Avec Samuel, Émilie Tronche saisit l’écume des jours et de l’enfance qui passe, entre CM2, vacances et collège, premières amours et angoisses inconnues. Sur ARTE, sa série d’animation cartonne. Déjà culte.
Près de 36 millions de vues en trois mois, des tendances TikTok… La série d’animation d’ARTE, Samuel, qui raconte avec humour et poésie les émois d’un garçon de 10 ans, rencontre un succès «vertigineux» pour sa jeune réalisatrice Émilie Tronche, touchée de rendre «les gens heureux». À seulement 28 ans, la dessinatrice, autrice et interprète de cette série en noir et blanc de 21 épisodes de 5 minutes enchaîne les interviews pour revenir sur un phénomène auquel elle «ne s’attendait pas».
Né «en 2020, juste avant le confinement», d’un désir de «replonger en enfance», son personnage Samuel évolue dans les années 2000, confiant à son journal intime son amour pour la Grande Julie ou ses angoisses, du CM2 au collège. Ce voyage dans le temps s’agrémente de chansons d’époque ou intemporelles et de références (messagerie instantanée MSN, mode des feuilles Diddl à l’effigie d’une souris) bien connues des «millenials», nés dans les années 1980-1990.
Une série qui «égaye» la vie
S’il touche ces derniers en plein cœur, il séduit bien au-delà de leur génération, notamment sur les réseaux sociaux. Les chiffres sont impressionnants : la série, qui cumule ainsi plus de 9 millions de vues depuis sa sortie en mars sur arte.tv et YouTube, en compte 11,7 millions sur Instagram et plus de 13 millions sur TikTok, où des jeunes se mettent en scène ou se dessinent en reprenant des extraits.
«C’est assez dingue d’y penser», commente la jeune femme qui réside à Angoulême depuis ses études en animation mais a grandi, comme Samuel, à Sucy-en-Brie, en banlieue parisienne. «S’il faut garder la tête froide», elle se réjouit des nombreux messages reçus de personnes s’identifiant à son personnage ou lui disant que la série «égaye leur vie». «C’est fou de se dire qu’une petite série d’animation, qui ne paye pas forcément de mine avec ce trait tout simple, peut engendrer autant de joie» et «une sorte de mélancolie heureuse», constate-t-elle.
Format adapté pour TikTok
Principal atout de sa création, la justesse de sa représentation de l’enfance, la réalisatrice ayant puisé dans ses souvenirs pour créer un «personnage qui (lui) ressemble un peu» et qui tient son prénom d’un «gentil» garçon rencontré, de manière «amicale», lors d’une soirée après le baccalauréat. Émilie Tronche a également accompagné la classe de sa mère, institutrice en CM2, lors d’une visite au château de Vaux-le-Vicomte, où elle a fait des «prises de son» et organisé une partie d’épervier mise en scène dans la série. «C’était exactement comme je l’avais imaginé, ils sont tout fous, on a l’impression qu’ils jouent leur vie.»
La série, qui se picore ou se regarde d’une traite, bénéficie en outre d’un format adapté à l’air du temps. Ses producteurs et ARTE sont même allés plus loin en proposant d’autres épisodes plus courts spécifiquement conçus pour TikTok afin de «toucher un public plus jeune», familier et demandeur de ce format. «Je ne savais pas du tout comment ça allait être reçu», relate celle qui n’a pas de compte sur ce réseau, qu’elle voyait comme «une soirée où on n’est pas invité».
Une seconde saison «sur la table»
Les pastilles qui y sont publiées sont «plus axées sur des moments de vie ou des chorégraphies» que la série classique, où la danse est déjà très présente. Émilie Tronche, qui aimait écrire et voulait être chorégraphe lorsqu’elle était «plus jeune», s’est filmée elle-même pour dessiner certaines séquences. C’est en terminale qu’elle s’est tournée vers l’animation, après avoir «découvert les courts métrages des étudiants des Gobelins» et «redécouvert tous les films» du studio japonais Ghibli (celui de Hayao Miyazaki).
La réalisatrice, influencée entre autres par la bande dessinée Lou! de Julien Neel, s’inspire aussi de la musique qu’elle écoute en écrivant. «La recherche des droits musicaux, c’était un peu une saga en soi!», relate celle qui a dû renoncer au titre Because des Beatles et à une scène dédiée dans Samuel. Retrouvera-t-on son touchant héros dans une seconde saison, comme le lui réclament ses fans? «C’est sur la table, mais il faut des idées. Et puis je prends un peu de repos», lance celle qui s’imagine l’avenir de Samuel au lycée, juste «pour le plaisir».
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