Samedi soir, Esch-sur-Alzette vibrera au rythme de son incontournable Nuit de la culture édition 2020, longtemps compromise. Entretien avec son directeur, Loïc Clairet.
Il va de soi que cette Nuit de la culture sera un peu particulière, mais Loïc Clairet, dont l’équipe a plus que jamais travaillé main dans la main avec ses partenaires, peut enfin souffler en regardant sa programmation, qui compte de beaux projets. Une courte balade à vélo entre la place du Brill et Belval, une collaboration inédite avec la communauté de communes du Pays Haut Val d’Alzette ou encore une virée en montgolfière : cette Nuit de la culture montre qu’en toutes circonstances l’évènement reste plus que jamais «libre comme l’air»…
Comment vous sentez-vous à l’approche de cette Nuit de la culture qui a connu de nombreux rebondissements ?
Loïc Clairet : Soulagé… Mais, surtout, heureux! Heureux d’avoir cette opportunité d’offrir du spectacle, de la culture, de l’art au public. Heureux aussi d’offrir cette visibilité aux artistes, car nous venons de vivre une longue période où ils n’en ont pas eu. On aurait de toute façon fait quelque chose, car on avait dans nos plans, si l’on avait dû faire face à une interdiction de public, une diffusion en live d’un spectacle. Mais heureusement, on aura du public, de beaux spectacles et une belle météo qui s’annonce. Tout est au vert pour nous!
Si l’évènement avait été dans l’impossibilité de se tenir, aviez-vous une version « online » dans les tiroirs ?
Oui, et elle est d’ailleurs toujours maintenue. Quand on a reporté l’évènement au moment du confinement, on a tout de suite pensé à des plans B, C, D… Ce qui était certain, et malgré le fait que nous n’avions, comme tout le monde, aucune visibilité au mois de mars, c’est que l’on voulait offrir une Nuit de la culture, en ligne ou pas. Nous sommes donc allés chercher une compagnie capable de faire de la captation et du streaming en live. C’est quelque chose que nous avons gardé, même si l’évènement a bien lieu, en particulier sur le gros spectacle de la soirée, Exit, de la compagnie Inextremiste, qui sera entièrement diffusé. Puis, pour les autres spectacles, il y aura de la diffusion différée, car il y aura des prises d’images la veille et l’après-midi pour une diffusion en soirée pendant la Nuit de la culture.
Quels problèmes avez-vous pu rencontrer avec la programmation ?
Nous avons rencontré des difficultés, mais elles n’étaient pas insurmontables. Il y a eu onze versions de cette Nuit de la culture avec le même programme, qu’il fallait à chaque fois adapter. On a perdu une dizaine de projets à cause du Covid-19, notamment par rapport aux mesures de sécurité et d’accueil du public, car il s’agissait de projets qui amenaient à du rassemblement. Pour tout le reste, on a modifié des choses, on s’est adapté, on a fait travailler trois projets différents ensemble, sur le même espace…
Les problèmes que nous avons rencontrés ont vite été résolus. Ceci est dû en grande partie au fait que nous avons regardé autour de nous : nous avons vu que ce qui marchait le mieux, c’était la configuration des restaurants. On s’est donc demandé comment travailler sur cet évènement comme dans un restaurant, ce qui explique qu’il y aura beaucoup de choses qui se passeront autour de tables, bien séparées, par îlot familial ou amical. La Nuit de la culture est habituellement très ouverte, mais cette fois-ci, il faudra réserver une table.
Cela vous a-t-il ouvert à d’autres façons de diffuser la culture ?
Exactement. Il a bien sûr fallu, en lien avec cela, réfléchir à la façon dont on allait accueillir le public, sécuriser l’évènement, repenser la manière dont on parle à un public avec ce risque sanitaire… Quant aux artistes, on leur a également demandé de s’adapter, non pas sur le contenu artistique mais sur l’accueil qu’ils réservent aux gens. Tout cela, c’est un travail collectif, et passer par là nous a fait gagner en organisation. Le Covid-19 nous fait grandir dans notre façon de travailler. Ce n’est pas une bénédiction, mais on y a trouvé des avantages
Les spectacles qui ont été annulés trouveront-ils une place dans une prochaine édition ?
Certains d’entre eux seront reprogrammés dans l’année, liés à d’autres partenaires. Ceux que nous n’avons pas pu reprogrammer sous cette forme, en revanche, figureront au programme de la Nuit de la culture 2021.
Le thème de l’air, comme à Belval
Cette année, la Nuit de la culture propose une balade à vélo ou encore une échappée en montgolfière. L’évasion y est un thème très présent; est-ce une manière détournée de faire une édition « anti-Covid » ?
Ça l’est devenu malgré nous. La thématique officielle, « Prendre l’air », a été décidée il y a un an, à la sortie de la précédente Nuit de la culture. On a choisi l’air, car le cœur du projet, qui est le quartier Université-Belval, a beaucoup de courants d’air, avec ses bâtiments très hauts. Et puis, le public se souvient qu’en 2018 le spectacle final était autour du feu, puis autour de l’eau en 2019. Cette année, c’est l’air et l’année prochaine, la terre. On aura fait le tour des quatre éléments.
La question de la mobilité a aussi une belle place dans le programme…
La balade à vélo est devenue elle aussi un beau clin d’œil au Covid-19. La mobilité est devenue un sujet central aujourd’hui, mais nous avions déjà prévu cela l’année dernière, avant la crise. Je ne sais pas si c’est un coup de chance ou une vision, mais en tout cas ça fonctionne très bien avec ce que nous vivons actuellement.
