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[Livre] Errol Flynn, «Mémoires» d’un Hollywood incorrect


Immense star hollywoodienne à la vie d'aventurier sulfureux, Errol Flynn joua dans soixante films en 25 ans. (photo DR)

Star la plus payée à Hollywood dans les années 1930, il a tourné dans 60 films. Homme à femmes, Don Juan alcoolisé et aventurier picaresque, Errol Flynn se raconte dans Mémoires. Un livre paru voilà 60 ans et qui ressort cet été. Pour un grand plaisir de lecture.

Dans les dernières pages, on lit  «Où en suis-je maintenant ? Le 20 juin 1959 j’ai eu cinquante ans et je me suis offert un cadeau d’anniversaire : une grande maison en pierre, sur la côte nord de la Jamaïque, qui donne sur la mer des Caraïbes.» Et quelques lignes plus loin, c’est l’évocation du tournage de Cuban Rebels Girls, qui sera – on l’ignore encore – son avant-dernier film : «J’ai déjà vécu un demi-siècle et pourtant je n’ai pas le sentiment de vieillir.» Le 14 octobre 1959, à Vancouver (Canada), Errol Flynn meurt d’une crise cardiaque. Ça, c’est la version servie aux médias : en fait, il était rongé par l’alcoolisme… Né le 20 juin 1909 à Hobart, dans la province de Tasmanie (Australie), Flynn a été l’acteur le plus payé à Hollywood dans les années 1930 et son nom reste accroché à un rôle, celui de Robin des Bois, qu’il a interprété devant la caméra de Michael Curtiz.

Bondissant tel le prince de la forêt de Sherwood, Errol Flynn nous revient en cet été 2020. Acteur aux soixante films (réalisés par, entre autres, Michael Curtiz, Raoul Walsh, John Huston ou encore Orson Welles), scénariste et réalisateur en 1952 de deux courts métrages (Deep Sea Fishing et Cruise of the Zaca), flamboyant, il se glisse à nouveau en librairies avec Mémoires, un livre paru en version originale voilà soixante ans et sorti en VF une première fois en 1977 (une VF qui se contente d’un titre bien plat, alors que le titre originel peut être traduit par «Mauvaises manières»).

Surnommé «le Diable de Tasmanie», Flynn est un héros bondissant et déroutant, ce qui fait écrire à Éric Neuhoff dans sa préface : «Errol Flynn n’existe pas. Hollywood l’a inventé. C’est un endroit qui s’y connaît en mensonges. Les studios ont fait croire qu’il était irlandais : il était né en Tasmanie. Ils le présentaient comme une star : Flynn était un écrivain (…) Il maniait le stylo aussi bien que l’épée. Sur la page blanche, il montre le même naturel qu’à l’écran. On ne la lui fait pas. Ça n’est pas le genre à se prendre au sérieux.»

Il jouera dans 60 films en 26 ans

«The Roots of Heaven» (1958) est un incontournable de sa filmographie.

«The Roots of Heaven» (1958) est un incontournable de sa filmographie.

Ainsi, en ouverture de ses Mémoires, il annonce: «J’entre dans un bordel avec autant d’intérêt et le même esprit qu’au British Museum ou au Metropolitan Opera. J’y trouve l’homme et ses œuvres, son art, son éternelle poursuite de l’or et du plaisir.» Et dès les premières lignes du prologue, il pose ces mots : «Je déteste particulièrement les livres qui commencent par : « Ah! Que de joie et de bonheur dans la pittoresque maison du professeur Flynn en Tasmanie, quand les premiers cris du solide petit Eroll se firent entendre… » Donc, si vous êtes intéressé, nous entrerons tout de suite dans le vif du sujet. Ma carrière à la Warner Bros, deux décennies de films, se termina orageusement en 1952. Je m’étais violemment disputé avec Jack Warner, avec qui je me bagarrais depuis mon arrivée chez eux en 1934, nous nous sommes donc quittés et je me suis dit : « Qu’ils aillent se faire voir. Je vais aller en Italie tourner mes propres films. Je gagnerai une fortune et je montrerai à ces gars-là que je n’ai besoin ni d’eux ni de leur studio. » Je partis donc…»

Flynn le flamboyant, qui jouera dans soixante films entre 1933 et 1959 ! Flynn qui débarqua dans le monde du cinéma en tournant pour la première fois au cinéma en 1933 dans In the Wake of the Bounty, un film de l’Australien Charles Chauvel. Deux ans plus tard, il est pour la première fois à l’affiche d’un film américain, il joue le personnage de Gregory Moxley dans The Case of the Curious Bride de Michael Curtiz.

Mais Mémoires, ce n’est donc pas seulement la vie et l’œuvre d’une star à Hollywood. Près de la moitié du livre (sur un total de 500 pages) est consacrée à l’avant, en trois des six chapitres : «Le diable de Tasmanie. 1909-1927», «Le crocodile et l’épée. 1927-1932» et «Sept mers vers l’Angleterre. 1932-1933». Trois chapitres pour raconter, se souvenir d’une vie de bourlingue et d’aventure(s), une vie d’homme que toutes les femmes (et même les très, très jeunes filles) trouvaient irrésistible. Trois chapitres pour les jours heureux… Puis c’est le monde du cinéma. Une carrière d’acteur qui décolle grâce au boss des studios, Jack Warner.

Flynn s’est laissé étourdir par Hollywood

Trois nouveaux chapitres : «Enfin la vie d’acteur. 1933-1942», «Les chasseurs de têtes californiens. 1942-1943» et le sixième et dernier chapitre simplement titré «?». Les mots et le ton du livre deviennent alors plus amers, c’est Hollywood incorrect. C’est pour Flynn la quête incessante, la course effrénée à l’argent, ce sont les relations et aventures amoureuses… et même une accusation de viol, qui va entacher à jamais le mythe Flynn.

Merveilleux Don Juan alcoolisé, adepte des substances interdites et éblouissant aventurier picaresque, Errol Flynn s’est laissé étourdir par le cinéma d’Hollywood. Il se rêvait écrivain et reporter de guerre : il écrivit de grands textes sur la guerre d’Espagne de 1936 et fit ami-ami avec le dirigeant révolutionnaire de Cuba, Fidel Castro.

Mémoires, c’est un livre de Jack London revu (et corrigé et annoté) par Tintin; c’est le livre d’un seul sujet de vie : le plaisir. Encore et toujours. Sans frontières… Ce que, en ange des ténèbres lancé dans La Charge de la brigade légère ou La Charge fantastique sur les traces du Loup des sept collines ou de La Dame de Shanghaï, Errol Flynn résuma en une formule: «Oui, j’ai vécu, et bien vécu, comme un glouton qui mord la vie à pleines dents.»

De notre correspondant à Paris, Serge Bressan

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