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À Paris, un référendum sur « la place des SUV »


La votation aura lieu le 4 février 2024 dans la capitale française. (photo Pixabay)

 « Plus ou moins de SUV ? » : à Paris, la maire socialiste, vivement critiquée après un voyage à Tahiti au bilan carbone désastreux, propose de faire payer plus cher le stationnement aux propriétaires de ces véhicules plus grands, plus lourds et souvent plus polluants.

L’annonce d’une votation populaire le 4 février prochain sur « la place des SUV dans la capitale » française intervient en plein #Tahitigate pour Anne Hidalgo, candidate malheureuse à la dernière élection présidentielle, qui ne l’avait vue recueillir que 1,75% des suffrages.

L’édile, qui a fait de la réduction de la place de la voiture une pierre angulaire de son action, au grand dam de nombreux automobilistes, s’est rendue le 20 octobre à Tahiti, où se dérouleront les épreuves de surf de JO de Paris de 2024, pour un voyage officiel. Puis elle y est restée en vacances, ce qui a fait jaser.

« Après son voyage à Tahiti, Anne Hidalgo plonge dans la tempête », titrait jeudi le quotidien conservateur Le Figaro, citant dans ses colonnes l’opposition, qui fustige une « erreur politique » tout en ironisant sur « les compétences particulières en surf » de l’édile.

« Faites ce que je dis, pas ce que je fais, a réagi la droite parisienne sur X (ex-Twitter). Pour faire oublier l’empreinte carbone désastreuse de son voyage à Tahiti, Anne Hidalgo la pollueuse annonce (…) une votation sur les SUV. »

La mairie propose ainsi « une augmentation significative des tarifs de stationnement non résidentiel pour les SUV et les 4X4 dans Paris », selon un communiqué. Seront concernés les véhicules les plus lourds : plus de 1,6 tonne pour les voitures thermiques ou hybride, plus de 2 tonnes pour les électriques.

« Si depuis dix ans, la place de la voiture individuelle a diminué à Paris, du fait d’une politique volontariste de l’exécutif parisien, dans le même temps, la taille et le poids moyen des véhicules n’ont eu, quant à eux, de cesse d’augmenter », argumente la Ville.

« Avec cette votation, nous voulons dire stop. Stop aux dérives des constructeurs automobiles », justifie Anne Hidalgo.

« Aberration » climatique 

D’après l’ONG WWF, qui qualifie les Sport utility véhicules (SUV) « d’aberration » face au réchauffement climatique, ceux-ci sont « 200 kilos plus lourds, 25 cm plus longs, 10 cm plus larges » qu’une « voiture standard », ils nécessitent davantage de matériaux pour leur fabrication, consomment 15% de carburant et émettent 20% de CO2 en plus qu’une berline.

« Les SUV ont constitué ces dix dernières années la deuxième source de croissance des émissions de CO2 derrière le secteur de l’aviation », déplore Arnaud Gilles, un cadre de WWF, pour qui une augmentation du coût du stationnement à Paris serait « bienvenue » pour dissuader leurs propriétaires.

« Plus chers, plus polluants, plus dangereux… les SUV ne peuvent représenter l’avenir de la mobilité, surtout en ville », acquiesce Pierre Leflaive, un responsable de l’association Réseau action climat, qui salue lui aussi l’initiative parisienne.

Cette initiative fait en revanche bondir Pierre Chasseray, le porte-parole de 40 millions d’automobilistes, une association défendant leurs intérêts, quand les SUV constituaient en France près d’une voiture thermique sur deux vendues en 2022 et « qu’on ne peut pas faire un tarif par bagnole ».

Face à des « transports en commun aujourd’hui sursaturés », la mesure proposée est « inapplicable », vitupère-t-il, raillant l’ambivalence de la maire de Paris : « Anne Hidalgo, si vous lui faites choisir entre plus ou moins d’avions dans le ciel, elle va dire ‘moins’. Mais quand elle va à Tahiti, elle est bien d’accord pour être dedans. »

Paris, en cas de résultat positif le 4 février, ne serait pas précurseur sur le sujet. Lyon, troisième ville française, appliquera une surtaxe de stationnement sur des critères environnementaux et sociaux dès 2024.

C’est déjà le cas dans des quartiers de Londres, où la surfacturation peut atteindre 500 livres par an (571 euros) pour les véhicules les plus polluants, mais aussi depuis mai dans un arrondissement de Montréal.

À Paris, Olivier Pinard, un cadre financier, espère une participation moins famélique qu’en avril dernier, quand à peine 7,5 % des inscrits avaient acté l’interdiction des trottinettes en libre-service. « C’est pour envoyer un message, remarque-t-il: ‘Si vous polluez, on va vous taxer’. »