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[Théâtre] « 7 janvier(s) » : un acte de résistance à la Kulturfabrik


Le metteur en scène Gérald Dumont et l'auteur Caryl Férey prennent la pause à la Kulturfabrik. Leur pièce, "7 janvier(s)", y sera présentée les 9 et 11 mars.

Création «originale» de Gérald Dumont et Caryl Férey, 7 janvier(s) remonte au massacre de Charlie Hebdo pour mener une réflexion sur l’après-2015. Une pièce proche du polar d’anticipation, mais non sans humour.

Tous deux marqués par les attentats de janvier 2015, et l’étrange atmosphère qui en découle depuis, ils ont décidé d’en parler pour «résister». L’un des maîtres du polar français, Caryl Férey, et le metteur en scène Gérald Dumont signent, à quatre mains, une pièce exutoire, rappelant au passage que laïcité, démocratie, droits de l’homme et liberté ne sont pas de vains mots.

Il y a, en amont, un projet pédagogique : «Balade citoyenne – Voyage en Politik», mené avec deux classes de Longwy et d’Esch-sur-Alzette. Un travail sur la citoyenneté mené par la compagnie Théâtre K et codirigé par Gérald Dumont. « Je voulais, au départ, faire une pièce sur le monde de la politique , explique ce dernier. Mais il faut être honnête, ça me fait gerber. Les bras m’en tombent quand je les entends parler. Je n’y arrivais pas. » Puis arrive le 7 janvier 2015, jour du massacre de Charlie Hebdo par des fondamentalistes bas du front. Le peuple brandit des pancartes noires et pleure ces trublions de la presse plutôt habitués, d’ailleurs, à le faire rire. « Ça m’a vraiment bouffé la gueule , poursuit celui qui connaissait Charb. Je ne pensais qu’à ça. C’était devenu obsessionnel. »

C’est naturellement vers le théâtre que se tourne le comédien aux allures de rockeur. Et pour mettre des mots sur des maux profonds, il convoque l’aide de Caryl Férey, un des maîtres du polar français ( Zulu , Mapuche , Condor …). En résulte la pièce 7 janvier(s) , à laquelle, logiquement, s’est associée la Kulturfabrik, car « un centre culturel ne doit pas être lâche », soutient, avec force, Serge Basso, directeur des lieux. Rappelons que l’année dernière il avait invité à un débat avec Patrick Pelloux et Antonio Fischetti, chroniqueurs à Charlie , et il promet de remettre ça en avril prochain avec six dessinateurs, dont l’illustre Willem.

Création « originale », la pièce remonte donc, sans s’appesantir, à cette sale journée qui a marqué les chairs et les esprits, quand les cœurs peinaient à se réchauffer dans la grisaille du l’incompréhension. « Tout le monde se souvient de ce qu’il faisait le 7 janvier », lâche le duo d’une même voix. Une date symbolique qu’il dépasse, toutefois, à travers une mise en scène coupée en deux parties. Ainsi, la première, « sorte d’introduction », est constituée « de petits flashs, de détails », ceux d’anonymes qui se souviennent de ce jour-là, ô combien « fondateur ». Autant de petites histoires insignifiantes, donc utiles, se déroulant de Montmartre à la place de la République.

Crise au Sahel, Brassens et Gotlib

Mais si Caryl Férey et Gérald Dumont ont leur franc-parler, ils cultivent un sens aigu de la subtilité. D’où ce «s» à la fin du titre, rappelant qu’aujourd’hui est aussi problématique qu’hier était cruel. « Quelles sont les conséquences » du 7 janvier?, martèle ainsi le premier, qui s’est occupé à écrire une « nouvelle » sur l’après-2015 – elle constitue la seconde partie de la pièce. « On part d’un point précis pour aborder quelque chose de plus large, de plus universel , explique-t-il. Quelque chose de barré, avec de l’humour noir. »

Parmi les témoins anonymes, on retrouve ainsi l’un d’eux, Anton, près de 30  ans plus tard. Le monde a changé, les repères aussi. En fuite, il rencontre une réfugiée, Leila – « elle se peint le visage en blanc et vit dans une décharge ». Elle aussi victime de cette société en plein bouleversement. Un futur chaotique ou les protagonistes tentent de sauvegarder ce qui peut l’être encore : l’humour… Gérald Dumont  : « Il suffit juste d’amplifier la situation actuelle et ses problématiques – information, écologie… – en quelque chose d’un peu absurde, d’un peu marrant. »

Sur scène, ils seront cinq comédiens, dont le Luxembourgeois Serge Wolf, à se renvoyer la balle, et à montrer ce qui nous pend au nez si personne ne réagit aux nombreux tourments actuels. Et c’est là que Caryl Férey, bourlingueur invétéré, s’emporte… « Vu la démographie mondiale, le problème des réfugiés ne va pas se résoudre d’un claquement de doigts. Au Sahel, par exemple, la prochaine génération, ils seront 120 millions! Forcément, ils vont partir, et pas pour la région des Grands Lacs. Soit pour Boko Haram, soit pour les écoles coraniques d’Arabie saoudite, soit pour l’Europe, où on les accueille à coup de xénophobie, d’islamophobie ou avec des partis populistes de droite. Je ne vous dis pas le bordel! »

Mais 7 janvier(s) montre aussi, et surtout, qu’il ne faut jamais se taire. Créer et agir devient, en effet, plus que nécessaire en ces temps franchement brumeux. « Aujourd’hui, on ne pourrait plus faire Mélanie de Brassens, ou Ragnagna de Gotlib sans être visé par une fatwa », soutient Serge Basso, aux côtés de Gérald Dumont qui acquiesce, lui qui a vu certaines de ses lectures de Charb annulées, par peur de représailles. Mais le metteur en scène lutte, car il a à cœur de prouver que son job, c’est « d’appeler un con, un con ». Comme Charlie le fait toujours, malgré des blessures toujours béantes.

Grégory Cimatti

7 janvier(s). Kulturfabrik – Esch-sur-Alzette. Les 9 et 11 mars à 20 h. Plus d’infos sur kulturfabrik.lu

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