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[Musique] On ne s’ennuie pas avec Getdown Services !


Getdown Services s'attaque à tout ce qui tourmente l'homme dans la Grande-Bretagne du XXIe siècle, ses frustrations comme l’ennui profond qui gagne du terrain. (Image Breakfast Records)

Premier disque de Getdown Services, Crisps se veut «croustillant» à plus d’un titre avec un groove solide et une production impeccable.

Alors qu’aujourd’hui, il faut jouer de son image, se mettre en scène et alimenter les réseaux sociaux, voilà un groupe qui ne mise pas sur le glamour, et c’est peu dire. Un peu trop gras, un peu trop moustachu aussi, le duo de Getdown Services ne s’embarrasse clairement pas des standards esthétiques, laisse dépasser une généreuse bedaine d’un tee-shirt étriqué et, pire, s’empiffre avec tout ce qui lui passe sous la main comme dans le clip déjanté (et intime) de Cream Of The Crop. Quand ils ne se filment pas dans une salle de bain, le modèle qu’ils choisissent leur ressemble, à l’instar de Come On et ce danseur qui se lâche au cœur d’un parking gris et bétonné.

Le message est clair : face au triste panorama qu’offrent désormais les villes et la solitude qui s’y étend, pernicieuse, mieux vaut en rire et oublier le regard moqueur des autres. C’est ce que se plaisent à faire Josh Law et Ben Sadler, deux copains qui se connaissent depuis l’enfance. L’un s’est établi à Bristol et l’autre du côté de Manchester, cités fertiles dans l’histoire du rock. Entre les deux, un énorme axe routier (la M5 et M6 – la première a fait l’objet d’un de leurs premiers morceaux) et des envies de raconter une situation pesante : celle de l’après Brexit, renforcée dans la foulée par le confinement durant lequel Getdown Services est né.

Constat acide sur la société anglaise

Avec ses paroles teintées de cynisme, son «spoken word», ses ustensiles minimalistes (comme une boite à rythmes) et sa dégaine à part, on aurait tendance à trop vite comparer le tandem à un autre : Sleaford Mods. Mais Josh Law et Ben Sadler se veulent plus drôles et balourds, moins punks et frontaux. Ce qui ne les empêche pas, comme leurs homologues de Nottingham, de tirer un constat acide sur la société anglaise qui part à vau-l’eau, subissant les conséquences d’un capitalisme sauvage et aveugle : la précarité, les propriétaires cupides, la routine et les divertissements débiles à la télévision qui la renforce, la gentrification, les hipsters… Même le chef cuisinier Jamie Oliver en prend pour son grade !

Getdown Services s’attaque à tout ce qui tourmente l’homme dans la Grande-Bretagne du XXIe siècle, ses frustrations comme l’ennui profond qui gagne du terrain. Musicalement, il enrobe ça non pas d’un post-punk à la mode comme pourrait le faire les compatriotes de Yard Act, ou plus loin, les Suédois de Viagra Boys. Non, lui refuse toute catégorisation facile, comme le prouve ce premier disque Crisps, sorti après une poignée de singles. Un album «croustillant» à plus d’un titre, décrit par le groupe comme de la «disco apocalyptique». Comprendre que derrière l’insolence et le désenchantement à portée de micro, il y a un groove solide qui fait bouger les corps. La piste de danse comme remède cathartique ? Bien vu.

Foutu pour foutu, autant s’amuser!

Les douze titres qui s’enchainent sur plus de quarante minutes ne disent rien d’autre. «Vaguement rythmé, dansant et râleur», diraient probablement d’une même voix blasée Josh Law et Ben Sadler. Mais c’est bien plus que ça! Ici, les observations acerbes et les blagues faciles se parent de multiples apparats : de la funk, de la new wave, du krautrock, de l’électronique, de punk et de pop, le tout sur des gros synthétiseurs et des guitares qui saturent. Car oui, la production est impeccable, ce qui ne gâche rien.

On peut le reconnaître : Getdown Services, avec ce premier essai, est directement passé maitre dans l’art de rester pertinent, sans jamais se prendre au sérieux. Une remarque qui s’observe aussi en live, où le duo, après avoir agité tout en nonchalance les scènes de Bristol, promet du plaisir et du divertissement à tous ceux qui les accueilleront. Un verre dans une main, l’autre dans un poing levé, le sourire aux lèvres et le déhanchement léger, Josh Law et Ben Sadler pourront y distiller leur philosophie, qui pourrait se résumer à «foutu pour foutu, autant s’amuser!» Dansons, donc, en attendant le pire.

Getdown Services. Crisps. Sorti le 9 novembre. Label Breakfast Records. Genre rock / disco / funk

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