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[Musique] Angel Cara, le temps d’éclore


Des singles, un EP et quelques concerts mémorables ont élevé Angel Cara au rang de sensation «dark pop» au Luxembourg. Libre et bien dans ses baskets, la chanteuse avance et évolue, toujours à son rythme, promet-elle.

Elle est apparue sur la scène musicale luxembourgeoise en 2019, sur la pointe des pieds. Avec son premier single, Blood, elle se présentait au monde sur des nappes vaporeuses, la voix claire et ronde doublée d’un écho. Cette chanson, qui convoque les univers d’Angel Olsen, Weyes Blood ou Beach House, était aussi la toute première qu’elle a jamais enregistrée. Cinq ans et un EP plus tard, Angel Cara se montre toujours plus déterminée à «s’investir en tant qu’artiste». Son nom, elle a commencé à l’imposer en 2021 avec Forgiveness, sa «vraie» première chanson, qui montrait déjà les différentes directions qu’elle souhaite emprunter avec sa musique : une pop déconstruite et mélancolique, qui puise son inspiration dans le hip-hop, le rock alternatif ou l’electro.

La même année, c’est lors du Screaming Fields qu’elle fait une performance remarquée. On l’a vue depuis sur bien des scènes du pays : au festival e-Lake à Echternach, en première partie de CHAiLD – à qui elle a retourné la faveur en l’invitant sur le single Kiss Me While U Can – à la Kulturfabrik… Et, surtout, aux dernières Francofolies d’Esch-sur-Alzette, dont elle garde un tendre souvenir de ce concert devant 2 000 personnes, «une étape très importante, un très grand jour pour moi», assure-t-elle. Du côté du festival eschois, le plaisir semble partagé, puisqu’Angel Cara a été sélectionnée pour participer à la prochaine Fabrik des Francofolies, le programme d’accompagnement à la carte à destination des jeunes artistes (lire encadré).

De la maison au studio

La musique est une affaire tant solitaire que collaborative pour celle qui souligne sa «chance d’avoir toujours été soutenue». D’abord par sa famille «mélomane», qui l’a inscrite à l’âge de 7 ans au conservatoire d’Esch-sur-Alzette, où elle a étudié le solfège, le violoncelle et le piano. À 14 ans, elle commence le mannequinat ainsi que des cours d’art dramatique, durant lesquels elle travaille sa diction et s’intéresse à la comédie musicale. «L’aspect musical et le chant ont toujours été des facteurs très importants» dans les activités qu’elle a poursuivies tout le long de sa scolarité. Alors, c’est naturellement vers la musique qu’elle a choisi de se tourner. Aujourd’hui, elle est «entourée d’une super équipe», à commencer par ses quatre producteurs, Turnup Tun, Tom Gatti, Max Hochmuth et John Wolter (alias Don Piano), «qui gère les sets live, les arrangements et qui est aussi mon batteur», précise-t-elle. Chacun donne à Angel Cara la possibilité d’explorer plusieurs directions musicales, formant un tout qui définit la chanteuse.

La musique, c’est une passion. Il serait dommage de la gâcher en se mettant la pression

Angel Cara écrit ses propres textes et souligne l’importance d’«écrire seule». Sa musique, qu’elle définit comme «envoûtante et obscure», s’y prête bien. «Mon intérêt pour l’écriture vient d’une envie similaire à celle de la musique, je la dois à l’inspiration que je trouve chez les artistes que j’écoute, comme Lana Del Rey. Il m’est toujours paru évident que ma musique allait être dans cette même zone, aux frontières de la pop alternative, et en anglais», analyse-t-elle. En studio, elle amène toujours ses paroles, qu’elle utilisera ou pas, tandis que ses producteurs composent et arrangent. C’est à cette étape que démarre véritablement «notre travail de collaboration», avec un processus que l’équipe a adopté en travaillant sur son premier EP, le bien nommé Music to Cry To (2022) : «On part de zéro! Il y a quelque chose de très libérateur à ne rien prévoir, à se laisser inspirer par le moment présent», juge la musicienne, à qui la méthode a jusqu’ici réussi à merveille.

Soigner le visuel

La composition, ce n’est pas encore son fort, mais la touche-à-tout s’y intéresse, de la même façon qu’elle garde un œil avisé sur tous les aspects de sa musique. «Les programmes de production et l’enregistrement, c’est encore un peu flou pour moi», rit-elle. «À la maison, j’ai toujours mon piano et mon violoncelle qui me servent à développer mes idées, tandis que j’esquisse les démos sur mon iPad. Et en studio, j’émets mes idées.» Ce qui amène Angel Cara à repenser aux «heures passées sur ces petites choses qui ne nous plaisaient pas, y compris dans les paroles», ou, au contraire, à ses titres plus immédiats, à l’instar de Sick of Me, petite gemme pop chantée haut perché sur les «beats» minimalistes de Turnup Tun, réalisée «en deux heures seulement». «Le temps de création est très aléatoire selon la chanson, tranche-t-elle. Cela dit, qu’il s’agisse de morceaux répondant à une urgence ou d’autres qui demandent plus de temps, on sait immédiatement quand un morceau est fini.»

