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[Musique] Dorian & Louvar : «Il faut croire que ça arrivera!»


Après quelques escapades en solo, le duo de rap Dorian & Louvar se remet en piste avec Grande Vie. Un album dans lequel les deux garçons affirment vouloir sortir de la routine, et rêver plus fort, plus loin. Rencontre.

Dorian, 21 ans, et Louvar, 22 ans, «frères» de micro et de scène, reviennent à la charge avec un nouveau long format, le second après Rêve, Raison, Réalité (2014). Avec CHI aux manettes, le duo compte goûter au professionnalisme et s’en donne les moyens. L’histoire, en somme, de deux rappeurs coincés au Luxembourg et à l’étroit dans une vie trop normale…

Après un dernier EP sorti en 2014 et des projets en solo, vous voilà de nouveau réunis pour Grande Vie. Ça fait quoi de se retrouver?

Louvar : Il aurait déjà fallu qu’on se quitte (rire). Même dans nos projets en solo, on n’est jamais bien loin l’un de l’autre. Non, ce n’est pas du tout des retrouvailles, car on bosse toujours de la même manière, qu’on soit seuls ou à deux.
Dorian : À la base, on partage une profonde passion pour la musique. Mais aujourd’hui, on est potes, on se voit tous les jours, pour un oui, pour un non. On est frères, quoi…
Avec ce second grand format, vous dites vouloir vous « mettre sur la voie du professionnalisme ». C’est ça, la grande vie?
Dorian : La grande vie, c’est vivre de ce qu’on aime. Être payé pour faire des sons, monter sur scène… Je pense qu’il n’y a pas meilleur moyen pour s’épanouir dans la vie.

Et cet album est donc le témoin de cette déclaration…

Louvar : Oui, on en parle beaucoup dans l’album. C’est notre objectif et on travaille pour ça. On évoque aussi ce paradoxe entre la vie fantasmée et celle que l’on mène au quotidien, ici, au Luxembourg. Oui, c’est un thème récurrent dans ce disque.

Actuellement, êtes-vous frustrés?

Dorian : Il faut être honnête : on se lève tous les matins et on parle d’une vie que l’on n’a pas. Alors, oui, c’est un peu frustrant. Mais il ne faut pas s’arrêter là. C’est une étape par laquelle beaucoup passent. Je sais qu’à chaque album on est toujours un peu meilleurs. À partir de là, le principe est simple : il faut rester actif, et se monter patient. Bref, ne rien lâcher… et laisser le temps au temps.

Pourtant, dans Grande Vie, vous parlez souvent d’une forme d’urgence de réussite, alors que, paradoxalement, vous êtes jeunes…

Dorian : Après, il existe d’excellents rappeurs de 16-17 ans, qui peuvent nous influencer… Le but est de dire que l’on est motivés. Que si demain je fais un million de vues sur YouTube, je suis prêt à fournir dix clips derrière. Il faut croire que ça arrivera et, dans ce sens, persévérer.
Louvar : Cette urgence, c’est également une forme d’automotivation, de se dire qu’il faut en faire plus, être plus présent qu’on ne l’était jusqu’alors, que ce soit à travers des morceaux ou des clips.
Dorian : On ne peut pas être parfaits, mais on se doit d’être irréprochables (rire).

Avec ce disque, vous êtes-vous donné plus de moyens pour parvenir, justement, à vos fins?

Louvar : Déjà, ce projet est réalisé avec CHI (NDLR : connu pour avoir collaboré avec Youssoupha et d’autres stars du rap français). Avec lui, on sent rapidement l’évolution d’une musique, d’un son… Il a de l’expérience, et la partage.
Dorian : Oui, on n’arrive pas chez lui en se disant : « Je vais faire n’importe quoi! » C’est même un vrai travail à trois : on discute des thèmes abordés, on travaille les sonorités ensemble… Il a un rôle prépondérant dans cette création, qu’il a suivie et construite de A à Z.
Louvar : Oui, Grande Vie, c’est Dorian & Louvar… et CHI!

Cet album, musicalement parlant, semble mixer vos humeurs. Est-ce bien le cas?

Dorian : Grande Vie, c’est le meilleur alliage, jusqu’à maintenant, de nos influences. Il est à la fois triste, mélancolique – ce qui me parle plus particulièrement – et agressif, style plus proche de Louvar. C’est une belle médiane! Cette musique est venue naturellement. Il n’y avait aucune attente, aucune intention particulière…

C’est quoi, justement, vos influences musicales?

Louvar : Bien sûr, beaucoup de rap américain, que l’on parle de Drake, Kendrick Lamar ou Travis Scott, mais aussi du français. Finalement, tout ce qui est nouveau, qui ouvre des horizons, des trucs modernes que l’on n’entend pas partout.
Dorian : Ce qu’on aime, c’est ce qui apporte quelque chose, qui lance la « vibe », la mode, pas un truc réchauffé, influencé par… Un mec comme Young Thug, par exemple. Le gars, il arrête d’articuler, et tout le monde suit! C’est en tout cas un bon exemple pour ce qui est de l’innovation, et encore plus en termes d’activité. Lui, il est toujours sur le qui-vive, prêt à envoyer…
Louvar : La musique se consomme tellement vite aujourd’hui qu’il faut être réactif…
Dorian : (Il coupe) … jusqu’au moment où vous êtes reconnu. Là, on a le droit de faire ce que l’on veut : prendre du retrait comme Stromae ou tenter des choses nouvelles.

