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Théâtre – L’amour absolu de Paul Claudel


« Partage de Midi » est la pièce la plus intime de Paul Claudel, dans laquelle il raconte sa passion charnelle pour une femme qui lui a fait perdre la tête. Un drame de la passion repris par Marja-Leena Junker au Centaure.

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Myriam Muller est la lumineuse Ysé, chère à Claudel. Les comédiens Olivier Piechaczyk, Franck Sasonoff et Serge Wolf l’accompagnent sur scène. (Photo : Bohumil Kostohryz)

Marja-Leena Junker est une inconditionnelle de Paul Claudel (1868-1955). « Oui, je l’admire. Il est pour moi l’un des plus grands auteurs de la langue française », confie-t-elle. Rien d’étonnant qu’avec Partage de Midi, elle aborde là, en tant que metteur en scène, la troisième pièce du dramaturge, après L’Annonce faite à Marie et L’Échange, entraînant la comédienne Myriam Muller dans son inébranlable passion.

En effet, cette dernière, à chaque occasion, l’accompagne dans toutes ses créations « claudeliennes ». « Aujourd’hui, elle est Ysé, mais elle fut un temps Violaine et Marthe… Elle a joué toutes les femmes dans ces pièces. » Une remarque qui la ramène quelques années en arrière, en 1985 pour être exact, quand, en compagnie de Charles Suberville, et alors que le théâtre des Capucins était à sa première année d’existence, elle était sur scène pour ce drame passionnel dont elle connaît chaque mot, chaque respiration… « J’en ai un très vif souvenir. »

Elle enchaîne : « C’était mon premier grand rôle. Je me rappelle que l’on répétait à Paris et que le travail était laborieux. Et je connais toujours le texte ! » Mais les images, elles, restent floues… « Il y a une vidéo qui a été faite à l’époque, et il y a peu de temps, je l’ai regardée, ce que je n’avais pas fait depuis quinze ans ! C’était assez douloureux(rire). » Ce qui ne l’empêche pas de déclarer que le rôle d’Ysé reste un « véritable cadeau pour une comédienne », à travers lequel elle peut « exploiter tout son savoir-faire ».

> « Une thérapie par l’écriture »

« En trois actes, ce personnage change et vit des choses tellement fortes qu’il réclame à l’interprète une richesse de jeu », poursuit-elle, ajoutant que, de surcroît, dans le répertoire classique, « de Shakespeare à Molière », « ce sont très souvent les hommes qui ont le beau rôle ». Tournons-nous donc vers cette Ysé, insouciante et lumineuse, qui se trouve sur un paquebot en route vers la Chine, fin 1901. À ses côtés, trois hommes : De Ciz, son mari, qui espère reconquérir en Orient sa fortune perdue ; Amalric, planteur et aventurier (et, au passage, l’ancien amant d’Ysé) ; et Mesa, commissaire des douanes, qui vient de sortir du monastère et n’a trouvé en cherchant Dieu que le silence…

Ce dernier n’est autre que Paul Claudel, jeune consul de France à Fou-Tchéou, âgé de 33 ans, qui va donc faire la connaissance de cette femme, entamant avec elle une liaison passionnée qui va durer plus de trois ans et qui va bouleverser sa vie d’homme et d’écrivain. Il n’a d’ailleurs « jamais caché cette relation, ni le fait qu’à travers le personnage de Mesa, c’est bien de lui qu’il parle », explique Marja-Leena Junker, précisant que des « correspondances » en témoignent.

> « Chaque soir, il est en pleurs »

Cette histoire passionnelle, l’auteur va la mettre sur papier à « chaud », sans distance, au moment où il se trouve dans la perte et la douleur d’un grand amour charnel. « C’est une véritable thérapie par l’écriture, précise la metteur en scène. Il écrit pour ne pas se tuer ou sombrer dans la folie. Certains textes, bouleversants, racontent sa détresse et son état. L’un d’eux le dépeint comme faisant les cent pas chez lui, tout en rigolant comme un dément… »

Si Paul Claudel – dont la liaison fera scandale dans le milieu colonial de l’époque – ne revoit sa muse que treize ans après leur séparation, il mettra plus de quarante ans pour que ce Partage de Midi n’existe sur les planches – cette pièce connaîtra au final trois versions. « C’est son œuvre la plus autobiographique. Ça se sent dans la moindre phrase. Elle est très chère au cœur de l’auteur. D’ailleurs, lors des premières représentations en 1948, Claudel est présent chaque soir. Et on le voit en pleurs… »

Oui, le poète-essayiste restera marqué toute sa vie, ébranlé dans ses convictions et ses croyances. « Il ne faut pas oublier qu’avant cette rencontre, il voulait entrer dans les ordres, note Marja-Leena Junker. Cette pièce, c’est le tiraillement d’un homme entre une morale et les tentations de la chair. » Cet amour a aussi donné à la littérature française les plus belles pages, dit-on, sur la force de l’amour charnel. « Il le fait, bien sûr, à sa façon, avec originalité et poésie. Mais il sait aussi être franc, avec des phrases encore choquantes aujourd’hui. » Enfin, outre le thème de « l’amour absolu », Partage de Midi dépeint le milieu colonial, celui du « cynisme et du racisme », avec force. « Ce n’est pas un monde que Paul Claudel idéalise. »

De notre journaliste Grégory Cimatti

Théâtre du Centaure – Luxembourg.
Ce soir, dimanche, ainsi que les 15, 18, 22 et 25 janvier à 18h30.
Demain, samedi, ainsi que les 14, 16, 17, 21, 23 et 24 janvier à 20h.

Théâtre – Esch-sur-Alzette.
Le 3 mars à 20h.

Cube 521 – Marnach.
Le 13 mars à 20h.

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