Sans le vouloir, on est sur des préoccupations du quotidien, ce qui est le but de la Nuit de la culture. Nous travaillons avec tous les partenaires pour notre programmation, on tient des réunions publiques… Les idées se trouvent là. Le vélo, par exemple, c’était surtout pour montrer que l’on n’a pas besoin de prendre la voiture pour faire ce chemin entre le centre-ville et Belval : une piste cyclable existe, le trajet est de trois kilomètres, qui se font en à peine dix minutes, et c’est tout plat. On tenait à aborder cette question de la mobilité dans une ville et un pays où le vélo n’a pas une place prépondérante. De même, nous avons un projet avec un artiste dans un train : de la gare d’Esch à la gare de Belval, il y a trois minutes de train. Quand on sait que tous les transports publics luxembourgeois sont gratuits, il est dommage de s’en priver.
Transfrontalier, une belle première
Comment s’est développée cette collaboration transfrontalière – la première – avec Villerupt et Audun-le-Tiche?
Il devait y avoir un projet l’année dernière, mais comme la Nuit de la culture avait déjà été reportée à la suite du décès du Grand-Duc Jean, nous n’avons pas pu le faire. Il s’agissait d’un projet de randonnée qui traversait la frontière. Mon idée était d’assumer cette collaboration transfrontalière, et le très beau projet que nous avons cette année peut être vu comme les prémices d’autres, plus gros, que nous ferons en 2021 et 2022, mais pour cela, il faut commencer à travailler maintenant.
En tout cas, c’est une belle première puisque des projets et des partenaires s’y sont ajoutés, comme le GECT (NDLR : groupement européen de collaboration transfrontalière), qui a proposé de mettre en place une navette gratuite, pour que le public qui vient de Villerupt ou Audun-le-Tiche puisse, de 15 h 30 à minuit, venir en navette pour assister à la Nuit de la culture puis rentrer. Les associations avec lesquelles nous collaborons côté français assistent à nos réunions publiques, et cela favorise la rencontre et l’échange entre nos partenaires des deux pays. De là naissent de nouveaux projets, et c’est aussi notre ambition.
En multipliant les projets, en vous réinventant et en développant de nouvelles collaborations, vous continuez d’avoir Esch 2022 dans votre viseur ?
La Nuit de la culture a été réinventée en 2018, car la commune d’Esch s’était dotée d’une nouvelle aide culturelle, mais aussi pour tester la ville aux grands évènements d’Esch 2022 : quelles sont les problématiques? Comment organiser tel ou tel spectacle? Les services de la commune sont-ils prêts? La Nuit de la culture reste un évènement qui teste et qui répond à ces questions. Nous sommes très en lien avec l’équipe Esch 2022 : nous leur faisons part de nos difficultés, et elle, de son côté, voit ce que nous faisons pour les surmonter. Avec le Covid, il y a eu un partage d’informations et d’idées entre toutes les institutions. En 2022, la Nuit de la culture sera beaucoup plus grosse. Tout est encore en train de se faire, mais ce sera un très gros projet de la ville d’Esch.
Les contraintes liées au Covid ont-elles permis cette année de remettre les artistes luxembourgeois au cœur de la scène ?
Les artistes luxembourgeois étaient déjà au cœur du projet avant même le Covid. Notre méthodologie de travail est d’inviter, entre autres, les artistes et les associations à collaborer directement avec nous. Il n’y a pas d’appel à projets : chaque artiste qui veut participer peut trouver une place, petite ou grande. Les artistes luxembourgeois sont très représentés parce que ce sont eux qui construisent même le début du projet. Mais un spectacle comme Exit, par exemple, n’existe pas au Luxembourg; les artistes étrangers, c’est principalement moi qui les invite pour compléter la programmation.
Valentin Maniglia
Samedi, à partir de 14 h 30.
Les temps forts du programme
18 h
Le grand départ
À vos vélos! La place du Brill et, de l’autre côté de la frontière, la place du Belvédère à Villerupt donneront le top départ d’une balade à deux-roues pour arriver dans le quartier Université-Belval, quartier général de la Nuit de la culture.
19 h
Studio Ghibli
La bibliothèque municipale et le Conservatoire de musique d’Esch- sur-Alzette proposent une lecture-concert reprenant les belles mélodies du mythique studio japonais Ghibli. Cette lecture musicale en trois langues, par Leila Lallali, vous plongera dans l’univers enchanteur et poétique du studio Ghibli.
19 h 30
Exit (cirque), parking Square Mile
Grand spectacle de la soirée, Exit nous plonge dans un univers cinématographique d’anticipation. Un groupe de «doux dingues», avec pour mission de s’échapper le plus rapidement possible de ce monde régi par des règles strictes et implacables, se retrouve piégé bien malgré lui au cœur d’un «escape game» grandeur nature. La compagnie Inextremiste affirme son goût du risque dans une performance circassienne à ne surtout pas rater.
21 h
Bortsch Orkestra (concert), Halle des poches à fonte
Vous aimez danser, adorez les musiques festives des Balkans ou appréciez l’humour ? Alors ce groupe, passionnément rock’n’roll, échappé d’un château d’Europe centrale, est fait pour vous. Le grand bal déjanté de la Nuit de la culture nous montrera que l’air n’a pas de frontières.
Programme et réservations :
nuitdelaculture.lu