C’est avec Rabbit Hole, de David Lindsay-Abaire, que le TOL a ouvert sa saison 2019/20. Une pièce à la fois drôle et poignante sur le deuil à découvrir jusqu’au 23 novembre.
C’est un décor de chambre d’enfant qu’accueille le public au TOL. C’est là que se déroule Rabbit Hole, prix Pulitzer de l’œuvre théâtrale en 2007, présentée ici dans une adaptation française de Marc Lesage et une mise en scène de Véronique Fauconnet.
Becky et Howie sont un couple bourgeois sans histoire. Enfin, étaient. Car depuis neuf mois, leur ancienne vie paisible n’est plus. Depuis ce satané jour où Taz, leur chien, s’est mis à courir derrière un écureuil, et que leur fils de 4 ans, Danny, s’est mis à courir derrière Taz. Personne n’a fait attention à la rue et surtout à la voiture qui arrivait pile à ce moment-là. Depuis, Becky et Howie essayent de faire leur deuil de cet enfant parti bien trop tôt. Chacun à sa façon.
C’est à ce moment-là que le spectateur arrive dans la vie du couple de Rabbit Hole, de David Lindsay-Abaire, mise en scène au TOL par Véronique Fauconnet. Howie aime à regarder encore et encore les dernières vidéos de Danny. Becky décide, enfin, de faire le tri dans les affaires d’enfant. Mais appeler ça une vie semble excessif. Les deux survivent plus qu’autre chose. Souffrent en silence. Chacun dans son coin. Incapables tous deux de comprendre la démarche de l’autre; il veut rester vivre chez eux, elle veut vendre la maison. Elle a éloigné Taz de leur vie, il veut retrouver son chien… Tout les sépare désormais !
Des personnages pleins d’un vide invisible
Colette Kieffer et Jérôme Varanfrain sont poignants dans ces rôles pleins de tristesse intériorisée, plein de vide invisible. Dans cet état second dans lequel les a plongés la mort de leur fils unique. Ils sont parfaits dans cette tension sans éclat – ou presque –, dans cette solitude à deux. Deux rôles pourtant difficiles, car tirés du drame, mais présentés sans pathos avec, bien au contraire, une grande part de comédie.
L’auteur propose là un texte superbement écrit, magnifiquement rythmé, incroyablement drôle et à la fois profondément touchant. À aucun moment la tristesse ne prend le dessus, mais la réflexion autour de la mort, du deuil, de la continuation de vie… est omniprésente.
Du coup le spectateur est happé par ce récit, par le destin de ces personnages. Les principaux : Becky et Howie, ainsi que le grand absent Dany, mais aussi de leurs proches. Il y a Izzy, la petite sœur de Becky, au passé trouble et au futur incertain – d’autant qu’elle est enceinte de son premier enfant, ce qui ne va pas faciliter ses relations avec sa sœur –; Il y a aussi Nat, la mère de Becky et Izzy, à la fois voix pochtronne amusante à la langue bien pendue et voix de la raison – son fils Arthur est mort à l’âge de 30 ans d’une overdose, comparaison qui met à chaque fois Becky en rogne. C’est souvent de ces deux personnages secondaires que pointera l’humour, grâce à un décalage intéressant qu’ils créent. Là encore, Caty Baccega et Monique Reuter jouent magnifiquement ce rôle de poil à gratter, d’empêcheuses de souffrir en rond.
Une grande réussite
À l’opposé, dernier personnage de ce club des 5, Jason, adolescent de 17 ans, qui conduisait la voiture qui a fauché Danny. Il n’a aucun tort dans l’accident – enfin, il arrivait peut-être un peu trop vite avouera-t-il à Becky –, mais ne peut s’empêcher de se sentir coupable. Fan de science-fiction, il écrit une nouvelle qu’il dédie à Danny.
Howie ne peut le supporter, mais pour Becky, au contraire, cette rencontre, ainsi que l’idée portée par le gamin qu’il existe des univers parallèles, marquera une nouvelle étape dans sa renaissance. C’est le jeune Romain Gelin qui interprète Jason. Si lors de son face-à-face avec Howie, le comédien semble encore un peu vert, lors de la lecture de la lettre qu’il adresse aux parents de son involontaire victime, il est, lui aussi, criant de vérité.
Bref, malgré son sujet, peu attirant au premier abord, ce Rabbit Hole est une grande réussite. Pour son texte, bien sûr, mais aussi pour sa mise en scène et son casting.
Pablo Chimienti
TOL – Luxembourg. Jusqu’au 23 novembre.