Un autre domaine sur lequel Angel Cara s’investit grandement est l’aspect visuel de son art. Avec un mot d’ordre qui régit tout le concept : «que les visuels traduisent le « mood » de la musique». Ainsi, sur la pochette de Music to Cry To, elle est assise au milieu d’une route déserte, laissant poindre une inconfortable sensation, entre apaisement et danger. Viennent en tête des réminiscences de David Lynch (Mulholland Drive, Twin Peaks), comme surgissent les références à The Shining dans le clip de Forgiveness. Angel Cara : «J’adore le cinéma et j’ai toujours regardé ce qui se fait dans le clip, un moyen d’expression puissant quand il s’agit de traduire à l’image des émotions.» À nouveau, elle martèle l’importance de s’entourer «d’artistes qui ont la même passion que moi», qu’elle estime être un gage de «qualité».

«Concept créatif»

Si 2023 a été une année de scènes pour Angel Cara, elle n’a publié que deux petits singles depuis la sortie de son EP, qui remonte à septembre 2022 : le très beau Snowflakes, qui la voit s’aventurer à la lisière du trip-hop, et le plus fédérateur Kiss Me While U Can. S’imposer un rythme de publication est, de son propre aveu, le dernier des soucis d’Angel Cara, qui dit avoir de côté «des dizaines de démos qui ne demande qu’à être finies». «Je ne me laisse pas embrouiller par le stress. Mon répertoire actuel est suffisant pour me présenter à mon public, et durer le temps d’un concert. J’aime aussi piocher parmi ces démos, pour en proposer une au public.» Libre et bien dans ses baskets, Angel Cara met le «concept créatif» avant toute autre chose, et glisse avec assurance : «Je ne publie que des morceaux que j’adore!»

La facilité d’usage des plateformes de streaming va dans son sens : «La musique, c’est une passion. Il serait dommage de la gâcher en se mettant la pression. Quand le public me découvre, sur scène ou sur les plateformes, c’est toujours à travers ma passion que je me présente. C’est un état d’esprit qu’il faut préserver.» Pour l’instant, la musicienne travaille à un deuxième EP, qu’elle «espère sortir cette année», et promet «deux nouveaux singles avant l’été… mais toujours à mon rythme!». Une chose est sûre, Angel Cara n’a pas fini de faire parler d’elle.

Angel Cara de retour aux «Francos»

Aux côtés de l’attraction rap Culture the Kid, Angel Cara est l’une des deux artistes à intégrer la prochaine édition de la Fabrik des Francofolies, a annoncé le festival eschois la semaine dernière. Cinq jours durant, du 25 au 30 mars, les deux jeunes artistes suivront un encadrement intensif de leur travail avec des professionnels de la filière musicale : professeur de chant, chorégraphe, coach scénique et programmateur. Angel Cara y voit «une super occasion d’approfondir (s)on travail et d’être au contact de personnes créatives». «Après le concert, je suis très reconnaissante aux Francofolies de m’avoir choisie pour cette nouvelle opportunité», poursuit-elle… avant de lâcher, en riant : «D’habitude, on ne me choisit jamais!»

Le festival fait savoir que le programme des «Francos-Fabrik» est pensé sur mesure selon les besoins de chaque artiste. Festival oblige, l’accent est mis sur la scène – ce qui sied parfaitement à Angel Cara, qui y a passé une grande partie de sa vie : «C’est justement ce sur quoi j’ai l’intention de travailler : ma présence scénique et mon set live.» Car, de la même manière qu’elle met un point d’honneur à refléter les effets et les émotions de ses chansons dans les visuels, elle souligne que «(s)a présence sur scène doit être en harmonie avec (s)a musique».

Afin de préparer le terrain, Angel Cara a déjà rencontré des professionnels, compositeurs et arrangeurs, dont les conseils ont été «précieux et enrichissants»; d’autres rencontres sont attendues d’ici au lancement des prochaines Fabrik des Francofolies. En attendant, la musicienne promet : «Je suis très motivée et je donnerai tout ce que j’ai!» La nouvelle évolution d’Angel Cara sera à apprécier sur scène à la Kulturfabrik, à l’issue des cinq jours de formation, puis à nouveau aux Francofolies en juin prochain. Sur la grande scène du Gaalgebierg, cette fois?

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