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Fiscalité : une nouvelle manière de contourner la transparence?


Au Luxembourg, les rulings sont strictement réglementés, rappelle le ministère des Finances. (Photo : archives lq/julien garroy)

Une enquête journalistique, intitulée «LuxLetters» avance une méthode utilisée dans le pays pour contourner les règles de l’UE concernant la transparence fiscale. Le gouvernement dément.

Le Luxembourg est une nouvelle fois visé. Après l’enquête journalistique «OpenLux» de février dernier, l’enquête «LuxLetters», conduite par Le MondeSüddeutsche ZeitungEl MundoWoxx et IrpiMedia, avec les ONG Tax Justice Network (TJN) et The Signals Network, vient cependant interroger la réalité de l’effort de transparence en matière fiscale du pays. Selon des témoignages concordants recueillis sous le couvert de l’anonymat, des conseillers fiscaux travaillant pour de grands cabinets installés au Luxembourg ont en effet trouvé le moyen de contourner la réglementation européenne sur l’échange de rescrits, sans que les autorités du Luxembourg y trouvent à redire.

«Leur astuce prend la forme d’un courrier par lequel un fiscaliste informe l’administration luxembourgeoise du traitement fiscal avantageux dont entend bénéficier son client (une entreprise ou un fonds d’investissement), et pour lequel le silence des autorités vaudrait approbation, écrivent-ils. Sur la place luxembourgeoise, ces courriers sont désignés sous le nom de « lettres d’information ». Un terme passe-partout qui, au Luxembourg, prend une signification toute particulière.» En clair, les entreprises transmettraient un accord de principe sur leur taux d’imposition et, sans réponse de la part de l’administration fiscale, pourraient considérer le principe comme acquis.

Le gouvernement n’a pas tardé à réagir : «Les affirmations avancées dans ces articles sont erronées et injustifiées : il n’existe au Luxembourg pas de confirmation informelle ou orale de l’administration fiscale au sujet de la situation fiscale d’un contribuable sur la base de lettres écrites soit par les contribuables eux-mêmes, soit par leurs conseillers fiscaux. Une telle correspondance avec l’administration fiscale serait purement unilatérale et ne peut en aucun cas être considérée comme liant l’administration fiscale ni même être interprétée comme une confirmation d’une situation fiscale donnée.»

«L’objectif d’une décision fiscale, qui est une pratique courante dans la grande majorité des pays de l’Union européenne et du monde, est d’apporter clarté et sécurité juridique aux contribuables, explique le gouvernement. La notion de lettres informelles approuvées tacitement par le silence, dont les auteurs tentent de prouver l’existence par l’absence de décisions écrites, est l’exact opposé de la sécurité juridique et n’aurait donc absolument aucune valeur pour un conseiller fiscal ou son client. De plus, comme le définit la directive européenne DAC 3, tout ruling fiscal ou tout autre document ayant un effet similaire ne peut, par définition, être émis que par une administration et ne peut être un document émanant d’un contribuable.»

En 2020, 44 rulings

Au Luxembourg, les rulings sont strictement réglementés. «Les accords anticipés émis par l’administration fiscale luxembourgeoise sont délivrés par une commission des rulings anticipés et sont valables pour une période maximale de cinq ans. Le nombre de ces rulings a considérablement diminué pour atteindre 44 en 2020, ce qui correspond à une baisse de plus de -90% entre 2015 et 2020.» Le Luxembourg «respecte pleinement toutes les réglementations européennes et internationales en matière de fiscalité et de transparence. Il applique toutes les règles existantes en matière d’échange d’informations en matière fiscale, et plus spécifiquement en termes de rulings fiscaux».

Aux dires du gouvernement, «il n’existe pas de lettres d’information confirmant tacitement la situation d’un contribuable ou de pratique de ruling fiscal oral au Luxembourg. En aucun cas, les lettres adressées par le contribuable à l’administration fiscale ne peuvent être considérées comme des rulings fiscaux ou équivalents, comme ayant un caractère contraignant, ou être interprétées comme une confirmation par l’administration d’une situation fiscale donnée».

Tous les accords fiscaux émis par l’administration fiscale luxembourgeoise le sont «sous forme écrite et sont contraignants». Les rencontres entre les contribuables et l’administration fiscale «ne peuvent déboucher sur aucun type d’assurance pour le contribuable qui serait contraignante pour l’administration fiscale».

Conformément à l’action 5 du projet BEPS et à la directive européenne DAC 3, «le Luxembourg échange des rulings avec toutes les administrations fiscales des États membres de l’UE ainsi qu’avec les administrations fiscales de pays tiers. Depuis 2016, environ 11 500 rulings ont été échangés avec d’autres administrations fiscales européennes et non européennes. Dans la dernière évaluation par les pairs de l’OCDE, l’organisation indique que « le Luxembourg a satisfait à tous les aspects du mandat et aucune recommandation n’est formulée », soulignant ainsi que le Luxembourg est conforme aux normes internationales les plus élevées en matière d’échange de renseignements sur les décisions fiscales»

LQ

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