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[LuxFilmFest] Un clown pas comme les autres


Wrinkles the Clown présente, à travers son personnage principal, un clown que les parents peuvent appeler pour effrayer leurs enfants. (Photo : DR)

Le clown Wrinkles, véritable phénomène horrifique d’internet, est le sujet d’un documentaire présenté au LuxFilmFest avec une projection secrète dans laquelle il fallait suivre le clown…

Chaque année, le LuxFilmFest réserve une place de choix à un film qui sort de l’ordinaire, qui doit se vivre comme une expérience. Cette année, le festival proposait, hors compétition, le documentaire Wrinkles the Clown lors d’une projection dans un lieu secret. Pour trouver l’endroit, une seule règle : suivre le clown. Le rendez-vous était donné du côté du Mudam, dans le hall de l’hôtel Meliá; le clown malfaisant avait débarqué de nulle part pour s’approcher des baies vitrées du lobby de l’hôtel et surprendre les spectateurs qui attendaient le rendez-vous.
Une fois la porte d’entrée franchie, le clown, après avoir aussi bien amusé qu’effrayé le public, s’est mis en marche, menant, sous le crachin, les visiteurs jusqu’au fameux lieu secret de projection. Après avoir longé le Mudam, le clown invite à traverser le pont qui mène à l’entrée du musée Dräi Eechelen, puis, à l’intérieur, à travers la collection permanente du musée, qui retrace 500 ans l’histoire du Luxembourg.

Quelques-uns des objets exposés évoquent eux-mêmes une certaine idée de l’horreur, comme l’indétrônable guillotine, pièce maîtresse du musée, devant laquelle le clown posait sous les regards hilares des spectateurs. La guillotine, c’est bien entendu l’évocation de l’horreur gothique, celle des adaptations d’Edgar Poe par Roger Corman et de la Hammer. À côté d’elle, le clown maléfique, figure type de l’horreur contemporaine, celle de Stephen King (Ça) et de la coulrophobie (la peur des clowns), popularisée ces dernières années à travers un phénomène qui a pris de l’ampleur sur YouTube et les réseaux sociaux.

Car c’est bien cela que Wrinkles the Clown présente, à travers son personnage principal, un clown que les parents peuvent appeler pour effrayer leurs enfants. Devenu un phénomène du net après l’apparition en 2014, sur YouTube, d’une vidéo terrifiante dans laquelle Wrinkles, en pleine nuit, sort de sous le lit d’une petite fille, le fameux clown, qui est ensuite apparu dans de nombreuses vidéos, a accepté d’être suivi en 2019 par le réalisateur Michael Beach Nichols.

L’attaque des clowns

Le costume et le masque sont alors devenus célèbres dans tout le sud de la Floride à cause des stickers collés un peu partout dans les rues invitant les parents qui préfèrent ficher une trouille monstre à leurs enfants turbulents à l’appeler plutôt que d’opter pour la fessée, puis dans tous les États-Unis : on en parle chez James Corden et Jimmy Fallon et les chaînes d’informations puis la presse écrite nationale s’intéressent au phénomène sans réussir à percer le mystère. Michael Beach Nichols a une carrière encore toute jeune, mais elle témoigne déjà d’un intérêt certain pour les laissés-pour-compte de l’Amérique profonde et pour une société malade. Son génial documentaire Welcome to Leith lorgnait déjà les thèmes de l’horreur en suivant un suprématiste blanc tout juste installé dans une petite bourgade du Dakota du Nord. Ici, on découvre Wrinkles qui, lorsqu’il enlève son costume, redevient cet homme grincheux de 65 ans qui, visage couvert, aime passer ses journées à ratisser la plage avec son détecteur de métaux ou à traîner dans les strip clubs, avant de retourner à sa caravane.

Le film invite aussi certains spécialistes et universitaires à se pencher sur le phénomène des clowns – on se souvient de l’hystérie collective liée aux apparitions de clowns, surtout aux États-Unis mais aussi en Europe en octobre 2016 – et tente d’apporter une réponse à la terreur profonde qu’ils inspirent. Mais le véritable intérêt de Wrinkles the Clown réside surtout dans le retournement de situation qui survient à un peu plus de 20 minutes de la fin. C’est en tout cas, on le comprend, principalement pour cet instant où toute la construction narrative est remise en question que le film a été conçu, mais on est envahi par le sentiment d’avoir été pris pour des idiots.

Alors, le procédé de déconstruction est certes audacieux, mais au sortir de la projection demeure le goût amer du «tout ça pour ça». On aurait préféré à cette pirouette scénaristique, tombée un peu à plat, être distrait par le véritable clown, sagement assis dans l’auditorium du musée et dont on aurait parié qu’il allait terroriser les spectateurs…

Valentin Maniglia

Wrinkles the Clown.
Samedi (Utopia), à 21 h 15.

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