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[Musique] Out of the Crowd : du bruit pour les 20 ans !


Sensation «noise» venue d’Irlande, Gilla Band sera la tête d’affiche des 20 ans d’Out of the Crowd pour un concert qui s’annonce surpuissant, avec ou sans bouchons d’oreille.

Festival emblématique ayant pour décor la Kulturfabrik, Out of the Crowd fait vivre la culture du rock alternatif au Luxembourg depuis 20 ans, qu’il fêtera samedi avec un superbe programme.

Du repos un jour férié pour les organisateurs du festival Out of the Crowd? «Pas le moins du monde!», s’exclamait hier Nicolas Przeor au téléphone, à moins de 48 heures d’une édition anniversaire, la vingtième, de l’évènement emblématique lancé en 2004. «Pzey», comme on le connaît aussi par son surnom, partage ce temps entre promo de dernière minute et «derniers fignolages» à la Kulturfabrik pour la mise en place de la grande soirée (qui accueillera notamment les Irlandais turbulents de Gilla Band et le post-punk intrigant de Cola). Il en profite, même, pour s’arrêter et repenser au chemin parcouru jusqu’ici : «On a de la chance, car on est l’un des seuls festivals indépendants au Luxembourg à tenir cette longévité. C’est très particulier, de se dire qu’on a 20 ans.»

Créé sept ans après l’e-Lake (Echternach) et cinq ans avant le Blues’n’Jazz Rallye (Luxembourg), deux autres rendez-vous musicaux incontournables du pays, Out of the Crowd (OOTC) a aussi survécu au Rock-A-Field, à Food for Your Senses, s’imposant donc naturellement comme le vrai seul rendez-vous «alt rock» qui vaille la peine. Voyez plutôt : The Murder Capital, Pivot, Peter Kernel, Beak>, Breton, Battles, Vessels, Russian Circles, Mdou Moctar…

La liste des invités est encore longue, et Out of the Crowd peut se targuer d’avoir représenté tous les continents sur les deux scènes de la KuFa. Pzey, lui, réfléchit moins en ces termes, mais évoque plus simplement une «programmation éclectique et pointue à la fois». «C’est principalement l’élément qui fait que Out of the Crowd a marqué les gens», poursuit celui qui organise le festival avec ses collègues du collectif Schalltot, tous «très connectés à la musique», à tel point que Pzey craint parfois d’être «déconnecté» de la réalité. «Mais on entend souvent dire : « Je ne connais aucun groupe, mais on vous fait confiance parce que les autres années c’était top. » Il y a une sorte de contrat de confiance tacite qui est établi entre nos choix et le public.»

«Dix ans qu’on est un vrai rendez-vous»

C’est ça, le secret du succès d’OOTC : une programmation décalée, même pour son propre territoire, qui fait gage de qualité et témoigne de l’indépendance totale de l’entreprise, derrière laquelle se cachent de vrais amoureux de la musique. «La dimension économique existe, mais très peu pour nous. Notre budget est resté proportionnellement le même au fil du temps, on fait très peu ou pas de sponsoring… Cette indépendance, on veut la garder ! Elle est garante de la liberté de nos choix musicaux», martèle Nicolas Przeor.

Et selon son nom, le festival se veut «en dehors de la foule», c’est pourtant bien lui qui l’attire en masse à la KuFa, année après année. Out of the Crowd connaît un vrai «essor» depuis une dizaine d’années, glisse l’organisateur, à la faveur de solides têtes d’affiche, du math rock énervé des Américains de Battles (en 2011) ou des phénomènes Breton (2012 et 2014) et Metz (2018). «Après les deux premières éditions qui ont très bien marché, on a eu quelques années de creux, se souvient Pzey. Les publics vont et viennent, c’est un truc cyclique, très bizarre à analyser. Mais on observe véritablement la montée en gamme et le succès du festival depuis 2012-2013. Dix ans qu’on est un vrai rendez-vous, quoi.»

