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L’usine à Andy est à Metz


Andy Warhol (à droite) et le Velvet Underground, photographiés à Los Angeles (Californie) en 1966. (photo Steeve Schapiro)

L’exposition «Warhol Underground», au centre Pompidou-Metz, offre une lecture inédite du travail d’Andy Warhol (1928-1987). Le pape du pop art est mis en lumière à travers sa Factory, lieu emblématique de la scène new-yorkaise underground. Musique, danse et cinéma… tous les courants avant-gardistes sont évoqués.

«Warhol Underground» s’appuie sur la relation privilégiée que le plasticien entretenait avec la scène rock des années 70. L’exposition célèbre les 50 ans de la rencontre de l’artiste avec The Velvet Underground – dont il devint producteur – mais aussi les audaces artistiques nées dans ce lieu voulu comme ouvert à tous.

« Je ne vois pas comment j’aurais pu être underground alors que j’ai toujours voulu qu’on me remarque.» En une phrase, Andy Warhol résume bien toute l’ambiguïté qui symbolise son œuvre et sa personnalité, décriées autant qu’admirées. Un homme capable de fouiller dans les sous-couches de l’avant-garde new-yorkaise, d’y dénicher des perles et d’ouvrir un atelier pour en faire des «superstars», selon ses propres termes. En dehors du système, pour mieux s’en nourrir grassement, voilà tout le paradoxe de cet esprit affûté, défricheur de talents et gardant, toute sa vie durant, des yeux doux pour la culture de consommation de masse et le fric.

Sa Factory, qu’il occupa de 1963 à 1967, est ainsi à l’image de son mentor  : ambivalente. Microcosme du chaos de l’Amérique pour les uns, salon «ouvert à tous» où chacun connaît son quart d’heure de gloire, ou aventure collective ayant pour but de créer une visibilité démocratique pour les autres, elle accumule les idées reçues. Seule certitude  : elle apparaît comme l’archétype de l’œuvre d’art totale –  « sans doute la plus grande de Warhol », soutiendra son biographe, Dave Hickey  – abritant des séances de spectacle multimédia, mélange de performance artistique et de boîte de nuit.

Nuages argentés et anges noirs

Avec «Warhol Underground», le centre Pompidou-Metz propose de se replonger dans cette période faste, au psychédélisme assumé et aux amphétamines partagées. Pour l’occasion, il recouvre ses murs de papier d’aluminium, miroir géant rappelant la Factory décorée par le photographe Billy Name, selon les idées du maître des lieux, pour lequel « l’argenté, c’était le narcissisme, les miroirs recouverts d’argent ».

Dans cet espace réfléchissant aux portes ouvertes, les allées et venues étaient nombreuses, et certaines personnalités, curieuses ou activistes, en ont franchi le palier (Salvador Dalí, William Burroughs, Robert De Niro ou encore Bob Dylan, que l’on voit d’ailleurs sur un ou deux clichés). Mais ici, il est surtout question de création, multiforme (musique, danse, cinéma et autres envies picturales) à travers la production non-stop d’évènements et, point toujours sensible avec Andy Warhol, la création de mythes.

Andy Warhol. (photo Stephen Shore)

Andy Warhol. (photo Stephen Shore)

Des entretiens sonores et des musiques crépitant dans les enceintes du musée rappellent que cette entreprise de starification sera symbolisée par The Velvet Underground, sa doublette de musiciens-poètes aux lunettes noires (Lou Reed et John Cale) et son ange blond (Nico), rencontré en 1965. Des «paumés» que Warhol va sublimer en devenant leur producteur et même illustrateur –  une section de l’exposition est consacrée aux pochettes d’album, dont celle avec la fameuse banane.

On les voit d’ailleurs un peu partout, en photo ou en vidéo, ensemble ou séparés, en cuir et avec ou sans fouet, étendant leurs ombres funestes sur les sixties quand ils ne l’éclairent pas d’étranges couleurs et de formes ( Exploding Plastic Inevitable ). Un fantôme qui plane sur cette relecture de l’œuvre de Warhol, qui a le mérite de montrer tous les chemins de traverse dans lesquels s’est engouffré l’artiste. Bien sûr, quelques-unes de ses créations les plus emblématiques sont présentes ( Ten Lizes , Brillo Soap Pads Box , Campbell’s Soup Cans , White Disaster ou Big Electric Chair ), rappelant, si besoin est, que la Factory était une usine pop, avec cette pratique de la sérigraphie institutionnalisée à travers une chaîne de production, bien qu’artisanale.

La danse, et notamment les recherches du Judson Dance Theater, joue également un rôle essentiel dans le modèle que Warhol transpose à la Factory. La présentation de RainForest (1968), chorégraphie de Merce Cunningham au cours de laquelle les danseurs évoluent dans les «Silver Clouds», est clairement un temps fort du parcours. Le cinéma expérimental, dont les modalités de projection, comme les procédés de tournage, rappellent les débuts de la discipline, y a aussi sa place. De toute façon, à la Factory, on avait toujours un appareil photo, une caméra ou un magnétophone en main. Oui, tout est art, enfin, surtout Warhol lui-même, décliné sur la fin dans de (trop) nombreux portraits à sa gloire.

Grégory Cimatti

« Warhol Underground ». Centre Pompidou-Metz. Jusqu’au 23 novembre. Infos sur le site du Centre Pompidou-Metz.

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