Airbus a annoncé mardi avoir conclu un « accord de principe » avec les autorités judiciaires britannique, française et américaine, qui devrait se traduire par d’importantes pénalités financières, afin d’éviter des poursuites pour des violations présumées des lois anticorruption.
Cette affaire, qui menace le géant aux 134 000 salariés et gros contributeur net au commerce extérieur de la France et de l’Allemagne, avait contribué au changement de l’équipe dirigeante de l’avionneur européen. « Airbus confirme qu’il a conclu un accord de principe avec le Parquet national financier français, le Serious Fraud Office britannique et les États-Unis », a-t-il indiqué dans un communiqué. « Ces accords sont conclus dans le cadre d’enquêtes sur des allégations de corruption ainsi que sur la conformité avec la réglementation américaine sur la commercialisation d’armes (ITAR) », a-il poursuivi, sans toutefois en préciser les termes financiers.
Plus de 3 milliards d’euros
Le Financial Times, citant des analystes, a rapporté lundi que l’avionneur européen pourrait débourser plus de 3 milliards d’euros pour mettre fin aux litiges. Cette somme, si elle était confirmée, correspond au bénéfice net 2018 de l’avionneur européen. Airbus doit présenter ses résultats annuels le 13 février à Toulouse. L’affaire est née de l’auto-dénonciation d’irrégularités en 2016 par le patron de l’avionneur à l’époque, Tom Enders. Approuvée par le comité exécutif et le conseil d’administration du groupe, la décision de se dénoncer auprès des autorités judiciaires britannique et française visait à mettre le groupe à l’abri d’éventuelles poursuites, notamment américaines, grâce aux dispositions contenues dans les législations britannique (UK Bribery Act) et française (loi Sapin II), selon une source proche du dossier.
Les services de conformité d’Airbus avaient découvert des « inexactitudes et des omissions concernant les informations fournies » aux agences d’assurance-crédit à l’exportation britannique, française et allemande pour qu’elles garantissent certains contrats, explique Airbus dans son rapport financier 2018. Airbus avait notamment relevé en 2013 qu’un certain nombre de transactions effectuées par une entité interne, baptisée Strategy and Marketing Organization (SMO), n’étaient pas conformes. Il avait trouvé des contradictions dans des montants de commissions de consultants et établi fin 2015 que les agents commerciaux dans certaines transactions n’avaient pas été identifiés auprès des agences d’aide à l’export.
Une auto-dénonciation
Le Serious Fraud Office (SFO) a ouvert une enquête en août 2016, le Parquet national financier (PNF) français à l’été de la même année. L’année suivante, c’était au tour du ministère américain de la Justice (DoJ) d’ouvrir à son tour une enquête relative aux faits dénoncés auprès du SFO et du PNF. Airbus concluant ses contrats en dollars, la menace d’une condamnation pénale américaine pouvait s’avérer dévastatrice pour l’avionneur. Parallèlement, la justice américaine soupçonnait Airbus de n’avoir pas obtenu les autorisations nécessaires pour exporter des armements contenant des composants américains. Les accords conclus par Airbus « restent soumis à l’approbation des tribunaux français et britanniques et par le tribunal et le régulateur américains », précise l’avionneur américain.
En France, cette procédure qui permet de négocier une amende sans aller au procès conduit à une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Elle a été utilisée pour la première fois en 2017 avec la banque HSBC Cette stratégie a été éprouvée par le motoriste britannique Rolls-Royce, qui a été condamné début 2017 à verser une amende de 763 millions d’euros aux autorités judiciaires britanniques, américaines et brésiliennes afin de solder une affaire de corruption à l’étranger après avoir lui-même dénoncé les faits au SFO fin 2012. Sollicités, le SFO et le PNF n’ont pas réagi dans l’immédiat.
AFP/LQ