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À ArcelorMittal Belval, plus d’un siècle de coulée continue [reportage]


La poche vient de récupérer l'acier du four électrique. La coulée peut démarrer... (photo Isabella Finzi)

La production d’acier est une chaîne bien réglée. Après les fours électriques, place à la coulée continue. Elle est le symbole de la sidérurgie. À Belval, la lave jaillit depuis la fin du XIXe siècle. Rencontre avec Benoît Bannier, fondeur à ArcelorMittal Belval.

Des ouvriers sur le terrain, les mains noircies et le casque plein de cambouis : ils sont toujours là dans la sidérurgie! Benoît Bannier, 48 ans, peut en témoigner.

Le Lorrain travaille à la coulée continue de Belval depuis six ans. Son métier est le symbole même de l’usine. Une vie rude, au cœur du volcan. Une vie face au «brin», cet acier qui jaillit de la poche tel un laser, les yeux dans le feu, une visière pour seule barrière. « Les gens connaissent mon métier », lâche-t-il le casque relevé.

Notre série sur les « Métiers de la sidérurgie » au Luxembourg

 

Le Français vit à Sierck-les-Bains, en Moselle. Il travaille selon les fameux trois-huit, caractéristique de l’industrie lourde. « Sauf maintenance, l’acier doit toujours couler, explique-t-il. De la fonte au laminoir (produit fini), chaque ouvrier fait partie d’une chaîne. On n’arrête pas une coulée comme un robinet… Si l’acier se solidifie, il casse les machines.»

Le «brin», terme qui désigne l'acier qui commence à couler. (photo I.Finzi)

Le «brin», terme qui désigne l’acier qui commence à couler. (photo I.Finzi)

Dompter la lave du volcan

Ainsi s’écoulent les journées à la coulée : dans un ronron que l’on croit parfait, mais que la moindre erreur peut perturber. La base du métier de Benoît est d’intervenir dans une étape clef : s’assurer que rien n’obstrue le répartiteur. Cette pièce maîtresse ressemble à une baignoire de dix mètres de long. Elle est percée de six trous sur lesquels Benoît tape avec un marteau pour éviter les bouchons.

Au début de chaque coulée, la poche d’acier en fusion (jusqu’à 160 tonnes) arrive au-dessus du répartiteur. Elle déverse la pâte rougeoyante à un rythme précis. L’acier coule dans les percées et c’est parti pour le toboggan! Chaque trou donne sur une «lingotière» : il s’agit d’un moule avec une forme désirée. En ressortant, l’acier refroidit déjà à 850 degrés, une fine couche solide apparaît. Dès lors, grâce à des «extracteurs» situés dix mètres plus bas, l’acier est étiré sous la forme d’une barre pouvant atteindre douze mètres de long. «Rien n’est encore joué , précise Benoît. La couche peut se percer si le rythme est trop rapide ou trop lent. Tout est question d’équilibre. »

Dix mètres plus bas, c'est la fin du toboggan, l'acier se solidifie déjà. (photo Isabella Finzi)

Dix mètres plus bas, c’est la fin du toboggan, l’acier se solidifie déjà. (photo Isabella Finzi)

L’acier progresse d’un mètre par minute. Pour le néophyte, l’expérience est incroyable : la comparaison avec la coulée d’un volcan n’est pas usurpée. L’ébullition anarchique en moins, car ici, tout est organisé. La prouesse est là : dompter ce feu qui semble tout droit sorti des entrailles de la Terre. Benoît a pris l’habitude de travailler dans cette chaleur étouffante. « Je bois au moins trois litres d’eau par jour .»

Mais ce métier, il l’aime et il en est fier. «Ma fille a visité l’usine un jour de portes ouvertes. Je lui ai montré mon poste et je lui ai dit : « Tu vois, c’est moi qui suis ici. » C’est vrai que ça m’a fait quelque chose, ce jour-là .»

Hubert Gamelon

Les trois-huit, rythme de l’usine

acier3Les bouchons sur la route? Le frontalier d’ArcelorMittal ne les voit jamais. « Avec nos horaires, on y échappe », constate Benoît Bannier. L’ouvrier évoque les fameux trois-huit, soit 3 x 8  heures de roulement de poste. « Moi par exemple, je bosse six jours en commençant à 5  h  40, six jours à 13  h  40 et six jours à 21  h  40. Je crois que le mieux c’est la nuit  : il n’y a personne sur l’A13! » Et puis, la nuit, les ouvriers ont la paix. Il n’y a qu’eux et les machines, qui poursuivent leurs besognes comme un paquebot sur l’eau. La frénésie n’est pas la même qu’en journée, c’est la récompense des braves.

Benoît bosse depuis plus de 20  ans dans l’acier. « Avant, j’étais sur le site de Schifflange, j’ai toujours fait les trois-huit. Il y en a que ça dérange peut-être, pas moi. » Parfois quand il rentre en début d’après-midi crevé, il a du mal à trouver le sommeil. Alors il ne dort pas, une journée s’imbrique dans une autre, comme lors d’un vol long-courrier, quand l’avion rattrape le soleil…

« On a envie de profiter de la journée qui vient, c’est normal. » Pour rien au monde, Benoît ne changerait. « Un coup, j’ai bossé un mois ailleurs qu’à l’usine… le rythme était trop « normal » pour moi. Ça me rendait presque triste. » Que l’employé de banque qui regarde les cols bleus en se disant «oh les malchanceux» y repense !

1500 degrés

C’est la température au début de la coulée. À la sortie des lingotières (premiers moules), en quelques minutes, l’acier est déjà redescendu à 850 degrés. Une fine couche de 1 cm se durcit. À la fin du toboggan, sur la zone horizontale, il est presque solide, à 600 degrés.

photos Isabella Finzi

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