Dans un climat sécuritaire consécutif aux attentats qui ont secoué les voisins du Grand-Duché, les sociétés de sécurité n’en ont pas profité pour faire de bonnes affaires, bien au contraire.
À la différence de la Belgique et de la France, les sociétés de sécurité présentes au Luxembourg n’ont pas été prises d’assaut par une forte hausse de la demande de services ayant pour but de sécuriser les entreprises et les évènements.
En Belgique, après les terribles attentats de Bruxelles et un niveau d’alerte à son maximum, les sociétés de sécurité et de gardiennage ont connu une hausse des demandes de l’ordre de 10 à 20 %. Un contexte qui semble être une bonne affaire pour ces sociétés comme le montrent les résultats des derniers bilans financiers.
À titre d’exemple, le suédois Securitas, numéro un en Europe, a enregistré une forte progression en 2015 avec un bénéfice net de 258 millions d’euros, soit une hausse de 18 %, pour un chiffre d’affaires de 80,8 milliards de couronnes suédoises (un peu plus de 8 milliards d’euros), en augmentation de 15 %. «La hausse des besoins en services de sécurité liés aux alertes terroristes et à la situation des réfugiés a surtout eu un effet sur la croissance organique des ventes en France, en Belgique, en Allemagne et en Suède», écrivait à l’époque la société de sécurité suédoise dans son rapport annuel. Pourtant, la réalité serait tout autre, notamment au Luxembourg, pays qui n’a heureusement pas connu d’actes terroristes.
Une stabilité privilégiée
Securitas, présent au Luxembourg avec près de 650 agents sur le terrain, est également en croissance sur le territoire grand-ducal. Mais cela n’a rien à voir avec le contexte sécuritaire des pays voisins : « Sur les douze derniers mois, Securitas a connu une forte croissance due à deux facteurs. Le premier, c’est la reprise d’un grand nombre de contrats à nos concurrents, avec notamment une reprise du personnel affecté à ces mêmes contrats. Le deuxième facteur est en relation avec certains de nos clients disposant de bâtiments plus grands, ce qui engendre évidement une adaptation pour garantir la même prestation de service que sur des bâtiments plus petits», indique Julien Demoulin, administrateur délégué de Securitas Luxembourg, avant d’ajouter : «Au Grand-Duché, il n’y a pas eu de lien direct, ou quasiment pas, avec le climat sécuritaire des pays voisins.»
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L’administrateur délégué de Securitas Luxembourg est d’ailleurs assez contrarié de lire un peu partout que les sociétés de gardiennage profitent de la situation pour s’enrichir alors qu’en réalité, les pics de demande liés à des évènements tragiques comme les attentats de Bruxelles, de Paris ou encore de Nice, ne sont pas une bonne chose pour ces sociétés : « Je vais vous surprendre, mais les statistiques montrent que notre entreprise se porte mieux dans des moments de stabilité. Nous perdons généralement de l’argent lors ce type de demandes. Lorsque les entreprises prennent des mesures de sécurité supplémentaires, le pic d’activité pour ce type de demandes est très court. Mais, il y a un coût opérationnel conséquent en termes d’organisation, d’effectif, de déploiement… Celles-ci génèrent également des heures supplémentaires majorées à 50 % pour notre personnel, une rémunération que nous sommes très heureux de leur payer pour la flexibilité dont ils font preuve dans ce type de circonstances. Nous partageons ces frais avec nos clients, mais nous devons rester raisonnables », ajoute Julien Demoulin, administrateur délégué de Securitas Luxembourg.
Pas de lien direct avec le climat d’insécurité
Le discours est d’ailleurs le même chez son concurrent britannique G4S, la plus grande société de sécurité privée au niveau mondial, également présent au Luxembourg avec près de 900 agents de sécurité. « On ne peut pas dire qu’il y a eu un boom de la demande au Luxembourg. Par contre, c’est vrai que certains clients ont remis le dossier sécurité sur la table alors qu’avant cela, ce sujet n’était pas parmi les priorités du client», assure Fabrizio Romano, directeur des ventes de G4S Luxembourg.
