La Suisse et l’Union européenne ont entériné mercredi la fin du secret bancaire suisse, à partir de 2018, pour les ressortissants européens, une étape majeure vers une plus grande transparence au moment où l’Europe combat l’évasion fiscale.
L’UE et Berne ont officiellement signé à Bruxelles un accord sur l’échange automatique d’informations en matière fiscale concernant les ressortissants européens ne résidant pas en Suisse, après avoir donné un premier feu vert en mars. En Suisse, le parlement doit encore ratifier cet accord, qui peut aussi être soumis à référendum. S’il passe ces étapes, la Suisse et les 28 États membres de l’UE pourront collecter des données bancaires dès 2017 et les échanger à partir de 2018.
Une avancée qui « marque la fin du secret bancaire suisse pour les résidents de l’UE et permettra d’empêcher la dissimulation de revenus non déclarés sur des comptes en Suisse », a estimé la Commission européenne, qui a fait de la transparence fiscale un de ses chevaux de bataille. L’échange automatique de données fiscales est considéré comme l’arme la plus efficace contre la fraude, puisqu’il lève de facto le secret bancaire et met fin à l’arbitraire pouvant régner dans la coopération entre administrations fiscales.
Concrètement, les banques helvétiques devront dans un premier temps livrer aux autorités fiscales suisses des données qu’elles auront collectées sur les contribuables – personnes physiques ou morales – d’un pays membre de l’UE. Le fisc suisse à son tour transmettra ces renseignements aux autorités fiscales du pays concerné.
Les membres de l’UE auront les mêmes obligations à l’égard de la Suisse. Chaque année, les États membres recevront donc les nom, adresse, numéro d’identification fiscale et date de naissance de leurs résidents possédant des comptes en Suisse, ainsi que d’autres informations sur les actifs financiers et le solde des comptes.
Coup porté aux fraudeurs
« Il s’agit d’un nouveau coup porté aux fraudeurs du fisc et d’un pas supplémentaire vers une fiscalité plus juste en Europe », a estimé Pierre Moscovici, le commissaire européen en charge de la Fiscalité, qui a signé l’accord avec le Suisse Jacques de Watteville. « L’Union a montré la voie à suivre pour l’échange automatique d’informations, dans l’espoir que ses partenaires internationaux lui emboîteraient le pas. Cet accord témoigne de ce qui peut être accompli grâce à l’ambition et à la détermination de l’Union », a-t-il ajouté.
La Commission est en train de conclure des négociations pour des accords similaires avec l’Andorre, le Liechtenstein, Monaco et Saint-Marin, qui devraient être signés avant la fin de l’année. Au cours des dernières années, les Européens ont renforcé leur arsenal pour mieux lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, qui prive chaque année les budgets des États membres de plusieurs milliards d’euros.
Ils ont notamment étendu le champ d’application de l’échange automatique d’informations entre les administrations fiscales concernant les particuliers, après avoir réussi à lever les réticences de l’Autriche et du Luxembourg. Désormais, ce sont surtout les pratiques d’optimisation fiscale des entreprises, mise en lumière par le scandale LuxLeaks, que Bruxelles a dans son viseur. Fin 2014, les révélations sur des centaines d’accords dits de « tax rulings » conclus au Luxembourg ont provoqué un sursaut contre l’évasion fiscale organisée en faveur des grandes sociétés.
Après de premières propositions en mars, la Commission veut aller plus loin pour rendre la fiscalité des entreprises plus équitable au sein du marché unique. Elle présentera un nouveau paquet le 17 juin qui comprendra une proposition sur une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (Accis), un sujet gelé depuis des années. Sur ce dossier sensible, il faut être « ambitieux et réaliste », a estimé mercredi Valdis Dombrovskis, le vice-président de la Commission européenne. L’unanimité est requise pour les questions fiscales au sein de l’Union européenne.
Le Quotidien/AFP