De jeunes sportifs apparemment en pleine forme qui s’effondrent sur le terrain ou décèdent pendant leur sommeil : pour lever le voile sur ces morts subites souvent inexpliquées, des chercheurs lancent un appel aux dons pour financer leurs recherches.
Le phénomène touche environ 1000 Français par an, sportifs professionnels ou amateurs. Une centaine a moins de 35 ans, principalement des hommes. C’est sur eux que se concentrera le projet.
En effet, « au-delà (NDLR : de 35 ans), la cause est assez bien connue, c’est souvent un infarctus du myocarde », a expliqué au cours d’une conférence de presse le Pr François Carré, cardiologue au CHU de Rennes. Mais en dessous de cet âge, « il y a 40% à 50% des cas où on ne trouve pas de cause ».
La mort subite du sportif a été mise en lumière par des cas emblématiques comme le footballeur camerounais Marc-Vivien Foé, victime d’un malaise en plein match en 2003, et décédé peu après.
Les sportifs de haut niveau pourtant très suivis médicalement ne sont pas à l’abri, car la maladie peut rester silencieuse des années et n’est pas toujours détectable lors des examens.
Pour y voir plus clair, le Pr Carré et ses confrères à Paris, Rennes et Nancy veulent mettre en place un registre français des morts subites de jeunes sportifs. Dans ce cadre, ils souhaitent qu’une autopsie et une analyse génétique post mortem soient systématiquement réalisés, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
On sait que des maladies héréditaires sont souvent impliquées, a expliqué le Pr Philippe Charron, cardiologue à la Pitié-Salpêtrière (Paris) spécialisé en génétique.
D’un part, les cardiomyopathies, où une anomalie morphologique peut être détectée à l’imagerie ou lors d’une autopsie, et d’autre part, les « maladies électriques pures », avec des troubles du rythme cardiaque mais aucune anomalie de structure, qui ne sont donc pas décelées à l’autopsie.
Si certains gènes responsables de ces maladies sont connus, l’analyse s’étendra à l’ensemble du génome, pour identifier d’autres mutations éventuellement en cause.
Épée de Damoclès
Dans un contexte de « repli du soutien à la recherche », les médecins font appel au grand public pour récolter 400 000 euros. Leur campagne est orchestrée par la Fondation Cœur et Recherche (structure de la Société française de cardiologie), qui apporte 100 000 euros.
Parties prenantes du projet, la Société française de médecine légale, qui diffusera un protocole précis à suivre pour les autopsies, et les centres d’expertise génétique de La Pitié-Salpêtrière et de Nancy. Une enquête toxicologique sera aussi réalisée systématiquement (histoire de lever tout soupçon éventuel de dopage).
Actuellement, en l’absence de test génétique, les frères et sœurs n’ont aucun moyen de savoir s’ils portent eux aussi une épée de Damoclès au-dessus de leur tête.
Le projet a reçu le soutien de plusieurs fédérations sportives (cyclisme, basket, aviron) ainsi que de l’ex-footballeur Lilian Thuram, souligne François Carré, qui y voit un début de prise de conscience d’un milieu qui préférait jusqu’ici ne pas trop évoquer le sujet.
La campagne servira aussi à sensibiliser les jeunes sportifs, qui se sentent souvent invulnérables.
« J’étais en pleine force de l’âge. On ne boit pas, on ne fume pas, on pratique du sport tous les jours. (…) Même nous on n’y croit pas », témoigne l’ancien footballeur Laurent Huard, porteur d’une malformation cardiaque congénitale, dans une vidéo diffusée à l’occasion de l’appel aux dons.
Aujourd’hui entraîneur des jeunes du Paris Saint-Germain, il avait été contraint d’arrêter sa carrière professionnelle en 2002 après avoir fait deux malaises.
Les sportifs concernés doivent respecter certaines « règles », insiste le Pr Carré : pas de cigarette dans les 2h qui précèdent et qui suivent l’effort, pas de sport pendant 8 jours en cas de fièvre ou de syndrome grippal, arrêter immédiatement son effort et consulter en cas de symptômes inhabituels.
En respectant ces « bonnes pratiques » on pourrait éviter une partie des décès, veut-il croire. En effet, tous âges confondus, 40% des sportifs victimes de mort subite avaient présenté des symptômes dans les trois semaines précédentes, souligne-t-il.
AFP