Marc Willems, directeur général de cette même entreprise, complète : « Nous sommes dans un secteur flexible. Ici au Luxembourg, nous sommes très loin du niveau de demandes que connaissent les sociétés de sécurité en France et en Belgique. Nous avons des pics, et on tente d’y répondre en mobilisant des effectifs. Ces pics coûtent de l’argent, car ce n’est pas planifié. De plus, nous ne poussons pas nos clients à se « sursécuriser « .»
La demande en services de gardiennage et de sécurité n’a donc pas augmenté au Luxembourg, ou du moins n’est pas en relation directe avec le climat d’insécurité qui se propage en Europe. Pourtant, on peut aisément se rendre compte que lors des manifestations ou évènements comme la dernière braderie de Luxembourg, le nombre d’agents déployés fut beaucoup plus important que les éditions précédentes.
« Concernant la braderie de Luxembourg, c’était justement des agents Securitas. Et oui, il y avait un peu plus d’agents que d’habitude, mais la raison est tout autre. Sur la braderie, nous faisons le contrôle d’accès et la sécurisation de l’évènement. Par rapport à l’année dernière, nous avons constaté qu’il n’y avait pas assez d’agents pour sécuriser correctement la braderie par rapport au lieu, au quartier et au nombre de visiteurs, ce qui nous a poussés à augmenter le nombre d’agents », se justifie Julien Demoulin.
Jeremy Zabatta
Des agents surchargés
Le syndicat neutre, NGL-SNEP, n’est visiblement pas du même avis que les sociétés de sécurité qui affirment que les conditions de travail respectent la convention collective du secteur. Le syndicat, lui, estime que les agents sont surchargés de travail et doivent prester un nombre (trop) important d’heures, au détriment du respect des amplitudes quotidiennes de travail.
«Les sociétés de sécurité du pays sont en train d’embaucher en masse. Elles ont même baissé leur niveau concernant les compétences linguistiques des futurs agents. Aujourd’hui, il y a un manque de moyens humains. Concernant la surcharge de travail, il faut dire que dans le secteur du gardiennage, les agents sont très souvent sollicités. Les sociétés de sécurité font tout pour répondre favorablement aux besoins de leurs clients, devant parfois modifier le planning des agents du jour au lendemain. Le système de planification des sociétés de sécurité est actuellement inefficace. Peut-on parler de sécurité quand des agents travaillent 12 heures, voire 16 heures d’affilée, mettant ainsi leur propre sécurité en péril», affirme Claus Marquardt, secrétaire syndical du NGL-SNEP.
Des affirmations que Securitas réfute : «Il n’y a aucun problème au niveau du planning de nos agents. Notre délégué syndical permanent de l’OGBL a un accès direct aux plannings et tout se passe très bien. Nous accordons beaucoup d’importance à la satisfaction de nos salariés.» Chez G4S Luxembourg, le discours est le même.
En effet je confirme !!! En juillet 11 plannings différents (non non je n’exagère pas) La seule solution trouvée par les agents pour avoir un semblant de vie privée … l’arrêt maladie de complaisance. C’est ça la triste réalité !!
C’est scandaleux de lire des propos aussi mensongers :….. »tout se passe très bien. Nous accordons beaucoup d’importance à la satisfaction de nos salariés ». En qualité d’ancien agent de sécurité, je peux affirmer que si vous avez l’audace de refuser un poste de dernière minute suite à un changement de planning, vous pouvez être certain de subir des représailles: postes de 10 à 12 heures (ou plus), changements intempestifs du planning, et si vous osez broncher, ce genre de traitement se prolonge.
Votre vie privée est rarement respectée avec ce type de « gestion » répressive.