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Parution de l’œuvre unique de Charlotte Salomon, tuée à Auschwitz


Véritable livre d'art, l'ouvrage est d'abord un roman graphique d'une étonnante modernité. (Photos DR)

L’unique roman graphique de Charlotte Salomon, jeune artiste allemande assassinée à Auschwitz à l’âge de 26 ans et dont le tragique destin a inspiré le romancier David Foenkinos, paraît jeudi dans son intégralité et sa forme originelle.

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C’est la première fois au monde que cette œuvre intitulée Vie ? ou théâtre ? est publiée, aux éditions Le Tripode. Ce livre imposant de 820 pages compte plus de 1 100 reproductions.

Le choix d’un grand format carré permet à chaque illustration à la gouache de recouvrir une page entière, quasiment à sa taille originelle. Véritable livre d’art, il s’agit d’abord d’un roman graphique d’une étonnante modernité.

Présenté comme « une opérette », l’ouvrage fonctionne avec un prologue, une partie principale et un épilogue.

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Tragédies et fatalité

L’histoire mélange tragédie et comédie, humour et gravité. Charlotte Salomon met en scène ses proches (dont les noms sont changés, souvent de façon grotesque). Elle raconte son adolescence, la montée du nazisme, la découverte de l’amour. La jeune femme, contrainte de quitter l’Allemagne à la fin de 1938 parce que juive, réalisa cette œuvre entre 1940 et 1942 alors qu’elle vivait cachée dans le sud de la France.

Charlotte Salomon se jette à corps perdu dans cette œuvre gigantesque pour tenter d’écarter la terrible fatalité qui semble accabler les femmes de sa famille. En mars 1940, alors que la guerre est aux portes de l’Europe, sa grand-mère se défenestre devant elle. Peu de temps avant, son grand-père, vieil homme amer, lui a appris que depuis trois générations toutes les femmes de sa famille, dont sa mère, se sont suicidées.

Jusqu’alors, Charlotte croyait sa mère morte de la grippe. Elle apprend aussi qu’elle doit son prénom à une tante morte noyée avant sa naissance.

Soucieuse de ne pas se laisser engloutir par cette pulsion de mort, elle peint plus d’un millier de gouaches et en retient 781 qui formeront – avec les feuilles calque sur lesquelles elle écrit simultanément – le roman de sa vie.

Confession(s)

A la fin du mois de septembre 1943, Charlotte Salomon et son compagnon Alexander Nagler sont arrêtés dans une villa de Villefranche-sur-Mer, après une dénonciation, et déportés à Auschwitz. Charlotte Salomon – alors enceinte de cinq mois – y sera assassinée dès son arrivée, le 10 octobre. Les gouaches de Vie ? ou théâtre ? ont été miraculeusement sauvegardées par un médecin qui les remettra à une amie de la famille. Les peintures seront restituées au père de Charlotte à la fin de la guerre.

En 1971, l’œuvre de la jeune femme sera confiée au Jewish Historical Museum d’Amsterdam. Le livre se termine par la publication inédite d’une longue lettre de Charlotte à son grand amour et mentor, Amadeus Daberlohn. Cette lettre, écrite en février 1943, six mois après l’achèvement de son roman graphique, constitue un document exceptionnel sur la personnalité complexe de son auteure.

Très loin des images d’Épinal qui l’accompagnent, notamment depuis le roman de David Foenkinos, Charlotte, qui a valu à ce dernier le Renaudot et le prix Goncourt des lycéens l’an dernier. Cette lettre est en fait une confession. La jeune femme reconnaît avoir empoisonné son grand-père, laissant entendre qu’il voulait la contraindre à des relations sexuelles. « En quittant l’Allemagne, mes grands-parents avaient emporté du poison, morphine, opium, véronal…, écrit-elle. Je savais où était le poison… Il agit pendant que j’écris. Peut-être est-il déjà mort. Pardonne-moi. »

AFP/A.P

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