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Xenia Rubinos, une ensorceleuse à Luxembourg le 3 novembre


Xenia Rubinos : «Cette musique, ce n'est qu'une association d'idées, de sonorités et d'envies. C'est une démarche, en fin de compte, naturelle.» (photo Camilo Fuentealba)

Avec son brillant Black Terry Cat, disque qui convoque un mélange de soul jazz, R’nB et hip-hop réjouissant, Xenia Rubinos est l’une des surprises musicales de l’année. Avant sa venue au Luxembourg en novembre, la métisse électrique se confie.

Autant son premier album est resté discret (Magic Trix, 2012), autant celui-là, quatre ans plus tard, met tout le monde d’accord, avec cette étonnante combinaison des genres, rappelant, pêle-mêle, Erykah Badu, NERD, voire Esperanza Spalding.

Mieux, dessus, la jeune Latino parle de ses racines (entre Cuba et Porto Rico) dans une Amérique en pleine crise identitaire et raciale.

Née du côté d’Hartford, capitale du Connecticut (l’une des villes les plus pauvres des États-Unis), Xenia Rubinos a cultivé, très tôt, une passion pour la soul et le hip-hop. Cet amour, elle l’assume pleinement sur Black Terry Cat, album génial aux tonalités hétérogènes, à la fois ambitieux et accessible.

Le site Pitchfork parle d’un album «de musique américaine qui parle d’une autre histoire», ce à quoi elle acquiesce sans difficulté. «C’est tout à fait ça!»
Mais que raconte-t-elle? L’histoire d’une jeune Latino-Africaine en proie à des questionnements après le double mandat d’Obama et le retour de la question raciale, suivant la voie tracée par d’autres artistes de talent, Kendrick Lamar en tête.

Avec ses chansons aux élans politiques (I Won’t Say, par exemple, tirée d’un discours d’Abbey Lincoln, légende jazz et célèbre activiste, ou Mexican Chef, qui parle de la condition des Latinos et de leur traitement), elle interroge plus largement l’idée d’identité. Sans forcer le discours.

Car c’est bien la musique qui percute et ensorcelle. Un large et riche spectre sonore qui va du rock au jazz en passant par le funk, la soul, le R’nB et le hip-hop. Surtout, la cohérence est au rendez-vous, une harmonie portée par une voix puissante et d’efficaces musiciens à son service. Après quelques tubes entêtants (dont Lonely Lover) et un succès outre-Atlantique, la voilà qui arrive en Europe, pour une première au Luxembourg. «Je suis excitée», confie-t-elle. Nous aussi.

Le Quotidien : Vous avez déclaré que, durant la création de Black Terry Cat, vous avez redécouvert vos racines, votre identité. Qu’est-ce que cela signifie, pour vous?

Xenia Rubinos : Je me suis demandé d’où je venais, tout en questionnant ma place dans ce pays, en tant que personne de couleur. C’était un bon moyen pour redéfinir mon identité de lui donner un sens nouveau, de me projeter, notamment au regard des récents évènements qui secouent les États-Unis (…) Je suis un mélange de différentes choses, entre Cuba, Porto Rico, l’Espagne et l’Afrique. C’était important de remettre ça en avant. Déjà, je l’explore musicalement à travers la soul, le funk et le hip-hop, qui proviennent de la culture noire. Avec cet album, j’ai ressenti le besoin de me demander comment cette culture, cette connexion, s’exprimaient en moi.

Beaucoup de vos chansons, dans Black Terry Cat, sont orientées, politiquement parlant. Pouvez-vous expliquer ce choix?

Je ne pense pas que ce soit un album politique, mais en effet, il relate mes expériences dans une Amérique en pleine crise identitaire, raciale. Ça parle surtout de mes doutes, de ce que j’ai pu voir ou ce à quoi j’ai assisté, de ce que c’est d’être une femme, et de couleur, aujourd’hui, comment l’on vit avec ça aux États-Unis. C’est vrai, le mouvement Black Lives Matter m’a inspirée, ouvert les yeux. Cependant, je n’ai aucun parti pris. J’observe ce qui se passe autour de moi, en toute objectivité. Et comme j’ai une voix, je m’exprime!

Malgré tout, si discours il y a, il est clairement dilué dans la musique. Au final, il y a beaucoup de joie dans cet album, non?

Oui. À mes yeux, c’est un album tout en contraste, en paradoxe. Il y a de la douleur (NDLR : elle a perdu son père, atteint de la maladie de Parkinson), de la souffrance, mais également de la joie, de l’exubérance aussi. C’était intéressant de mêler des sentiments opposés et de les voir associés dans une même chanson.

Votre approche musicale est expérimentale et porte en elle de multiples influences. Casser les frontières, est-ce quelque chose de naturel, chez vous?

Selon moi, le plus important reste de faire une musique qui vous plaise, qui vous transporte, le tout associé à une notion de challenge. Oui, je voulais proposer quelque chose de frais, qui sonne différemment. Mais rien n’a été forcé. Cette musique, ce n’est qu’une association d’idées, de sonorités et d’envies. C’est une démarche, en fin de compte, naturelle.

Dans ce sens, vous alternez, au chant, entre le hip-hop et la soul. Avez-vous des préférences?

Ma voix reste mon premier instrument et pour Black Terry Cat, j’ai cherché d’autres façons de la mettre en avant. Dans cette recherche, ma plus grande influence a été Kendrick Lamar et son merveilleux To Pimp a Butterfly. C’est quelqu’un qui sait se placer sur différentes ambiances, et jouer ainsi de sa voix. Mais ce n’est pas le seul à défendre l’idée d’une certaine originalité : il y a aussi les productions de Daptone Records, Chaka Khan & Rufus…

On vous compare aussi à Esperanza Spalding, qui a, elle aussi, sorti un album cette année, un superbe album, Emily’s D+Evolution…

(Elle coupe) C’est certes une fille talentueuse, mais je ne reconnais pas ma musique dans la sienne. Je pense que la comparaison est surtout visuelle et s’arrête au fait que l’on est toutes les deux musiciennes, compositrices et chanteuses… de couleur!

Ce mois-ci, vous partez pour une tournée européenne qui passera par le Luxembourg, début novembre. Qu’en attendez-vous?

Je suis impatiente de partager ce nouvel album, de rencontrer des gens, sachant que mon dernier voyage commence à dater (elle rit). En plus, je vais être accompagnée d’un quartette, ce qui me permet de plus me concentrer sur mon chant et mes mouvements. Plus besoin de rester planter derrière un synthétiseur… C’est excitant!

Grégory Cimatti

Xenia Rubinos en concert. De Gudde Wëllen – Luxembourg. Le 3 novembre à 21 h 30. Réservations sur le site du Gudde Wëllen.

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