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2020, année de tempête pour les assureurs français et leur image


Le secteur des assurances aurait-il pu faire plus durant cette crise liée au Covid-19 ? (illustration AFP)

Mars 2020: le premier confinement force de nombreux commerçants à fermer. Ils espèrent être indemnisés par leur assureur, sauf que les pertes liées à une pandémie sont exclues de la plupart des contrats.

Un an plus tard, les assureurs français n’ont pas réussi à faire taire les critiques les accusant de ne pas en faire assez face à la crise provoquée par le Covid-19.

« On a passé des coups de fils aux assureurs dès le 13 mars 2020 pour leur dire qu’il fallait qu’ils réagissent. Derrière, ils ont mis dix jours pour sortir un communiqué, pour finalement dire qu’ils ne pouvaient pas être là », se souvient la députée Valéria Faure-Muntian, présidente du groupe d’études « assurance » de l’Assemblée nationale.

La fédération de l’assurance (FFA) explique alors que le secteur, qui repose sur le principe de mutualisation des risques, est démuni lorsque tous les clients sont touchés en même temps. « Personne ne pouvait imaginer le coût économique et financier, ça a créé un sentiment de paralysie », estime Pascal Demurger, patron de l’assureur Maif.

Les assureurs versent toutefois 200 millions d’euros au fonds public de solidarité pour les PME. Et certains font des gestes de soutien individuels, sans réussir à convaincre. « Notre communication n’a été pas comprise », reconnaît aujourd’hui Jacques de Peretti, patron d’Axa France.

Communication « incompréhensible » 

La polémique se cristallise autour des restaurateurs, pour lesquels plusieurs parlementaires prennent fait et cause, accusant les assureurs de se soustraire à leurs obligations. « Tout le tissu économique parlait de problèmes de loyers, de fins de mois. L’assurance répondait solvabilité, capitaux propres, c’était incompréhensible », analyse Bertrand de Surmont, président du syndicat de courtiers Planète CSCA.

D’autant que quelques initiatives individuelles fissurent le front jusqu’alors uni des assureurs. La Maif annonce le remboursement de 100 millions d’euros à ses assurés automobiles car les accidents ont diminué durant le confinement, le Crédit mutuel une « prime de relance » de 200 millions d’euros pour ses assurés professionnels…

Pour les détracteurs du secteur, cela prouve que le secteur pourrait en faire plus. « Les assurances doivent être au rendez-vous de cette mobilisation économique. J’y serai attentif », met aussi en garde le président de la République Emmanuel Macron en avril.

Les assureurs rajoutent alors 200 millions d’euros au fonds de solidarité pour les PME, lancent un programme d’investissement de 1,5 milliard d’euros pour les secteurs les plus touchés… et des travaux démarrent sur un futur régime d’assurance pour les entreprises en cas de nouvelle pandémie, censé voir le jour en 2021.

Contentieux en cascade 

De nouveaux fronts apparaissent au printemps, quand des restaurateurs comment à attaquer en justice leur assureur pour obtenir l’indemnisation des pertes d’exploitation, avec des décisions très variées en première instance.

En septembre, certaines compagnies déclenchent une nouvelle vague de colère en écrivant à des milliers d’assurés pour leur demander de signer, sous peine de résiliation de leur contrat, un avenant réécrivant certaines clauses pour écarter à l’avenir le moindre doute en cas de nouvelle pandémie. « On retombe dans la marmite. On a expliqué aux clients que leurs pertes n’étaient pas couvertes, mais on leur fait signer un avenant », pointe Bertrand de Surmont.

Dans ce contexte tendu, Bercy brandit début décembre la menace d’une taxe en assurance dommages si le secteur ne gèle pas ses tarifs pour 2021. Acculés, les assureurs l’acceptent quelques jours plus tard pour les secteurs les plus fragilisés. Le gouvernement doit toutefois renoncer au régime généralisé d’assurance pandémie pour 2021. Trop tôt, trop complexe et trop cher.

« Au global, l’année 2020 a eu des conséquences négatives pour les assureurs », qui plus est dans un contexte dégradé de taux d’intérêt très bas, voire négatifs, souligne Benjamin Serra, analyste chez Moody’s. Certaines indemnisations, pour pertes d’exploitation ou en prévoyance, ont fortement augmenté. Et si l’automobile ou la santé ont été épargnées, les gestes de solidarité conjugués à une taxe exceptionnelle sur l’assurance santé votée en septembre ont annulé tout ou partie des économies, pointe Benjamin Serra.

Du reste, « il y a encore beaucoup de procès en cours sur les pertes d’exploitation, dont on ne connaît pas encore le coût pour les assureurs », relève l’analyste. Entre hausse globale des indemnisations et gestes de solidarité, la FFA chiffre d’ores et déjà à cinq milliards la facture de la crise pour les assureurs en 2020.

AFP/LQ