que les taux sont désormais à des niveaux qui apporteront « une contribution substantielle » à la baisse de l’inflation, la BCE se laisse une marge de manoeuvre : la prochaine décision de l’institution, fin octobre, dépendra « des données » économiques.

Et pour faire encore reculer les prix, il faudra que les taux soient maintenus à leur haut niveau actuel « pendant une durée suffisamment longue ».

La hausse cumulée des taux au cours des quatorze derniers mois atteint désormais 4,50 points de pourcentage, un choc inédit pour la zone euro.

La poursuite du cap monétaire a été décidée car « si l’inflation continue de ralentir, elle devrait toujours rester trop forte pendant une trop longue période », a indiqué le Conseil des gouverneurs à l’issue de sa réunion.

La BCE a relevé jeudi ses prévisions d’inflation pour les années 2023 (5,6%) et 2024 (3,2%), en raison de l’impact des prix de l’énergie, mais l’a abaissée à 2,1% en 2025, tout près de l’objectif à moyen terme de 2,0%.

Long plateau de taux hauts

La BCE faisait face jeudi à un dilemme, rendant sa décision plus incertaine que jamais, car l’activité économique de la zone euro tend à se contracter.

Le tour de vis monétaire des derniers mois a entraîné une envolée des coûts d’emprunt pour les ménages et les entreprises, influant sur la demande et donc la distribution de crédit.

Un temps circonscrit au secteur manufacturier, le ralentissement s’est peu à peu propagé à celui des services. L’indice PMI a atteint son plus bas niveau depuis 33 mois, l’activité se contractant à un rythme inédit depuis l’automne 2020 et la première année de la pandémie.

La BCE a ainsi abaissé jeudi ses prévisions de croissance en zone euro jusqu’en 2025. Celle-ci ne devrait atteindre que 0,7% en 2023, contre 0,9% attendu auparavant, puis 1,0% en 2024 et 1,5% en 2025.

« Nous sommes clairement dans une période de croissance lente et molle », a dit Mme Lagarde.

Ce dilemme entre inflation et croissance a donné lieu à un intense débat entre les banquiers centraux de la zone euro ces dernières semaines.

Cette dixième hausse de taux d’affilée a été décidée à « une solide majorité » du Conseil des gouverneurs, même si certains membres auraient « préféré une pause », a reconnu la banquière centrale.

Face à une inflation jugée tenace, le risque de ne pas en faire assez est apparu plus élevé que le risque d’en faire trop, comme le martèlent les « faucons » qui dominent le débat au conseil de la BCE depuis plus d’un an.

L’augmentation des taux de 0,25 point de pourcentage décidée jeudi, comme en juillet, porte le taux de dépôt des liquidités bancaires à la BCE, qui fait référence, à 4,00%, au plus haut depuis la création de l’institut monétaire en 1999.

Le but est de continuer à freiner l’activité économique, pour contenir à la fois les marges des entreprises et les revendications salariales, qui sont des vecteurs d’inflation.

Mais avec cette nouvelle hausse des taux, la BCE prend « un risque important », celui de « faire sombrer l’économie de la zone euro dans la récession sans réduire l’inflation plus rapidement », juge Marcel Fratzscher, président de l’institut de conjoncture DIW.

Désormais, le débat à la BCE se concentrera sur « la durée du probable plateau » atteint par les taux, souligne de son côté Holger Schmieding, économiste chez Berenberg.

Contrairement à la Fed américaine, qui pourrait commencer à réduire ses taux au printemps 2024, « la BCE fera probablement largement du sur place l’année prochaine », conclut-il.