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Série : les mots doux au temps des smartphones


Quatre ans après une première saison réussie, Amours solitaires poursuit son exploration du sentiment amoureux chez les jeunes adultes. Avec finesse et sans niaiserie !

Adaptée d’un compte Instagram à succès où sont publiés les SMS d’amoureux anonymes, la série Amours solitaires revient sur petit écran (sur les plateformes de France Télévisions et d’ARTE), continuant à explorer avec délicatesse les émois des jeunes adultes. Ces derniers ne s’envoient peut-être plus de lettres, mais cela ne les empêche pas de déclarer leur flamme ou de pleurer une rupture dans des textos romantiques, poétiques, érotiques, crus ou drôles. «On ne s’est jamais autant écrit qu’aujourd’hui. Les SMS, les mails, les discussions instantanées… On écrit toute la journée», fait valoir Morgane Ortin, la créatrice de la page «Amours solitaires», lancée en 2017 et qui compte désormais plus de 800 000 abonnés.

On a besoin de nouvelles représentations de l’amour romantique!

À l’origine, celle qui a travaillé pour un site spécialisé dans l’épistolaire souhaitait «stocker (sa) mémoire amoureuse», soit des captures d’écran de ses propres mots doux, sur le réseau social. Puis «les gens ont commencé à m’envoyer d’eux-mêmes leurs propres messages», ajoute l’autrice de 33 ans, qui en reçoit «cent par jour en moyenne», les archive et en publie certains au compte-gouttes. Le phénomène est tel qu’il se décline en librairie. Sorti en 2018 aux éditions Albin Michel, le premier tome d’Amours solitaires, cadavre exquis de 278 messages, traduit en cinq langues, s’écoule à 110 000 exemplaires et inspire, en 2020, une série pour ARTE et France TV Slash, l’offre pour jeunes adultes de France Télé.

«Banque de données»

Au bout, un nouveau succès : la première saison (soit 23 épisodes d’environ 2 minutes) cumule plus de 9 millions de vues au total (en comptant les réseaux sociaux). Quatre ans plus tard, ARTE et France Télévisions réitèrent l’expérience en proposant deux nouvelles histoires, avec de nouveaux personnages, dans deux nouveaux formats : un classique et un «vertical», à déguster sur smartphone. Le premier suit Maëlle (incarnée par Nina Aboutajedyne), désireuse de reconquérir après deux ans d’absence son ex, Saïd (Younès Boucif, révélé dans la série Drôle), et leur bande d’amis, dans huit épisodes de 26 minutes.

Le second, dont les 20 pastilles de 3 minutes sont diffusées une par une quotidiennement sur les réseaux sociaux, met en scène la rencontre sur une application entre Lewis (Gaetan Garcia), dans une relation libre, et Noa (Marin Judas), un rugbyman qui n’a pas fait son coming out. Cette fois, pas de livre comme base de travail, mais la «banque de données» de Morgane Ortin, un tableau Excel classant tous les messages reçus par thèmes («première rupture, retrouvailles, solitude, première rencontre, flirt, amitié…»), explique le coscénariste Joris Goulenok. «On a avant tout pensé aux personnages, aux histoires et, derrière, on allait chercher les textos qui nous semblaient à propos», précise-t-il.

«Moteur dramaturgique»

Authentiques, les SMS ponctuant la série sont superposés à l’image de «manière minimaliste» pour garder «la force du texte intacte», tout en laissant la place aux émotions des personnages, selon les réalisatrices Louise Condemi et Marguerite Pellerin. Ils agissent également comme un fort «moteur dramaturgique». «Avant, vous attendiez une lettre. Maintenant, vous attendez un texto toute une soirée. Ça crée du suspense!», résume Louise Condemi, qui s’est attelée à garder «le ton à la fois romantique et contemporain, sans être niais», du travail de Morgane Ortin. Cette dernière a d’ailleurs officié comme «consultante» pour veiller au respect de son projet d’origine.

«J’ai grandi avec des films comme Dirty Dancing, Grease, qui véhiculent plein de choses qui sont totalement à déconstruire aujourd’hui», comme la possessivité ou l’attrait pour les «bad boys», retrace-t-elle. «On a besoin de nouvelles représentations de l’amour romantique!» davantage fondées sur «l’équité, l’égalité, la bienveillance, le consentement». Signe des temps, une coordinatrice d’intimité a été sollicitée sur le tournage, comme pour la série Normal People, référence narrative et émotionnelle» d’Amours solitaires, selon Louise Condemi. «C’est un poste qui permet vraiment de nous mettre tous à l’aise» et «d’aller plus loin», salue-t-elle.

L’aventure Amours solitaires se poursuivra hors écrans avec la sortie d’un troisième tome le 5 février, plus de cinq ans après le deuxième vendu à 60 000 exemplaires. L’ouvrage comprendra cette fois-ci des passages de journaux intimes de Morgane Ortin.

Amours solitaires (saison 2)
de Louise Condemi et Marguerite 
Pellerin. Sur ARTE et France TV.