Toujours fidèle à sa philosophie, Out of the Crowd ne dénote pas, malgré l’ampleur qu’il a acquise en 20 ans, avec la programmation de ces débuts. L’electro-dance décomplexée de Dan Deacon (2021) et le rap de Klub des Loosers (2012) ont certes fait exception dans cet évènement estampillé rock alternatif, mais à chaque fois pour un concert qui a fait date. Parlant au nom de tout le collectif Schalltot, Pzey affirme : «On n’a jamais fait les choses pour nous.» Pour le public, avant toute chose… Et en partie aussi pour les représentants luxembourgeois du genre musical – dont Pzey, guitariste du groupe culte Mutiny on the Bounty (entre autres), est devenu un pilier. «On s’est battus pour qu’une scène alternative existe au Luxembourg, pour que les groupes d’ici aillent se frotter à des groupes plus confirmés…» Au-delà de l’évènement propre, s’il fallait faire un constat après 20 ans d’existence, la mission est largement accomplie – et l’histoire continue de s’écrire : «On est toujours à la recherche de « newcomers » !»

Le programme

Gilla Band (IRL)

BDRMM (G.-B.)

Cola (CAN)

Maserati (É.-U.)

Tramhaus (P.-B.)

Lip Critic (É.-U.)

Ducks Ltd. (CAN)

No Metal in This Battle (LU)

Johnnie Carwash (FR)

Foreigners (LU)

Red Dwarf Star (É.-U.)

Loon (LU / DJ set)

«Le concert le plus enragé en 20 ans ?
Gilla Band ce week-end!»

La première édition d’Out of the Crowd, je m’en rappelle pratiquement comme si c’était hier», glisse Nicolas «Pzey» Przeor. Membre du collectif Schalltot, tête pensante du festival, Nicolas «Pzey» Przeor a gardé une mémoire intacte de ses 20 dernières années, tant au sein de l’organisation que comme spectateur amateur… ainsi que comme artiste programmé, au sein du groupe culte Mutiny on the Bounty, dont il est le guitariste. Il rembobine pour Le Quotidien quelques souvenirs marquants.

Le plus beau concert que vous ayez accueilli en 20 ans d’Out of the Crowd ?

Nicolas «Pzey» Przeor : Ça ne peut être que subjectif, mais Dan Deacon, c’est un artiste qu’on voulait faire depuis le début. L’année dernière, ça a finalement marché. Sa façon de communier avec le public, de faire participer tout le monde à son show, a donné un concert incroyable… Quand tu as 500 personnes devant toi, les embarquer tous dans une chenille géante, c’est costaud !

Le plus dansant, ce serait donc ça aussi ?

Définitivement Dan Deacon, oui, mais les Canadiens de Holy F en 2022 avaient fait quelque chose d’assez fantastique aussi. Et Battles, en 2011, mais c’est aussi parce que je suis très fan.

Le concert le plus émouvant ?

Other Lives, clairement. C’est un groupe américain que j’adore, entre folk psychédélique et rock alternatif, qui porte sur scène un concept instrumental magnifique. Et c’était aussi une très belle rencontre humaine.

Et le plus enragé ?

(Il rigole) À mon avis, ce sera sans doute Gilla Band ce week-end! Mais jusqu’ici, c’était sans doute These Arms Are Snakes, un groupe de post-hardcore américain qu’on avait fait venir lors de la quatrième édition, en 2007.

Votre pire déception en tant qu’organisateur ?

Ça n’a rien à voir avec la musique, mais lors de cette même quatrième édition, il faisait 0 °C et il neigeait. Ça a été très compliqué de maintenir le festival à flot car la météo avait provoqué des retards partout, les groupes arrivaient un peu n’importe comment… L’autre pire déception, c’était l’année suivante : rebelote, mais dans l’autre sens. On était sous 36 °C, et on a galéré pour motiver les gens à venir s’entasser dans une salle de concert.

Le groupe avec qui ça aurait pu se faire ?

Même si ça relève du rêve, puisque c’était déjà un énorme groupe quand on a commencé, un objectif qu’on vise depuis le début est de faire venir Mogwai. Ça aurait pu marcher à un moment, dans les alentours de 2008-2009, mais du point de vue logistique, ça coinçait.

Le meilleur concert d’un groupe local ?

No Metal in This Battle est venu jouer régulièrement à Out of the Crowd, mais leur dernière performance en date, en 2021, était vraiment énorme. C’est d’ailleurs pour ça qu’on les fait revenir cette année !

Le meilleur concert de Mutiny on the Bounty ?

(Il rigole) On n’a joué que deux fois sur la scène d’Out of the Crowd, mais le plus mémorable reste la deuxième édition, en 2005 : c’était notre tout premier concert.