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« Room », en immersion dans le petit monde de Jack


Brie Larson et le jeune Jacob Tremblay, enfermés dans leur petite «room».

Inspiré d’histoires vraies, le film « Room », de Lenny Abrahamson, raconte l’histoire d’une mère et de son fils qui vivent dans une seule pièce sans fenêtre. S’en échapperont-ils?

Donnée de départ : un gamin et sa mère vivent dans une seule pièce sans fenêtre, coupés du monde. On ne sait s’ils sont pauvres, clandestins ou séquestrés. Avec cela, on peut craindre le pire des mélos, des guimauveries que le cinéma sait proposer quand il s’agit de faire fonctionner le box office. Avec Room, il en va différemment.

Le réalisateur irlandais de 49 ans Lenny Abrahamson s’est fait connaître avec Adam & Paul (2004) ou encore What Richard Did (2012). Cette fois-ci, il a opté pour le parfait calibrage entre la distanciation et l’émotion – ce qui, au final, donne un film taillé pour les festivals et cérémonies de prix. La preuve? Pour les récents Oscars, dimanche, Room était nommé dans quatre catégories…

Pas de misérabilisme, plutôt l’énergie et l’imagination de ce gamin prénommé Jack, 5 ans… Dans la première partie, on est dans cette pièce de quelques mètres carrés. L’enfant y est né, il n’a jusqu’alors jamais vu ni connu le monde extérieur – alors, pour lui, cette pièce close a les dimensions du monde entier.

À aucun moment, par la technique du réalisateur, par la magie du décor et du montage, le spectateur n’éprouve la sensation de claustrophobie. Dans cette «room», dans le monde de Jack, on respire. Avec Ma, la mère, qui apprend à Jack à jouer, rire et comprendre ce monde qui l’entoure.

On comprend vite aussi ce que veut, par amour, Ma pour son fils. Qu’elle est prête à tout pour que Jack, un jour, puisse s’échapper de cette pièce, de ce huis clos cadenassé et découvrir le monde extérieur.

Tiré des affaires Fitzl, Garrido et Kampusch

Mais sera-t-il préparé pour cette aventure? Lenny Abrahamson ne s’en cache pas : Room est l’adaptation du best-seller d’Emma Donoghue – laquelle est également la scénariste du film. Son livre, elle l’avait écrit après avoir entendu l’histoire de Felix, 5 ans, dans «l’affaire Fritzl» : pendant vingt-quatre ans en Autriche, Elisabeth Fitzl a été emprisonnée, violée et physiquement agressée par son père. En captivité, elle a donné naissance à sept enfants tous procréés par son père…

Mais pour cette plongée dans le monde de Jack, la romancière-scénariste ne s’est pas inspirée seulement de cette affaire. Elle a également travaillé sur l’histoire de Jaycee Lee Dugard, une jeune femme enlevée sous les yeux de son beau-père en 1991 et séquestrée par le couple Philip et Nancy Garrido. Durant dix-huit ans, elle a été retenue prisonnière dans un cabanon de jardin où son ravisseur la violait. À 14 ans, elle a donné naissance à une petite fille et à une deuxième, trois ans plus tard. Pour Room, Lenny Abrahamson s’est aussi inspirée de l’affaire Natascha Kampusch, séquestrée pendant huit ans en Autriche.

Retour sur grand écran. Et Ma – dont le véritable prénom est Joy –, parfait dans cette pièce obturée l’éducation de son fils Jack. Elle a trouvé le moyen pour s’évader de cette prison, au moins, mentalement : à Jack, elle raconte l’histoire du Comte de Monte-Cristo – dans le roman de l’auteur français, le comte réussit à s’échapper de sa prison, après de nombreuses années de captivité. L’espoir fait vivre…

À noter la belle interprétation de Ma par Brie Larson, qui lui a valu l’Oscar de la meilleure actrice. Pour préparer ce rôle, la comédienne s’est isolée du monde pendant un mois et a suivi un régime draconien pour approcher au plus près les conditions de vie de la mère et l’enfant. Et pendant le tournage, pour les scènes dans la «room», elle ne s’est pas lavé le visage ni maquillée!

Room, de Lenny Abrahamson.  (Canada/Irlande, 1 h 58) avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen…

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan