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Lux Film Fest : Svetlana Alexievitch (Nobel de littérature) réécrit l’Histoire


Svetlana Alexievitch était très attendue, vendredi soir, par les festivaliers du Lux Film Festival.

Le Lux Film Fest a frappé fort en invitant, en guise d’apéritif, la lauréate du prix Nobel de littérature, Svetlana Alexievitch.

Il a fallu être quelque peu en avance pour avoir la chance d’assister, vendredi soir sous le chapiteau du Magic Mirrors, à la séance littéraire de l’auteur biélorusse Svetlana Alexievitch. Invitée à l’occasion de l’avant-première du documentaire du réalisateur luxembourgeois Paul Cruchten, Voices from Chernobyl, adapté du livre La Supplication. Un moment sublime sur le monde russe, offert par une femme extraordinaire.

Il aura fallu jouer des coudes pour tenter d’accéder aux rares places sous le chapiteau du Magic Mirrors à l’occasion de la venue du prix Nobel de littérature, Svetlana Alexievitch, laissant devant la porte de nombreux mécontents. Après avoir décroché la sacro-sainte place, il aura aussi fallu s’armer de patience pour qu’enfin une petite dame au regard doux s’approche de la scène, suivie par un caméraman et de nombreux photographes.

C’est alors que, répondant aux questions du journaliste Jean-Claude Raspiengeas, rédacteur en chef culture du quotidien français La Croix, Svetlana Alexievitch a déroulé le fil de sa vie, de son parcours, de son engagement, de son histoire avec une générosité sans pareille.

Née juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale en Ukraine de parents enseignants, elle adorait lire mais surtout écouter les histoires qui se racontaient autour d’elle, surtout celles de sa grand-mère paternelle. «Les voix autour de moi m’ont toujours beaucoup influencée, j’aimais tellement les écouter, elles parlaient d’amour et de mort, de ce que les livres ne racontaient pas à cause la censure», raconte l’auteur. Il lui a fallu beaucoup de temps pour se trouver, d’abord journaliste pendant sept ans, elle n’y a trouvé que des banalités sans fond et a choisi le chemin de la littérature, pour mieux atteindre son idéal : celui de percer le mystère de l’homme, idéal qu’elle partage avec un autre auteur russe, Dostoïevski.

Révéler les banalités de l’être

«Mon travail ressemble à celui du journaliste dans sa démarche, mais je m’exprime comme un écrivain. Pour moi, un livre est forcément une fiction, bien qu’il traite du réel puisque qu’il est vu à travers le regard, l’expression de l’écrivain. Je veux dresser le portrait d’une époque, percer le mystère de l’éternel, répondre à la question : « Comment rester un homme, même en enfer?», ajoute Svetlana Alexievitch.

C’est le portrait de l’«homme rouge» qu’elle tente de dresser, depuis près de 40 ans, à travers les histoires dont la grande Histoire ne parle pas, trop banales pour rester dans la postérité. Sa Russie, qu’elle raconte sans peur des mots, a toujours vécu en enfer, un enfer où la vie humaine ne vaut rien, où elle est juste un instrument pour atteindre le but de ses gouvernants. «La Russie n’a jamais été libre, les hommes et les femmes ont toujours été mis au service de la conquête, de la guerre et du sang. Pendant un court moment, quand le mur communiste est tombé, la population a voulu la vérité, comprendre ce qu’il s’était passé. Aujourd’hui, il n’en est plus rien, c’est plus difficile pour les artistes et les auteurs, on vit un conflit beaucoup plus important avec le peuple qu’avec le gouvernement», exclame l’auteur.

Les romans de Svetlana Alexievitch révèlent et subliment ce que la société souhaite enfouir au plus profond de l’être, elle réécrit l’Histoire de la plus belle des manières, comme elle l’a rappelé au public grand-ducal.

Mylène Carrière

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