Reportage à la pompe, dans le sud de la France, où les prix de l’essence ont rarement été aussi élevés.
« Quand vous avez 500 euros de diesel par mois, les loisirs, vous les évitez complètement », se désole Sébastien Bason, en décrochant le pistolet de gazole, accablé par le coût croissant de ses trajets domicile-travail. Avec presque 200 kilomètres quotidiennement pour deux voitures, le budget dédié au carburant du foyer de ce technicien aéronautique à Toulouse a flambé. « On a deux voitures. On était dans les 300 euros, on est passé à 500 euros par mois », s’afflige-t-il.
Jean Castex a annoncé samedi une « remise à la pompe de 15 centimes par litre » pour tous les carburants, à partir du 1er avril et pendant quatre mois.
En attendant, au bord de l’A68 qui relie Toulouse à Albi, c’est là que le carburant est « le moins cher » dans le coin, selon Sébastien, qui suit de près les tarifs sur une application. Il vient de payer 57 euros pour alimenter sa berline : « Là j’ai fait le plein mais il en restait dedans. »
De son domicile dans le département du Tarn à son travail en banlieue toulousaine, ce quadragénaire aux cheveux grisonnants doit conduire pendant « 45 kilomètres, ça fait 90 kilomètres » aller-retour, précise-t-il. Avec « plus de 20% » de ses revenus qu’il laisse à la pompe, le week-end « on ne roule plus ». « On fait en sorte de garder le gazole pour la semaine pour aller travailler », regrette le père de famille de 47 ans.
Faire du covoiturage ou prendre les transports en commun, le technicien y a pensé mais il travaille en décalé, impossible de renoncer au volant. « Soit je suis de jour, soit je suis de nuit, faut arriver à trouver des gens qui ont les mêmes horaires que nous, qui sont sur le même secteur et c’est là que c’est pas évident ».
Covoiturage ou vélo
À la pompe d’à côté, Aurelia Randabel fait grise mine. « J’en ai pour 29,28 euros pour 15 litres (…) c’est épouvantable », s’alarme cette commerçante de 47 ans. Pour faire des économies, Aurelia songe à laisser son véhicule au garage pour se mettre au vélo. Son temps de trajet actuel, « environ vingt minutes », devrait doubler. En plus de faire du covoiturage, cela lui permettrait de ne « prendre la voiture qu’une fois par semaine », analyse la mère de famille.
Vivre à la campagne et faire plusieurs dizaines de kilomètres pour travailler à Toulouse ou Albi, c’est le cas de 85% des actifs de Saint-Sulpice-la-Pointe, commune du Tarn, selon le maire de la ville de 9 600 habitants, Raphaël Bernardin. En attendant les mesures gouvernementales, l’élu LREM a prévu de mettre en place une aide exceptionnelle, dès avril, de 50 euros par mois pour une durée de trois mois pour ses concitoyens, sous critères d’éligibilité stricts.
À destination des « gens qui sont dans la tranche où chaque euro est compté (…) ceux qui ne peuvent pas prendre les transports en commun », le maire évalue « ceux qui sont vraiment ciblés à 200 personnes ».
Si plusieurs communes en France ont opté pour une réponse similaire face à la hausse des prix à la pompe, ce n’est pas le cas du village de Haute-Garonne où habite Julie Niger.
À 23 ans, la jeune palefrenière fait « 40 voire 50 kilomètres tous les jours » pour se rendre à l’écurie où elle travaille six fois par semaine, sauf le dimanche. À la station essence, elle n’avait « jamais vraiment regardé » le prix au litre, bredouille-t-elle, jusqu’à « maintenant où ça fait mal ». Derrière le volant de sa petite voiture noire, elle limite ses mouvements. Le midi, elle ne peut pas se permettre de rentrer chez elle, alors elle va « manger chez des collègues ».
Ce jour-là, les bottes encore recouvertes de fumier devant la pompe, elle n’a « mis qu’une vingtaine d’euros, ça fait trop peur le plein ».