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Des salariés qui travaillent trop au Luxembourg, selon la CSL


La qualité du temps passé au travail se dégrade. Par exemple, 18% des salariés interrogés raccourcissent leurs temps de pause, qui pourrait servir à réduire la fatigue due à la charge de travail. (photos Didier Sylvestre)

la Chambre des Salariés (CSL) a présenté sa 7e enquête nationale, en collaboration avec l’Université du Luxembourg, sur la qualité du travail.

L’enquête « Quality of work Index » explique, selon le temps de travail convenu par un contrat, que les salariés travaillent en moyenne 39,3 heures par semaine pour les hommes et 35,4 heures pour les femmes. Par contre, dans la réalité – on parle alors de temps de travail effectif – les salariés masculins travaillent 42,8 heures par semaine et les femmes 37,4 heures. Pour rappel, le temps de travail légal est de 40 heures par semaine.

Mais outre le fait que les salariés travaillent plus que ne le prévoient les contrats, la CSL s’inquiète de l’impact du phénomène sur le salarié, notamment en ce qui concerne son équilibre avec son temps libre. Ainsi, la moitié des répondants de l’enquête ne voient pas de différence entre le temps de travail hebdomadaire effectif et le temps de travail contractuel tandis que 46% déclarent que le temps de travail effectif dépasse le temps de travail contractuel.

Dans le détail, l’enquête montre également que 27% des répondants travaillent jusqu’à 5 heures supplémentaires par semaines, 13% jusqu’à 10 heures et 7% plus de 10 heures supplémentaires par semaines. Seulement 4% travaillent moins d’heures que prévu.

« Là où les frontières sont faibles, il y a peu de protection contre des horaires de travail excessivement longs », a souligné Nora Back, présidente de la CSL.

« Là où les frontières sont faibles, il y a peu de protection contre des horaires de travail excessivement longs », a souligné Nora Back, présidente de la CSL.

L’amour du travail très peu présent

Dès lors, comment expliquer ce « goût » pour le travail supplémentaire ? Dans sa présentation, la CSL a souligné que la principale raison évoquée par les 46% de salariés interrogés était que le travail ne pouvait pas se faire dans les délais prévus par le contrat de travail. 24% font des heures supplémentaires pour des raisons opérationnelles, 13% à cause des directives de l’entreprise, 13% pour l’amour du travail et seulement 4% parce qu’ils veulent gagner un peu plus d’argent. Pour résumer, on voit donc que la part des raisons liées à l’entreprise pour justifier des heures supplémentaires est beaucoup plus élevée (83%) que celle des raisons personnelles (17%).

Dans le même temps, l’enquête montre que les exigences cognitives et la pression du temps restent élevées, augmentant donc le stress au travail sur les dernières années.

De plus, alors que le patronat milite depuis longtemps pour une plus grande flexibilité au travail, l’enquête montre clairement que les salariés jouissant d’une plus grande flexibilité en pouvant choisir librement leur organisation sont ceux qui prestent le plus d’heures supplémentaires contrairement à ceux qui ont un horaire déterminé par l’employeur. « Là où les frontières sont faibles, il y a peu de protection contre des horaires de travail excessivement longs », a souligné Nora Back, présidente de la CSL. Pire encore, 18% des salariés interrogés raccourcissent leurs temps de pause, qui pourrait servir à réduire la fatigue due à la charge de travail. Un constat qui est notamment très présent dans le secteur de la santé humaine et l’action sociale ainsi que dans la finance.

La pénurie de main-d’œuvre, un argument tardif

Évidemment, on peut également se mettre du côté du patronat qui depuis plusieurs mois peste sur une situation de pénurie de main-d’œuvre, sur la difficulté de trouver des compétences spécifiques, sur la multiplication des congés parentaux nécessitant de recruter alors qu’il y a une pénurie de main-d’œuvre ou encore sur l’augmentation des jours de congés annuels important logiquement la planification du travail.

Toutes ces raisons pourraient justifier le fait de devoir demander directement ou indirectement aux salariés de travailler plus. Mais du côté de Nora Back et de la CSL, on rejette cette corrélation. « Au lieu de raisonner de cette façon, les employeurs devraient plutôt s’interroger sur la question de cette pénurie de main-d’œuvre et sur l’attractivité des secteurs. Ils devraient également réfléchir sur la nécessité de mettre en place des actions en matière de promotion du travail et du bien être au travail afin d’attirer les jeunes à exercer des métiers et à apprendre des métiers. Au lieu de faire des actions préventives et proactives sur le marché de l’emploi, ils mettent en avant l’argument de la pénurie de la main-d’œuvre, mais c’est un argument qui vient trop tard. Justifier de faire davantage travailler les salariés pour ces raisons, ce n’est pas la solution. Car dès lors, en mettant plus de pression sur la main-d’œuvre actuelle, on risque de la perdre par de la fatigue et des maladies », a assuré Nora Back qui plaide pour une « amélioration du droit du travail et une amélioration de la relation entre le salarié et l’employeur ».

Moins de temps partiel chez les femmes

Malheureusement, pas certain que le climat actuel entre les syndicats et le patronat – pour rappel en situation de blocage et de non-discussion, pourtant ciment du modèle social luxembourgeois – incite à une amélioration de la situation.

Enfin, pour finir sur une note positive, l’enquête montre aussi que le harcèlement moral et l’esprit de concurrence, autrement dit les relations conflictuelles au travail, sont en diminution depuis 2018. Tout comme la sécurité de l’emploi ou encore la diminution des accidents et des charges physiques grâce à l’évolution des machines.

Autre point positif, le fait que de plus en plus de femmes s’orientent vers du travail à temps plein. « On voit plus de femmes sortir du temps partiel pour des temps pleins. Auparavant, au Luxembourg, la proportion de femmes à temps partiel était beaucoup plus élevée que dans les autres pays européens. On évolue et l’on sort un peu du modèle patriarcal où la place de la femme était à la maison pour faire le ménage et s’occuper des enfants. Je pense donc que c’est un très bon signe de voir une société réduire les discriminations en la matière », a conclu Nora Back.

Jeremy Zabatta

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