À 15 ans, il épatait déjà le public au festival de jazz de La Havane : à l’occasion d’une nouvelle édition du rendez-vous musical, le pianiste Roberto Fonseca se confie sur son neuvième album, qu’il présentera en mars à Paris.
«Je me considère comme un musicien fou, passionné, romantique, avec le piano comme extension du corps pour transmettre mes sentiments», raconte l’ex-trublion du Buena Vista Social Club, lors d’une répétition dans une pièce exiguë au fond d’un appartement de La Havane. La capitale cubaine organise jusqu’à dimanche son 35e festival de jazz, dont Roberto Fonseca est désormais le directeur artistique. Il y partagera la scène avec sa complice Omara Portuondo pour un concert événement à l’occasion du 90e anniversaire de la chanteuse du Buena Vista. Éternel chapeau noir vissé sur la tête, Roberto, dont une grande partie de la carrière s’est déroulée en France, refuse obstinément d’entrer dans les cases : «Un jour quelqu’un a demandé à Miles Davis quel était son style, il a répondu « donne-lui le nom que tu veux », c’est comme ça que je me sens.»
Élevé dans une famille de musiciens, entre un père batteur et une mère danseuse au club Tropicana puis chanteuse de boleros, il a aujourd’hui 44 ans. Il se souvient qu’«il y avait toujours beaucoup de musique à la maison, et toujours des styles différents, de la musique classique jusqu’au rock, sans aucun problème». Le résultat ? «Dans ma manière de jouer, de composer, on sent qu’il y a beaucoup de musique classique, il y a de la rumba, du son (NDLR : rythme de base de la salsa), du hip-hop, de la jungle… il y a de tout !» Enfant, il a débuté à la batterie à quatre ans, avant de passer au piano à huit.
À Paris le 24 mars
Après une première prestation très remarquée en 1991 au festival de jazz de La Havane, il enregistre son premier album en 1998 puis intègre en 2001 le Buena Vista Social Club, célèbre formation de vétérans cubains dont il fait figure de jeune chien fou pendant cinq ans. Habitué à présenter ses albums d’abord à l’étranger, Roberto Fonseca a changé de stratégie avec le neuvième, Yesun, dévoilé sur l’île en octobre : «Cette fois j’ai voulu faire les choses différemment, j’ai voulu que le premier concert ait lieu à Cuba pour avoir la bénédiction de mon public.» Une manière de se souvenir des leçons de ses vieux compères du Buena Vista Social Club, Ibrahim Ferrer (décédé en 2005) et Omara Portuondo : «Ils m’ont toujours conseillé de ne pas oublier d’où je suis», mais aussi «d’être libre et toujours audacieux». Sur Kachucha, l’un des 12 titres de Yesun – mélange des noms de deux divinités de la santeria, le culte afro-cubain qui «fait partie de moi», confie Roberto -, on l’entend d’ailleurs fredonner «De Cuba yo soy» (je suis de Cuba).
Un album où il fusionne tout à la fois rythmes traditionnels cubains, sons électroniques et l’incontournable piano, qu’il joue sur scène d’une façon exaltée, comme s’il était possédé. En studio, il s’est entouré d’invités de prestige comme le saxophoniste américain Joe Lovano, le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf ou la rappeuse cubaine Danay Suarez, mais aussi de sa mère, Mercedes Cortés, qui participe aux chœurs de certains morceaux. Dans les prochaines semaines, l’album sera joué dans une série de concerts aux États-Unis puis traversera l’Atlantique pour une présentation à la salle Pleyel à Paris, le 24 mars : «On est très contents, très excités par ce concert car c’est une salle très prestigieuse». Entre Roberto Fonseca et la France, c’est une histoire d’amour qui dure depuis longtemps : «Je me sens vraiment reconnaissant envers le public français, et la France en général, car c’est le premier pays à avoir ouvert ses portes à ma musique.» Invité récurrent du festival Jazz in Marciac, dans le sud-ouest de la France, il a été récemment décoré par Paris des insignes d’officier des Arts et des Lettres.
AFP/LQ