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Théâtres de la Ville de Luxembourg : lever de rideau sur la nouvelle saison


La nouvelle saison des Théâtres de la Ville de Luxembourg a été dévoilée. (photo Simon Gosselin)

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ont dévoilé lundi leur prochaine saison. Entre nouveautés, stars internationales, soutien aux acteurs locaux et affiche pluridisciplinaire, Le Quotidien fait le point.

Nouveauté : Anne Teresa De Keersmaeker, partout à la fois!

(photo Hugo Glendinning)

(photo Hugo Glendinning)

 

Toute l’année durant, la réputée Anne Teresa De Keersmaeker sera à l’honneur à travers «red bridge project». Même au Mudam et à la Philharmonie!

De la musique de concert au Grand Théâtre, de la danse à la Philharmonie et le Mudam transformé en lieu de performance… Pour la première fois, ces trois institutions phares du Luxembourg présentent un projet commun. «Red bridge project» mêle en effet musique, danse, arts visuels, film et ateliers en transcendant les barrières habituelles. Au centre de ce projet figure une artiste qui unit, justement, les différents arts depuis des décennies  : Anne Teresa De Keersmaeker.

La chorégraphe belge compte parmi les plus grands de sa discipline et a révolutionné la danse contemporaine avec sa compagnie Rosas. Ici, elle propose six productions d’envergure ainsi que des films, des conférences et des ateliers qui permettront de dévoiler les multiples facettes de son œuvre. En outre, l’exposition chorégraphique «Work/Travail/Arbeid», déjà présentée au MoMA (New York), à la Tate (Londres), au WIELS (Bruxelles) et à Pompidou (Paris) sera à découvrir au Mudam. Point d’orgue de ce «red bridge project» : une nouvelle création avec Jean-Guihen Queyras et Rosas sur les pièces pour violoncelle de Bach.

Théâtre : un échange entre locaux et internationaux

Solides défenseurs des «représentants nationaux» – acteurs comme techniciens – les Théâtres de la Ville de Luxembourg offrent une affiche 2016/17 qui allie créations locales et surprises internationales.

(photo Bohumil Kostohryz)

(photo Bohumil Kostohryz)

Dom Juan et son succès en France (8  423  spectateurs); Les Autres avec Nicole Max qui va tourner à Paris sur 45  dates; Anouk Schiltz qui assure cette saison la scénographie de The Crucible –  mise en scène par Douglas Rintoul dans une coproduction entre les Théâtres de la Ville et le Hornchurch Theater  – déjà vu en Angleterre par 30  215  personnes…

Les exemples des efforts de Tom Leick-Burns et son équipe envers les acteurs locaux sont nombreux. Cette année encore, l’accent est mis sur ce soutien –  « une mission », tonne le directeur. Il s’observera notamment à travers les pièces Rumpelstilzchen , de Ian De Toffoli et Myriam Muller – on retrouvera aussi cette dernière à la mise en scène d’ Anéantis , première et bouleversante création de la comète Sarah Kane, qui s’est suicidée à l’âge de 28  ans  –; Kindertransport d’Anne Simon ou Gespenster avec Steve Karier, Luc Schiltz et Anouk Wagener.

Parmi la petite trentaine de propositions venues de l’internationale, en quatre langues, s’il vous plaît, coproduites ou «simplement» accueillies, certaines sortent du lot. Citons d’abord celle du metteur en scène et comédien québécois Robert Lepage, véritable magicien dans son art de conjuguer tous les éléments d’une représentation  : texte, jeu, lumières, sons, vidéo, effets spéciaux.

Avec 887 , il plonge au cœur de sa mémoire et s’interroge sur la persistance de certains souvenirs à travers une approche qui fait part belle à l’enfance. Dans un autre genre, Emmanuel Meirieu, considéré comme le metteur en scène de «l’émotion», évoque, avec Mon traître , la relation, dans les années 1970 en Irlande, entre le journaliste Sorj Chalandon et Denis Donaldson, le leader charismatique de l’IRA et du Sinn Féin.

Puis le programme de cette nouvelle saison aborde la littérature avec bon nombre de ses illustres représentants  : sous l’impulsion de Luk Perceval, Zola s’exprime en allemand dans un «marathon» (d)étonnant ( Liebe Geld Hunger ). De son côté, Albert Camus est célébré par Emmanuel Demarcy-Mota –  déjà passé par le Luxembourg avec les géniaux Rhinocéros et Victor ou les enfants au pouvoir  – avec une de ses pièces les moins connues, créée en 1948 : L’État de siége . En anglais, Jonny Steinberg renaît en musique avec A Man of Good Hope , sous l’impulsion de l’ensemble Isango d’Afrique du Sud.

Enfin, Katie Mitchell met en scène –  ou en images plutôt  –, La Maladie de la mort d’après l’œuvre de Marguerite Duras. Elle associe une représentation théâtrale à un film tourné en direct sur le plateau, une façon de faire qui lui a valu la reconnaissance internationale. Rappelons-nous simplement comment Waves et The House Taken Over ont marqué les esprits. Illustrant le programme de cette nouvelle saison, Les Particules élémentaires honore l’écriture du controversé Michel Houellebecq.

Pour ce faire, le metteur en scène Julien Gosselin convoque dix acteurs sur le plateau, incarnant à la fois narrateurs et personnages. Il n’y a pas de décor, et ce sont les images vidéo, les lumières et la musique en direct qui confèrent une réalité scénique au monde sensible de l’écrivain français. Au festival d’Avignon 2013, la pièce a été saluée unanimement. Le Luxembourg devrait, lui aussi, succomber au piège…

Opéra : le choc Cherkaoui-Abramovic

Huit opéras sont à l’affiche, mariant classique et contemporain, parmi lesquels se font remarquer le retour du metteur en scène Ivo van Hove et l’association de deux géants autour de Debussy : Larbi Cherkaoui et Marina Abramovic.

(photo Jan Versweyveld)

(photo Jan Versweyveld)

Fidèle aux traditions, qui exigent un maximum de diversité, cette saison 2016/2017 combine le grand classique – Mozart ( Don Giovanni ), Rossini ( Le Barbier de Séville ) ou encore Verdi ( Un ballo in maschera ) – et d’autres propositions plus modernes, plus audacieuses. Parmi celles-ci, citons d’abord Ivo van Hove, metteur en scène à qui l’on doit les récents Antigone et Vu du pont , tous deux produits au Grand Théâtre, mais aussi Les Damnés et Lazarus , comédie musicale de David Bowie.

Pour le coup, il revient avec Le Journal d’un disparu , 22 tableaux poétiques pour ténor, alto, chœur de femmes et piano où il est question d’une passion brûlante. Mais le clou de la saison sera sûrement Pelléas et Mélisande , OVNI tragique de Claude Debussy de 1902. Outre la participation de l’OPL, ce rendez-vous est pimenté par l’association de deux géants : le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, d’un côté, à la mise en scène; Marina Abramovic – célèbre pour ses performances et ses installations –, de l’autre, à la scénographie. Un choc qui promet.

Comédie musicale : Eva Perón en musique

C’est devenu un rendez-vous habituel de la fin d’année au Grand Théâtre. Après Mamma Mia! et Kiss Me, Kate , voici cette année Evita !

(photo Pamela Raith)

(photo Pamela Raith)

La comédie musicale a toujours motivé le directeur des Théâtres de la Ville, Tom Leick-Burns qui, pour le coup, prend irrémédiablement l’air et l’attitude d’un présentateur anglais pour annoncer ce qui égayera le public lors des fêtes de fin d’année.

Après deux spectacles plus «légers» lors des deux derniers exercices, voici sur les planches, fin décembre, pour 14  représentations, Evita , l’histoire d’Eva Perón, épouse de l’ancien dictateur argentin Juan Perón, depuis ses humbles débuts jusqu’à ce pouvoir et ce statut iconique extraordinaires qui ont fait qu’elle a pu être considérée par les Argentins comme le «chef spirituel de la nation».

Avec plus de 20 récompenses majeures à son actif, cette production comblera les amateurs de danse, comme de chansons, qui reprendront sûrement en cœur le célèbre hymne Don’t Cry for Me Argentina.

Danse : des chorégraphes stars et de l’audace

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg continuent de proposer de la danse de très haut niveau, avec de célèbres chorégraphes, des initiatives nationales et deux créations mondiales, parmi 27 propositions.

(photo Brigid Pierce)

(photo Brigid Pierce)

Décidément, la danse est prise très au sérieux aux Théâtres de la Ville qui, une fois encore, dévoilent une affiche de qualité. Commençons la présentation rapide par les représentants locaux  : tandis que Sylvia Camarda aborde la figure du dictateur ( Ex(s)ilium – Or down the rabbit hole… ), Anne-Mareike Hess –  qui présente une création pour la première fois au Grand Théâtre  – place trois danseurs dans une véritable torpeur ( Give me a reason to feel ) et Jean-Guillaume Weis s’interroge sur la raison qui amène un individu à devenir danseur ( Driven ).

Deux créations mondiales –  celle très «hip-hop de Honji Wang et Sébastien Ramirez ( Dystopian Dream ) et celle d’Andrea Miller, qui célèbre le dixième anniversaire de Gallim Dance, dont elle est la directrice artistique  – encadrent la venue de nombreux chorégraphes stars  : Michael Clark, Israel Galvan, Sidi Larbi Cherkaoui (encore lui!), Wayne McGregor, sans oublier Anne Teresa De Keersmaeker, qui fait l’objet d’un programme spécial à elle toute seule ( voir ci-dessus ).

Parmi eux, après Pina Bausch, c’est une autre danseuse essentielle qui vient revivre au Grand Théâtre  : Martha Graham (1894-1991). Cette dernière a défini à elle seule la danse contemporaine, d’abord comme une forme d’art unique, qui s’est ensuite universalisée. Elle a pour cela collaboré avec les plus grands musiciens, plasticiens et comédiens. Un art fondé sur son expérimentation des mouvements élémentaires de contraction et de libération. Quelque 181  productions résumées ici avec 90  Years in 90  seconds – un petit film – Dark Meadow Suite (1946), Ektasis (1933) et Chronicle (1936).

Enfin, restent des propositions audacieuses : d’abord l’Afrique avec Kalakuta Republik, de Serge Aimé Coulibaly qui, comme son nom l’indique, s’intéresse au père de l’afrobeat, Fela Kuti (1938-1997), pour une réflexion sur l’engagement artistique. Ensuite un Lac des cygnes réinventé, avec musique irlandaise et univers magique ( Swan Lake – Loch na hEala ). Enfin, et ça risque d’être la très belle surprise de l’année, la compagnie de Mourad Merzouki – figure du mouvement hip-hop depuis le début des années 1990 – développe un espace fait d’illusions, sur un plateau en trois dimensions baigné de projections vidéo. Une rencontre surprenante entre la technologie numérique et la danse intitulée Pixel . Ou quand les corps ne sont que confortés à des rêves et des paysages mouvants…

Grégory Cimatti

www.theatres.lu