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Photo : empreintes de l’humanité


Pour sa première venue au Grand-Duché, le photographe palestinien Raed Bawayah présente, sous le titre «Empreintes de passage», 35 photographies de sa rétrospective de pas moins de dix ans de voyage et de travail.

Dans le cadre du projet «Regard de l’autre / Regarde l’autre», Neimënster présente, jusqu’au 28 avril, une vision humaniste du monde par le photographe palestinien Raed Bawayah. Un photographe au destin extraordinaire qui donne à voir, de la plus belle manière qu’il soit, les hommes et femmes que la société met sur le banc, que l’on cache ou que l’on repousse.

De grandes photographies classiques, en noir et blanc, présentant des hommes et des femmes semblant n’avoir aucun lien entre eux. Un regard profondément humaniste sur le monde, voilà ce que propose le photographe Raed Bawayah jusqu’au 28 avril, à l’abbaye de Neumünster. Ces «Empreintes de passage», comme le titre l’exposition, ce sont les siennes, durant plus de 10 ans, à travers l’Europe et l’Amérique du Sud, avec, comme unique objectif, celui de révéler ceux que la société souhaite voir disparaître : les marginaux.
Ces empreintes sont aussi les siennes, celles d’un jeune homme que l’histoire politique a voulu mettre à la marge, qui s’est battu pour réaliser son rêve, malgré tout. Originaire d’un petit village près de Ramallah, c’est dès l’âge de 10 ans que sa curiosité pour la photographie est née. «Quand j’étais enfant, je ramassais le raisin dans notre village et j’allais le vendre dans le quartier touristique de Jérusalem. J’étais complètement fasciné par les touristes et leurs appareils photo, je ne sais pas si c’est parce que c’était un objet que je ne pouvais pas m’offrir ou un réel désir de comprendre pourquoi les gens photographiaient de manière compulsive», explique Raed Bawayah.

Révéler la vie comme unique objectif

Ce n’est qu’après avoir travaillé de nombreuses années sur les chantiers de construction à Jérusalem qu’il se décide à sauter le pas et à s’inscrire à la Naggar School, une école d’art israélienne. Sa rentrée à l’école d’art va coïncider avec la seconde intifada qui va brutalement faire basculer son quotidien.
«La vie a complètement changé, la politique d’occupation, les explosions quotidiennes et surtout l’interdiction, pour les Palestiniens n’ayant pas de permis de séjour, de se rendre en Israël. J’ai eu la chance que mon village se trouvait sur une sorte de ligne verte, un entre-deux», explique le photographe. Ainsi, durant trois ans, il a traversé trois montagnes à pied, marché plus d’une heure et demie pour se rendre à l’école – il allait à l’école le matin et travaillait illégalement l’après-midi – une routine bien huilée, jusqu’à ce que la réalité le rattrape. «Ce matin-là, lors de ma dernière année, la police m’a arrêté, juste avant d’arriver à l’école : ça a été un véritable choc psychologique pour moi. Je suis allé deux semaines en prison, je n’avais pas de permis de séjour. Les avocats de l’école m’ont aidé à sortir de prison, mais quelque chose avait changé», ajoute-t-il.
C’est en prison qu’il a décidé de réaliser son travail de fin d’étude, qui sera aussi sa porte de sortie vers l’Europe : une série de portraits sur les travailleurs palestiniens illégaux en Israël, celui qu’il aurait pu être. Son diplôme en poche et une exposition au centre culturel français de Jérusalem lui permettent de décrocher une résidence à Paris où il va être vite découvert et porté par le milieu photographique parisien. «Je n’avais jamais voyagé de ma vie avant, maintenant, je passe mon temps à découvrir le monde. À travers mes images, je veux ouvrir une fenêtre sur le monde au plus grand nombre, je veux révéler comment les autres vivent, les souffrances que les sociétés imposent aux personnes qu’elles mettent à la marge», nous dit le photographe.
En exposant ces hommes et ces femmes que l’on tente à tout prix d’oublier, il les ramène dans la société, leur redonne la dignité qu’ils ont souvent perdue et, à travers eux, c’est sa propre histoire qu’il nous révèle avec pudeur et tendresse.

De notre collaboratrice, Mylène Carrière

Neimënster – Luxembourg. Jusqu’au 28 avril.

 

 

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