C’est comment, faire du rap au Luxembourg?

Dorian : C’est dur! (rire)
Louvar : C’est difficile, car on fait de la musique comme ailleurs, sauf qu’on est au Grand-Duché… Surtout que de ce café, avec le wifi, on peut atteindre la Terre entière!

Il y a bien des spécificités à ce pays, quand même?

Dorian : Je pense qu’ici, on ne peut pas reconnaître un artiste « local » à sa juste valeur. On ne peut pas respecter un mec qu’on croise au McDonald’s du coin! La petitesse du pays est néfaste, dans ce sens… C’est comme ceux qui postent un clip avec en dessous le slogan « Support your local artist ». Franchement, ça, ça me saoule! Tout ça parce qu’on vient du même pays. Si vous voulez relayer mes morceaux ou mes vidéos, faites-le parce que vous les aimez, et non pas parce que l’on vient du même patelin!
Louvar : De toute façon, tous les gens que l’on touche viennent essentiellement de France, de Belgique, de Suisse, du Canada. Ensemble, avec Légendaire, on a fait quelque 50 000 vues sur YouTube. Environ 4 000 viennent du Luxembourg… Et la plupart sont des potes, des gens qui nous connaissent. La plus petite partie du public de Dorian & Louvar vient du pays d’où l’on vient, contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde. Un mec du 93, à Paris, vous croyez que c’est quoi son public? Son quartier d’abord, sûrement…
Dorian : Juste pour soulever ce paradoxe, j’adorerais réussir, du genre, à Paris. Je vous promet qu’à partir de là la Rockhal sera pleine! Ce sera marrant car je reconnaîtrai les têtes…
Louvar : C’est sûr que certains vont se pointer en disant : « Dorian & Louvar? Mais je les suis depuis le début! » Mythos, va! Il faudrait déjà s’y connaître avant de parler…
Dorian : C’est vrai que j’ai l’impression qu’ici, au Grand-Duché, la musique n’a pas la même importance qu’ailleurs. Le public est un consommateur, il ne fouille pas ailleurs, ne cherche pas à se surprendre… C’est méchant, oui, mais c’est réaliste. J’adorerais qu’on vienne me dire que ce que je fais, c’est nul, que mes couplets sont merdiques, mais il faudrait déjà qu’on puisse trouver des comparaisons, mais les gens n’ont pas de background. C’est comme mon père quand il me dit : « T’es bon, mon fils, tu vas tuer Stromae! ». Ça fait plaisir, mais ça n’a pas de fond. Juste l’amour qu’il me porte…

En tout cas, après avoir écouté les paroles de Grande Vie, on peut affirmer qu’il y a une forme d’universalité dans le rap. Les femmes, le fric et la drogue…

Dorian : Ah, les femmes, ce n’est pas moi, c’est Louvar! (rire)
Louvar : Chuttt…
Dorian : Plus sérieusement, dans la chanson La vie le veut, je dis : « J’écoutais ces rappeurs étant petit/Et je mène le même discours aujourd’hui/Drogue, « biff », shit authentique/Mais je capte mieux maintenant que je l’écris/Je crois que j’ai compris… » Ma mère râle quand elle me voit fumer dans les clips, tout comme parfois Louvar, mais si je le fais, ce n’est pas pour me donner un genre! Un clip ou un morceau, pour moi, doit témoigner d’une réalité, d’instants de vie. C’est une question de sincérité, d’authenticité.
Louvar : Même moi qui ne fume pas, j’en parle parce que ça m’entoure. Ça fait également partie de mon quotidien.
Dorian : Si les autres, de manière plus générale, le font aussi, tant mieux. Mais ces paroles, ce sont les miennes. C’est ma vérité.
Louvar : Mais est-ce que la vie des jeunes de 20-25 ans, ce n’est pas ça aussi?

Quels sont vos espoirs?

Dorian : Déjà que ma musique soit appréciée à sa juste valeur. Avec certains, il n’y a que trois millions de vues de différence… En toute honnêteté, et avec du recul, je trouve qu’on mérite une place dans le rap français. Et le monde est tellement grand que se cantonner au Luxembourg et à la France, c’est réducteur. Je rêve de Canada, d’Afrique… Il y a plein de gens à atteindre.
Louvar : Moi, j’aimerais qu’on continue sur cette voie, et que tout ce qu’on entreprend évolue à plus grande échelle. Ce n’est qu’à cette condition que j’aurai la conscience tranquille.

Grégory Cimatti

«Release Party Grande Vie»
Rotondes – Luxembourg.
Samedi à partir de 20 h 30.
Support : DJ Set et L.I.L STAR.

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