Après huit mois de bataille, Suez a finalement cédé aux avances de Veolia : les deux fleurons français de l’eau et des déchets ont trouvé un accord de principe pour que Veolia absorbe une bonne part de son rival.
Veolia rachètera une large partie des activités de Suez à l’international pour peser, au total, 37 milliards d’euros de chiffre d’affaires. En parallèle, le futur Suez, largement concentré sur la France, sera repris par des actionnaires majoritairement français et fera moins de la moitié de la taille du groupe actuel, soit de l’ordre de 7 milliards de revenus sur les 17 milliards enregistrés en 2020.
« Toutes les parties prenantes des deux groupes sortent (…) gagnantes. Le temps de l’affrontement est terminé, le temps du rapprochement commence », s’est réjoui le PDG de Veolia Antoine Frérot, dans un communiqué. « Nous avions appelé de nos vœux une solution négociée depuis de longues semaines et nous avons aujourd’hui trouvé un accord de principe qui reconnaît la valeur de Suez », a souligné le président de Suez Philippe Varin.
D’un profond désaccord initial, les deux entreprises sont parvenues à une série de compromis et espèrent conclure des accords définitifs d’ici au 14 mai. Veolia a notamment accepté de relever son offre à 20,50 euros par action Suez – il proposait initialement 18 euros, un montant jugé insuffisant par son rival qui exigeait 22,50 euros par titre. Le prix finalement retenu valorise l’ensemble de Suez à environ 13 milliards d’euros.
La Bourse applaudit
Dans le même temps, le « nouveau Suez » intègrera les activités actuelles de Suez dans l’eau municipale et le déchet solide en France, ainsi que d’autres activités de l’entreprise « notamment dans l’eau » et dans plusieurs zones géographiques dont l’Italie, l’Afrique, l’Inde, la Chine et l’Australie.
Selon une source proche du dossier, le fonds Meridiam ainsi que le duo composé par les fonds Ardian et GIP, qui soutenaient respectivement les initiatives de Veolia et de Suez, en détiendront chacun 40%. Le solde devrait être aux mains de la Caisse des dépôts et des salariés. Meridiam avait déjà annoncé être prêt à apporter également ses activités de traitement des déchets en Europe, soit l’équivalent d’un million de tonnes.
Lundi après-midi, Ardian et GIP ont assuré n’avoir pas participé aux négociations préalables et vouloir désormais « étudier les conséquences » de l’accord. « Il va falloir qu’on travaille avec eux. (…) Notre accord est un accord de principe. Il faut maintenant que les termes détaillés soient établis, ceci suppose bien sûr des discussions qui vont se tenir notamment dans le prochain mois », a réagi Philippe Varin.
A la Bourse de Paris, la signature de cet armistice a été saluée : vers 16h30, dans un marché plutôt atone, le titre Veolia bondissait de près de 9% et celui de Suez de 8%. Ce dernier, coté à 19,92 euros, approchait ainsi du prix proposé dans le cadre de l’offre.
Les syndicats sur leurs gardes
Côté syndical, le secrétaire CGT du comité d’entreprise européen de Suez, Franck Reinhold von Essen, a exprimé lundi un « réel sentiment de trahison », estimant que « les moyens de négocier autre chose existaient ».
« Nous serons vigilants à ce que les collègues de Suez aient une garantie pour l’emploi et à ce qu’il n’y ait pas de suppressions de postes au siège. On s’interroge sur l’endettement du groupe et comment il va pouvoir l’absorber au vu du prix de l’action qui a monté ce week-end », a relevé Alain Bonnet (Force ouvrière) du côté de Veolia.
L’accord prévoit quatre ans de maintien de l’emploi et des acquis sociaux dans le nouveau Suez.
Multiplication des recours en justice, invectives par voie de presse, coups de pression et de semonce… Les deux groupes français s’affrontaient depuis août dernier, et notamment depuis l’acquisition par Veolia en octobre de 29,9% de Suez auprès d’Engie. Veolia avait ensuite lancé une OPA hostile sur le reste des actions Suez. Chacun affichait toutefois sa volonté de tendre la main à son rival, mais à ses conditions, donnant l’impression d’un dialogue de sourds.
LQ/AFP